Le président de la République avait demandé au CFCM d'établir une "charte des principes de l'islam de France". Cette charte est un préalable pour servir de référence au nouveau Conseil national des imams qui aura la tâche de former et certifier les imams français.
Après de fortes dissensions en son sein, le CFCM déclare avoir trouvé un consensus. Il a publié sa charte sur son site internet, le 18 janvier 2021 (1).
Certains passages rappellent des principes de base, comme par exemple l'affirmation que "ni nos convictions religieuses ni toute autre raison ne sauraient supplanter les principes qui fondent le droit et la Constitution de la République. Aucune conviction religieuse ne peut être invoquée pour se soustraire aux obligations des citoyens".
"Le principe d’égalité devant la loi nous oblige à nous conformer aux règles communes et les faire prévaloir sur toutes les normes et règles y compris celles issues de nos convictions et/ou de nos interprétations religieuses".
Ce passage concerne un large panel d'évènements causés par des islamistes. Il me fait notamment penser aux offensives politico-sexistes des pro-burqinis. Par cette déclaration, le CFCM les condamne de facto.
La charte reconnait également le cœur de la laïcité : la liberté de conscience. Elle reconnait la liberté "de croire ou de ne pas croire, de pratiquer le culte de son choix et de changer de religion".
Tout ceci nous semble évident. Mais c'est un tournant pour une instance musulmane officielle. De plus, pour nombre de musulmans, c'est encore de la science-fiction. Pour un certain nombre d'entre eux, la laïcité se réduit à la liberté de croire (l'athéisme est rejeté) et la liberté religieuse (qui devrait être sans limite pour les musulmans). Par ses engagements, le CFCM enclenche le débat pour faire évoluer les mentalités de celles et ceux qui refusent toujours les valeurs républicaines. Toutefois, cette charte a été créée par le haut sous pression du Président de la République. Sa reconnaissance par l'ensemble des musulmans sera donc limitée. Mais son but premier n'est pas là. Elle pose surtout, concernant le volet républicain, les fondements de la future formation des imams.
Mais je relève déjà une première contradiction en ce qui concerne l'égalité des sexes. La charte affirme que "l'égalité homme-femme est un principe fondamental". Elle "rejette toute discrimination fondée sur la religion, le sexe, l’orientation sexuelle (…)". Or, ce même CFCM avait affirmé en octobre 2019 que le voile est une prescription religieuse, donc une obligation (2).
Textile du patriarcat, symbole politique et philosophique du sexisme le plus ancien de l'humanité, marqueur de l'infériorisation des femmes, le voile est la quintessence de l'inégalité homme-femme, la matérialisation physique de la discrimination sexiste. Absent du Coran, il relève de la culture, pas de la religion. Seuls les islamistes, guidés par leur obsession sexuelle et leur patriarcat, veulent à tout prix en faire une prescription religieuse. Et même si le voile figurait dans le Coran, rien ne peut justifier le sexisme, absolument rien du tout.
Affirmer l'égalité des sexes sans y croire ne coûte rien, mais cela rassure la République. Certains Frères musulmans, comme Ahmed Jaballah par exemple (ex président de l'UOIF), n'avaient pas hésité par le passé à déclarer qu'hommes et femmes sont égaux. C'est suffisamment vague et ça fait tellement plaisir à ceux qui réclament une telle affirmation en France. Mais quand ces islamistes expliquent en détail ce qu'ils entendent par "égalité", on réalise que leur définition toute patriarcale et rétrograde n'a rien à voir avec celle du dictionnaire. Le voile en est la preuve matérielle.
Affirmer l'égalité des sexes sans y croire ne coûte rien, mais cela rassure la République.
Tant que le CFCM affirmera que le voile est une "prescription religieuse", montrant ainsi son alignement avec la tendance islamiste, sa charte qui mentionne le "principe de l'égalité homme-femme" ne sera que mensonge et hypocrisie.
Cette première contradiction ne sera sans doute pas la dernière. Mais les avancées sont certaines, trop même peut-être pour quelques fédérations qui refuseront de la signer.
Les islamistes turcs du Milli Görüs rechignent. Toutefois, selon Mohamed Sifaoui, Musulmans de France (ex UOIF) aurait accepté de signer. Une signature difficile mais incontournable pour les Frères musulmans de France, alors que cette même charte "engage les signataires à refuser de s’inscrire dans une quelconque démarche faisant la promotion de ce qui est connu sous l’appellation "islam politique"". "La pensée des Frères musulmans" est nommément citée. Mais, si l'ex UOIF veut peser dans la formation des imams du CFCM, s'il veut toujours mieux distiller son idéologie en France, ces Frères musulmans feront comme ils l'ont toujours fait : afficher une vitrine acceptable pour s'infiltrer. Ils pourront ainsi empêcher toute déclaration affirmant que le voile, arme politique de l'islamisme, n'est pas une prescription religieuse.
L'islam sunnite n'a pas de clergé. Le CFCM ne représente que lui-même. D'autres mouvements islamistes, non membres du CFCM, ne reconnaitront pas cette charte. Ils ne manqueront pas de la critiquer, de l'accuser de plier face à la République (dans leur communication, les Frères musulmans et néo-salafistes parleront plutôt de plier face aux "islamophobes" et à l'extrême droite). Les militantes islamistes pro-burqini ne reconnaitront pas non plus cette charte, tout du moins plusieurs passages.
Le site néo salafiste Islam&Info a réagi sur Twitter : "Apparemment maintenant la charte des imams interdit aux musulmans de parler d'islamophobie librement...". Le site rappelle son attachement à lutter contre toute forme de critique, d'atteinte à l'islam et de blasphème. Au point de dire n'importe quoi.
Le site a également retweeté un salafiste pur et dur, Vincent Souleymane : "J'ai le plaisir de décerner le prix ibn salloul au @CfcmOfficiel à l'unanimité des voix du jury". Dans la tradition musulmane, Ibn Salloul est un traitre, un diviseur de la communauté musulmane à l'époque du Prophète.
ADM (Action Droits des Musulmans) a aussi montré son hostilité en dénonçant l'ingérence du gouvernement dans le culte musulman. Selon l'association, cette charte sera utilisée dans "les mesures visant les musulmans". Pour elle comme pour tous les autres mouvements islamistes, lutter contre l'islamisme serait lutter contre tous les musulmans… pour ensuite bien se plaindre de l'amalgame entre les deux.
Elle n'hésite pas à qualifier cette charte de "charte de la honte".
Marwan Muhammad, sa plateforme "L.E.S Musulmans" (émanation de l'ex CCIF), Dômes et Minarets et quelques autres groupes islamistes ne se sont toujours pas exprimés. Cela montre leur embarras pour un texte qui affirme clairement les valeurs républicaines dont la liberté de conscience.
Cette charte, née au forceps par le haut (et critiquée pour cela), n'a pas fini de faire réagir.
(1) Présentation de la charte des principes pour l’islam de France au président de la République
(2) Le CFCM entérine son sexisme politique : le voile serait "une prescription religieuse"