Il y a quelques semaines, la députée LREM Laetitia Avia avait enflammé Twitter. Dans l'exposé des motifs de l'article 5 du projet de loi contre la cyber haine, elle et ses collègues avaient subtilement réintroduit le délit de blasphème par l'insertion du terme "islamophobie". Face au tollé, elle fit machine arrière pour remplacer ce terme par "anti musulmans".
Certes, "islamophobie" avait disparu. Mais le problème demeure. Tout d'abord, comme je l'avais dit à l'époque, ce fut la 1ère fois qu'il était utilisé dans un texte officiel. Le coup de semonce n'est donc pas à prendre à la légère. De plus, même remplacé par "anti musulmans", pointer uniquement la haine envers les musulmans plutôt que celles envers les (non) croyants de façon plus générale est un problème. Cela crée un déséquilibre moral et sans doute juridique. Cela participe encore à la victimisation des premiers et affaiblit la défense et la prise en compte des autres. Surtout que les actes anti chrétiens sont bien plus nombreux que les actes anti musulmans. Quitte à faire de la concurrence malsaine introduite par ce texte, autant remettre les choses à leur place.
Pourquoi remettre cette histoire sur le tapis ? Parce que si "islamophobie" avait bien disparu du texte, il revient par la fenêtre dans la bouche de celle qui avait promis de le retirer : Laetitia Avia. Dans une vidéo publiée aujourd'hui sur Twitter par le compte officiel de "En marche", elle réintroduit le délit de blasphème ("islamophobie") au côté du sexisme, du racisme, de l'homophobie et de l'antisémitisme. Une nouvelle fois, LREM met au même niveau la critique d'une religion (mais seulement l'islam) et les attaques contre des individus pour ce qu'ils sont en tant qu'Êtres humains. Selon Laetitia Avia, critiquer ou se moquer de l'islam serait "toucher à la dignité humaine". Sa machine arrière du mois dernier ne fut donc qu'un leurre.
En dehors de s'être moquée de tout le monde, ce choix est particulièrement grave. Si cela se maintient, toute personne critiquant, se moquant de l'islam pourrait être poursuivie. Toute personne qui critiquerait le voilement sur les réseaux sociaux serait potentiellement condamnable par la justice puisque "l'islamophobie" confond volontairement critiques d'une idéologie et attaques envers les personnes. Toute personne qui critiquerait les islamistes serait également potentiellement condamnable. Par contre, puisque les autres religions ne sont pas mentionnées, c'est open bar pour les critiquer et attaquer leurs croyants (quitte à confondre religion et croyants comme avec "islamophobie", autant y aller à fond).
En prétextant la légitime lutte contre la cyber haine, En Marche en profite donc pour rétablir le délit de blasphème (mais uniquement pour l'islam). La liberté d'expression est encore menacée pour faire plaisir aux censeurs religieux d'une seule religion. C'est un immonde bras d'honneur aux victimes de Charlie Hebdo, exécutées pour avoir exercé leur liberté d'expression, pour avoir publié des dessins désignés "islamophobes". C'est une nouvelle fois la confirmation de ce que je ne cesse de répéter : l'influence de l'islamisme politique est bien plus dangereuse à long terme que l'islamisme djihadiste. J'avais écrit un article sur ce projet de loi il y a déjà un an. Il est plus que jamais d'actualité :
La lutte légitime contre la cyber haine ne doit pas être prétexte au rétablissement du délit de blasphème