facebook twitter youtube instagram

Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

actualités - LREM, Sara Zemmahi

Co-auteur d’un ouvrage collectif, mon chapitre est conforté par l'erreur "laïque" de LREM

Par Naëm Bestandji . Publié le 17 Mai 2021 à 11h08

« (Re)penser la France d’après » (1), co-dirigé par Emmanuel Razavi et Peggy Porquet, est un ouvrage exceptionnel [qui] s’appuie sur le travail mené par une quinzaine de personnalités venant de différents horizons politique, social et culturel, qui ont une expérience de terrain et proposent des solutions concrètes pour (re)penser la France de demain.
Santé publique, sécurité, justice, éducation nationale, souveraineté, terrorisme, culture, égalité, environnement, handicap, médias, économie, numérique, etc…

Parmi les divers domaines abordés dans cet ouvrage, j’ai été sollicité pour écrire un chapitre sur la laïcité et le féminisme. J’y souligne la nécessité d'épargner la première et de renforcer le second. En effet, la laïcité est un bouclier pour le féminisme puisque les religions, patriarcales par essence, ont toujours été source d’oppression pour les femmes. Mais l’irruption de l’islamisme, confondu avec l’islam, change la donne. Brandi pour tout et n’importe quoi à chaque affaire de voile, le bouclier laïque perd de son efficacité et le féminisme est oublié.

Le voile concerne moins la laïcité que le sexisme

Obsédés sexuels dont le patriarcat fait reposer la gestion de leur libido sur les corps des femmes, les islamistes ont fait du sexisme du voile leur outil politique de prédilection. Adeptes de la rhétorique d’inversion, ils récupèrent tout ce qui nous fait sens, y compris les valeurs républicaines, pour les redéfinir et les retourner contre la République. C’est le cas de la laïcité. Le sexisme du voile est le cheval de Troie politique de l’islamisme. Les militantes qui le portent le savent et jouent leur partition. Les autres sont les instruments malgré elles de l’idéologie qu’elles affichent sur leurs têtes. C’est la volonté des islamistes depuis le début du XXe siècle. Ils nomment cela la da’wa (prosélytisme) par la visibilité.

Le voile est prosélyte

La laïcité semble concernée puisque ces militants agissent au nom de leur (interprétation de la) religion. Maitres en l’inversion des rôles, les islamistes politiques se transforment alors en grands défenseurs de la loi de 1905. Souvenons-nous, par exemple, de feu le CCIF. Or, l’islam n’est qu’un prétexte pour un modèle de société où le patriarcat est central. L’intégralité de leurs arguments concerne les rapports entre les sexes, la « pudeur » des femmes définie et ordonnée par des hommes pour apaiser leurs hormones s’ils voient une mèche de cheveux ou une oreille féminine. Le voile est 0% spirituel 100% sexiste. Alors pourquoi choisir le terrain de la laïcité ? Parce que cela leur permet de passer du statut d’oppresseurs à celui de victimes, des « musulmans persécutés par une société religieusement intolérante ». Ainsi, l’accessoire vestimentaire le plus raciste, sexiste et discriminant que l’homme ait inventé, où chaque centimètre carré transpire un patriarcat multimillénaire, est défendu par des relativistes, dont des féministes. La raison ? Une approche orientaliste et essentialiste pour le respect du « libre choix » de la servitude faussement « religieuse » mais réellement sexiste et patriarcale d’une partie de leurs porteuses. Le terrain choisi par les islamistes, la laïcité, est donc le bon. Le véritable terrain du voile, l’inégalité des sexes, là où les islamistes n’ont aucune chance, est déserté.

Obsédés sexuels dont le patriarcat fait reposer la gestion de leur libido sur les corps des femmes, les islamistes ont fait du sexisme du voile leur outil politique de prédilection.

Les islamistes ont réussi à faire de leur sexisme un catalyseur d’alliance avec une partie de la gauche censée être, pourtant, leur premier adversaire. C’est du grand art, une œuvre magistrale. A force de faire appel à la laïcité pour un sujet qui concerne le sexisme et le patriarcat, on en vient à retourner la laïcité contre les femmes par l'aménagement du sexisme au nom de la « liberté religieuse ». La laïcité n’est plus un bouclier de protection. Elle se transforme en carte d’immunité de l’islamisme. Le cheval de Troie est efficace. Combattre efficacement l’islamisme passe donc, aussi, par combattre le concept du voilement. En le ramenant sur le seul terrain concerné, le sexisme, cette efficace arme islamiste se transformera en guillotine de cette idéologie. Tant que nous persisterons à rester sur le terrain privilégié par les intégristes musulmans, la laïcité, nous perdrons.

Combattre efficacement l’islamisme passe aussi par combattre le concept du voilement.

L’actualité de ces derniers jours offre une mise en pratique de la teneur de mon chapitre.

La candidate voilée de LREM à Montpellier

Le 8 mai 2021, le siège de LREM à Paris découvre l’affiche de campagne LREM pour les départementales à Montpellier. Une candidate suppléante, Sara Zemmahi, est voilée. L’affaire doit être réglée en interne. Surtout en cette période de turbulence sur l’avancée de l’islamisme politique soutenue par une partie de la gauche, et de la polémique sur l’alliance LR/LREM pour les régionales en PACA. Mais l’affiche est rendue publique. La polémique enfle. La récupération par le RN permet aux pro-voile d’occulter le fond ou, au mieux, d’aller sur le terrain classique et toujours autant hors sujet : la laïcité.

Cette affiche montre la conception sexiste des rapports hommes-femmes de la part des candidats et leur complaisance (ou naïveté, ce qui est encore moins excusable) envers l’islamisme politique. Comme toujours, c’est une femme qui porte le stigmate du voile. Aucun des deux candidats masculins n’a fait, et ne fera jamais, le « libre choix » de se cacher sous un voile par « pudeur » pour ménager la libido féminine. Sara Zemmahi porte sur sa tête l’étendard politico-sexiste des Frères musulmans, le hijâb. Ses actions associatives sont en cohérence.

Candidate voilée LREM Montpellier

Sa proximité idéologique avec Hani Ramadan a été soulignée. Mais peu ont parlé de Hassan Iquioussen. Ce cadre français des Frères musulmans assume sa vision politique de l’islam. En mars 2014, il déclara par exemple : Mon objectif [c'est] de prouver aux hommes politiques que nous sommes devenus un lobby politique (…), que nous sommes devenus un vote communautaire. (…) On peut faire pression maintenant.

Hassan Iquioussen, leçon d'islamisme politique

Comme tous les prescripteurs du voile, il justifie l’obligation de son port par le fait que l’homme est un prédateur et la femme une proie. Puisque cette animalité de l’homme serait sa nature, il ne peut donc pas changer. La seule solution pour le protéger de ses pulsions est de cacher l’objet de tentation sexuelle sous un voile. Puis, Hassan Iquioussen, comme tous les autres, transforme cette humiliation sexiste en fierté identitaire dont les corps des musulmanes servent de support politique par les voiles qui les recouvrent. Pour lui, comme pour les néo salafistes tels que Nader Abou Anas et l’ensemble de leurs « savants », le voile est central dans le lobbying qu’il appelle de ses vœux.

A travers son association, Sara Zemmahi applique consciencieusement la stratégie des Frères musulmans pour l’avancée de son idéologie : soutien scolaire, aide alimentaire, tisser des liens avec des femmes non voilées et des non musulmans, etc. Tout ceci régulièrement assaisonné d’actions de promotion du voile. Tout est fait pour toujours mieux le banaliser et occulter, dans un premier temps, les valeurs qui l’accompagnent. L’éducation et le social servent de support. Cela fonctionne. Grâce à cela, Sara Zemmahi a pu intégrer LREM, se retrouver sur cette affiche, et être défendue par tous les « idiots utiles » qui soulignent les actions positives de son association. L’évolution de Jean-Luc Mélenchon et de Benoît Amon sont deux exemples flagrants. Si en 2010, lors de l’épisode d’une candidate voilée sous les couleurs du NPA, ils étaient farouchement contre l’affichage « religieux » pour des représentants du peuple, ils ne le sont plus aujourd’hui. Les offensives politiques de l’islamisme à travers le voile a accentué l’orientalisme pseudo tolérant d'une bonne partie de la gauche, dont ces deux hommes politiques. Aujourd’hui, ils s’assoient sur leurs valeurs pour caresser l’extrême droite musulmane dans le sens du voile. La stratégie de conquête sociale par le bas appliquée dans les pays musulmans, pour conquérir les âmes et faciliter la conquête politique par le haut, semble aussi fonctionner en France.

Aller sur le terrain de la laïcité pour occulter le sexisme

Au-delà du prosélytisme et de l’affichage politico-identitaire, le sexisme et le patriarcat brillent de mille éclats. Le voile de Sara Zemmahi est là pour souligner qu’elle peut être ingénieure mais qu’elle ne doit jamais oublier quelle est sa place : inférieure à l’homme. Sa profession et son engagement politique sont donc conditionnés au port de son voile. Pas de voile : pas de travail. C’est une des raisons d’être du voile. Il a été créé pour dicter aux femmes comment se vêtir en les divisant entre pudiques et impudiques, et en leur laissant le « choix » entre le Paradis ou l’Enfer. Une menace brandie par les islamistes, non par l’islam, pour convaincre les hésitantes. Ainsi, dans tous les débats agités par la polémique de cette affiche, personne ne s’est demandé pourquoi elle n’a pas retiré son voile le temps d’un cliché. Tous sont allés sur un terrain qui n’est pas le premier concerné, celui de la laïcité. Or, encore une fois, la religion est moins le problème que le sexisme. Cette candidate n’a pas retiré son voile pour la photo car, imbibée des discours patriarcaux islamistes, elle est dans l’impossibilité psychologique de le faire puisque des hommes pourront voir ses cheveux. Ce qui est considéré comme une exhibition sexuelle. Le voile ne connecte pas à Dieu mais aux hormones de ses prescripteurs. Cela n’a donc aucun rapport avec la spiritualité. Alors là encore, pas de voile : pas de photo. Voilà ce qui devrait interroger et inquiéter tout le monde, et en premier lieu les colistiers.

Le voile ne connecte pas à Dieu mais aux hormones de ses prescripteurs.

Cette affiche est choquante par l’image sexiste et rétrograde qu’elle renvoie des femmes, par l’endoctrinement qui rend psychologiquement impossible tout retrait du voile devant des hommes, en plus de l’affichage islamiste grâce au relais de LREM. Ainsi, cette affiche est non seulement en totale opposition à l’un des chevaux de bataille du quinquennat d’Emmanuel Macron, la lutte contre le sexisme, mais aussi à la lutte menée par le gouvernement contre l’islamisme. Et comme tous les autres, le parti se déchire sur la laïcité alors qu’il devrait se retrouver sur l’égalité des sexes. Si le voile était abordé pour ce qu’il est, personne ne défendrait sa présence sur une affiche électorale. Ce nouveau bourbier sur la laïcité fait perdre une nouvelle bataille au féminisme et permet à l’islamisme d’encore mieux s’enraciner en passant pour une victime.

La question du sexisme est donc écartée d’un revers de main pour ne parler que de laïcité. L’égalité des sexes s’écrase sous le poids de l’autel religieux. Ferions-nous preuve d’un même relativisme si un être humain portait un signe distinctif, infériorisant, en raison de sa couleur de peau ? Après tout, si la laïcité l’autorise… Comme toujours depuis 30 ans, on débat à l’infini pour savoir si la laïcité est respectée. Si l’aménagement laïque du sexisme sur cette affiche est légal. Vouloir se limiter à l’aspect juridique est l’autre méthode des islamistes et de leurs soutiens. Là encore, le CCIF était maitre en la matière.

Aller sur le terrain juridique pour occulter les aspects politiques et philosophiques

La loi n’interdit pas le port de signe religieux par des candidats politiques. Ce flou juridique, qui met en péril la séparation du politique et du religieux, est du « pain béni ». La laïcité ne se réduit pas à la loi de 1905. Elle est avant tout un principe, traduit dans le droit. Pas l’inverse. Et droit n’est pas synonyme d’obligation. Si la loi n’interdit pas l’affichage sexiste (pardon, « religieux ») du voile, rien n’oblige non plus un parti politique à le faire. LREM a donc aussi le droit de s’interroger sur la pertinence politique et philosophique du voile sur ses affiches de campagne. Elle a le droit de refuser tout affichage « religieux ». Pourtant, les pro-voiles insistent systématiquement sur le juridique pour tenter d’empêcher tout débat philosophique et politique. Cette déchéance intellectuelle s’applique uniquement au sexisme islamiste. Hasard de l’actualité, un autre évènement politique impliquant LREM fait polémique quasiment au même moment, à quelques centaines de kilomètres à l’est. Mais les réactions ne sont pas les mêmes.

Renaud Muselier, Président sortant de la région PACA, est candidat à sa propre succession. Le 1er mai, le Premier ministre Jean Castex annonce au JDD le retrait de la liste La République en marche dans la Région Sud, au profit du sortant Les Républicains. La secrétaire d'État Sophie Cluzel "et des représentants de la majorité parlementaire" seront sur la liste LR (2).
Cette alliance a créé une immense polémique. Pourtant, en appliquant le raisonnement des pro-voiles, LREM et Renaud Muselier ont parfaitement le droit d’agir ainsi. Juridiquement, rien ne le leur interdit. Alors pourquoi faire autant d’histoire ? Mais personne n’est allé sur ce terrain tant un tel argument serait ridicule. L’intégralité des réactions concerne la politique et les valeurs défendues par chacun. Ce qui vaut en PACA vaut à Montpellier. La laïcité ne doit plus être un prétexte qui facilite l’expansion de l’islamisme grâce au sexisme du voile. Plus que jamais, le féminisme doit être en première ligne, avec la laïcité comme bouclier, non l’inverse.

La teneur de mon chapitre dans ce livre collectif est donc d’une forte résonnance sur l’actualité et le sera encore longtemps. Cela montre la nécessité d’un tel ouvrage où chaque auteur(e), dans son domaine respectif, a su faire des propositions concrètes pour améliorer l’avenir. Je ne suis pas d’accord avec toutes. Sans doute que certain(e)s ne sont pas d’accord avec tout ce que j’ai écrit non plus. C’est une des forces de ce livre : avoir réuni des personnalités de diverses sensibilités politiques, toutes et tous démocrates et républicains, pour repenser, ensemble, la France de demain.

(1) (Re)penser la France d’après, sous la direction d’Emmanuel et Razavi et Peggy Porquet, Bold, mai 2021.
(2) EXCLUSIF. Jean Castex dit oui à Renaud Muselier pour une candidature commune LREM-LR dans la Région Paca

Soutenez-moi sur tipee