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Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

dossiers - Burqini

Le burqini et l'hygiène ne sont pas amis

Par Naëm Bestandji . Publié le 20 Mai 2022 à 08h38

Source : http://www.courrier-picard.fr/171486/article/2019-03-13/le-burkini-fait-son-entree-la-piscine-de-quend-fort-mahon#

Le 16 mai 2022, le maire de Grenoble a fait voter en Conseil municipal le changement du règlement des piscines de la ville, malgré une vive opposition y compris dans ses propres rangs. Loin d’être un détail, les conséquences sont colossales, en premier lieu pour l’inégalité des sexes à travers le corps des femmes, mais également par une nouvelle avancée d’une idéologie totalitaire, l’islamisme. Par cette évolution rétrograde du règlement, Éric Piolle valide l’idée des intégrismes religieux : la femme est un objet sexuel tentateur à cacher pour ne pas susciter la convoitise des hommes. Sa vision réactionnaire, sexiste et patriarcale, au-delà de son désir de cajoler l’islamisme, ne pouvait évidemment pas être exprimée textuellement dans le règlement. Le maire a alors repris l’argument d’Alliance citoyenne, censé être imparable : seules l’hygiène et la sécurité sont à considérer. Ainsi, toutes les idéologies, les propagandes politiques, syndicales et les opinions discriminantes "légales" envers un groupe humain (comme c’est le cas pour les femmes avec le burqini) pourraient s’exprimer dans les piscines municipales de Grenoble… si elles respectent l’hygiène et la sécurité. Soit. Alors arrêtons-nous sur l’angle « imparable » d’Alliance citoyenne et repris par le maire, l’hygiène. Un angle si fragile qui, là encore, ne tient pas, au point d’être contestable devant un tribunal.

Se couvrir pour se protéger du soleil ?

Un des arguments pour justifier le changement du règlement est d’offrir la possibilité de se protéger du soleil, surtout pour les personnes à l’épiderme sensible en cette époque de réchauffement climatique. Or, cette approche est discriminante. Quels que soient les personnes, leur sexe ou leur état de santé, chacun désire profiter des plaisirs de la baignade, de sentir l’eau, l’air (et le soleil si on le souhaite) caresser sa peau. Le corps humain réclame de se baigner avec un minimum d’entrave textile. Personne ne rêve de se baigner habillé pour macérer dans sa transpiration et ne sentir que la matière de son vêtement à la place de l’eau et de l’air. Personne ne souhaite, non plus, être entravé par un textile pour nager. Être couverte d’un burqini, et rester un long moment au soleil et hors de l’eau, peut même entraîner un malaise en raison de la montée en température du corps causée par le lycra. Ce sont les raisons pour lesquelles les plongeurs et plongeuses ne portent pas leur combinaison pour les jeux de plage, une activité farniente ou baignade. Se baigner en combinaison est donc une contrainte physique, un inconfort dont sont exemptés les autres baigneurs en parfait état de santé ou à la peau peu sensible aux coups de soleil. On ne va pas à la piscine pour être couvert comme dans la rue. Il ne revient donc pas aux usagers de se baigner couverts de la tête aux pieds, mais au gestionnaire de la piscine d’aménager le lieu. Les coins d’ombre, y compris au-dessus d’une partie des bassins, doivent être proposés en plantant des arbres et/ou des parasols par exemple. Ainsi, chacun pourra porter un maillot de bain, pratiquer la baignade comme les autres et se protéger ou non du soleil à sa convenance, sans discrimination en raison de sa santé. Voilà quelle mesure prendre quand on est sensible à l’écologie et à la santé de ses administrés, plutôt que d’infliger à certains une entrave textile qui peut être vécue comme une injuste punition.

Les chloramines, amies du burqini

Le maire a également écarté un autre élément. Le port du burqini entraîne mécaniquement dans l’eau une hausse des chloramines. « Les chloramines sont produites par la réaction entre le chlore et les matières organiques présentes dans l'eau comme la sueur, les restes de cosmétique, la salive, l'urine ou les peaux mortes provenant des baigneurs. » Or, plus un baigneur est couvert, plus la quantité de sueur augmente. Les conséquences de la hausse des chloramines sont réelles pour les baigneurs sensibles au chlore, mais aussi pour les maitres-nageurs au bord des bassins intérieurs. Les yeux qui rougissent et piquent est l’un des symptômes. Pour l’hygiène et la sécurité, on repassera. On pourrait rétorquer qu’il faudrait un certain nombre de baigneuses en burqini pour une augmentation substantielle des chloramines. Soit. Alors combien ? Ce nombre pourrait être déterminé en fonction de la taille de chaque bassin, en plein air ou en intérieur, etc. Une première démarche déjà ridicule. Il faudra ensuite afficher ce nombre… Une fois atteint, les fanatiques en burqini, arrivant après, seront refoulées ? On leur expliquera qu’elles ne sont pas discriminées. Elles peuvent entrer dans la piscine… en maillot de bain comme tout le monde.

De chez soi à la piscine, sans passer par les douches

Les problèmes d’hygiène ne s’arrêtent pas là. Ils commencent même avant l’entrée dans la piscine. Comme le précisent tous les règlements des piscines de France, dont celui de Grenoble, « les tenues de bain ne doivent pas avoir été portées avant l’accès à la piscine ». Qui vérifiera, lors des périodes peu chaudes, que le burqini n’est pas porté en dessous des vêtements ? La même question peut aussi se poser pour les maillots de bain. Sauf que la surface textile du burqini est bien plus importante. Le problème d’hygiène et les risques sont donc bien plus prononcés. Le personnel des piscines n’aura pas non plus les moyens de vérifier si des sous-vêtements sont portés sous le burqini. Certaines en porteront évidemment, avec toutes les conséquences négatives pour l’hygiène dans les bassins.

Une fois en maillot à la sortie des vestiaires, et avant de sauter dans l’eau, le passage à la douche est incontournable, toujours pour une question d’hygiène. Le règlement le rappelle ainsi : « la douche savonnée avec produit lavant (formule avec ou sans savon) en tenue de bain et le passage dans les pédiluves sont obligatoires avant l'accès à la plage ». Or, le burqini empêche cette étape obligatoire. Une exception sera-t-elle accordée à leurs porteuses ? Si oui, cela entraînera, au-delà du problème évident d’hygiène, une discrimination vis-à-vis des autres baigneurs qui, eux, seront obligés d’y passer. C’est peut-être pour cela qu’une telle exception n’est pas textuellement formulée dans le nouveau règlement, mais il l’instaure de facto.

Les « Tenues de bain ajustées près du corps » sont obligatoires... mais pas obligatoires

Les flous, incohérences et ambiguïtés du nouveau règlement gambadent au gré des alinéas. En effet, il indique que « les tenues de bain doivent être ajustées près du corps », sans plus de précision. À partir de quelle distance du corps un maillot serait « ajusté » ? Cinq millimètres ? Un centimètre ? Deux ou trois centimètres ? La combinaison de plongée, par exemple, n’est pas ajustée près du corps. Elle est moulante. Une indication précise qui ne laisse place à aucune interprétation. Qui sera chargé d’évaluer au doigt mouillé l’ajustement et, immanquablement, de gérer les débats sans fin avec les usagères en burqini ?

Il y a pire : dans le même article du même règlement, il est précisé que « les tenues non près du corps plus longues que la mi-cuisse (robe ou tunique longue, large ou évasée) sont [interdites] ». Le maire fournira-t-il un mètre au personnel des piscines pour mesurer à quel endroit se trouve la mi-cuisse de chaque usagère en burqini ? De plus, et là encore, à partir de quel niveau considère-t-on qu’une robe ou tunique est « longue, large ou évasée » ? Ensuite, cela autorise les usagères à porter dans les bassins, par-dessus leur maillot de bain « classique » et même le burqini, une robe, tunique ou jupe non « longue, large ou évasée ». Le problème d’hygiène est flagrant, même si ces tenues sont composées « d’un tissu spécifiquement conçu pour la baignade ».

Enfin, et c’est sans doute l’un des points les plus attaquables juridiquement, les tenues non près du corps moins « longues que la mi-cuisse » seraient donc autorisées, à l’inverse de ce qui est indiqué, quelques phrases plus haut : « les tenues de bain doivent être ajustées près du corps » quelle que soit leur taille. Cette effarante contradiction avait déjà été soulevée par l’ADES (Association Démocratie Écologie Solidarité) le 13 mai 2022, sans effet sur le maire. Ce point est juridiquement condamnable, car un règlement doit être compris par tous et ses articles non contradictoires. Cette évidence a aussi été rappelée par l’ADES. Éric Piolle en fait fi. Pour lui, seule compte le burqini, vêtement non moulant et dont la jupette est peu « évasée ». Ce carcan sexiste, patriarcal et peu hygiénique serait, selon lui, un « progrès social ».

Le maire a sacrifié la laïcité sur l’autel du sexisme. Pourquoi pas l’hygiène ? La différence est que la laïcité ne concerne pas ou peu les usagères en burqini (car cela se discute juridiquement), contrairement aux règles d’hygiène qui s’appliquent à chacun d’entre nous. Trahir les idéaux de gauche et les valeurs de la République, s’acoquiner avec les tenants d’une idéologie sexiste, patriarcale et totalitaire, ne sont juridiquement pas répréhensibles, contrairement à l’ignorance volontaire des règles d’hygiène les plus élémentaires de la part d’un édile. La justice se chargera sans doute de le rappeler à Éric Piolle.

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