Nous commémorons les deux ans du massacre qui a bouleversé la France et fait basculer son Histoire dans une nouvelle ère. Le slogan "Je suis Charlie" est devenu un hymne à la liberté et à la tolérance qui a fait le tour du monde.
Seulement voilà, tout le monde ne s’est pas senti "Charlie". Aucune injonction à cela. Chacun est évidemment libre de l’être ou pas. Mais je ne cesse de me demander pourquoi certains ne le sont pas. J’ai tout lu et entendu comme arguments. Mais, entre les confusions des uns et le refus explicite de l’universalité des autres, je n’ai jamais pu être convaincu.
Qu’on ne se dise pas être "Charlie Hebdo", je comprends. Personne n’est obligé d’aimer ce journal, même après les attentats. Mais refuser d’être "Charlie" ? "Je suis Charlie" est la réaction la plus pacifiste qui soit face aux attentats qui ont non seulement touché la France mais aussi et surtout nos valeurs fondamentales. Être "Charlie" signifie la volonté de rassembler tout le monde, quelles que soient nos origines, notre (non)religion ou nos opinions, contre l’obscurantisme et la barbarie. Cela définit le refus de répondre par la violence, la volonté de répondre par la fraternité à travers un mouvement pacifiste qui a pour seules armes la démocratie et quelques crayons. C’est un cri à la liberté d’expression et à l’humanisme.
C’est pour cela qu’on ne peut pas être Charlie Hebdo, Charb, Hamed ou Cabu en particulier. On est Charlie en général.
Je ne souhaite pas revenir sur le refus de certains intellectuels et politiques. Cela relève d’un débat intellectuel et philosophique qui est sain pour notre démocratie.
Mais cette période de commémoration fait remonter en moi les souvenirs de la froideur, du cynisme et du sarcasme d’une bonne part des islamistes face à nos morts et à notre traumatisme collectif. La plupart des personnes ne se sentant pas "Charlie" partageaient quand même le deuil national. Pas ces islamistes.
Quelques jours seulement après les attentats de novembre 2015, Tariq Ramadan avait déclaré et écrit "je ne suis ni Charlie ni Paris. Je suis perquisitionnable" (1), tout comme le CCIF qui est sur la même ligne, en référence aux perquisitions dans le cadre de l’état d’urgence. Cela est très révélateur. Nous voyons quelle est leur vision du "vivre ensemble", et surtout à quel point ils sont touchés et émus par ce qui s’est passé, par nos morts. Mais lorsque nous connaissons leur positionnement depuis des années, nous ne pouvons pas être surpris.
Le 30 avril 2011, Marwan Muhammad, alors porte-parole du CCIF, avait donné une conférence à la mosquée de Vigneux-sur-Seine. C’est là qu’il avait déclaré, entre autres, que les musulmans font partie d’un peuple supérieur qui a vocation à diriger le monde. Mais avant de connaitre ce jour béni, il considère que les musulmans vivent aujourd’hui des persécutions dignes de celles des Juifs dans l’Allemagne des années 30 (2). Une analogie ridicule et hors sujet, mais efficace sur le plan marketing de la victimisation. Les persécutions dignes des nazis venant notamment des journalistes, il conseille les choses suivantes : S’il y a quelqu’un qui écrit un article islamophobe, il faut faire péter le standard de la radio. Il faut faire exploser sa boite mail. Il faut faire exploser la boite postale. Il faut aller dans toutes leurs conférences, leur poser la question, et les mettre en face de leurs paradoxes. Ça doit coûter cher dans ce pays de salir la dignité des musulmans. Ça doit coûter cher dans ce pays de salir la dignité des musulmans (il le répète 2 fois). Parce que jusqu’à présent ça coûte rien du tout et ça rapporte énormément.
En parlant de "faire péter" et "faire exploser", c’est bien sûr une image de sa part. A aucun moment il n’appelle à la violence physique ou matérielle. Mais cela ne réduit pas la violence offensive symbolique de ce discours.
"Ça doit coûter cher dans ce pays de salir la dignité des musulmans."
Marwan Muhammad, porte-parole du CCIF, 30 avril 2011.
La situation idéale pour appliquer ses conseils s’est présentée quelques mois plus tard. Fin octobre 2011, Charlie Hebdo annonce qu’il va sortir un numéro humoristique spécial. L’actualité de l’époque et les déclarations favorables de certains politiciens tunisiens et libyens à l’installation de la charia dans leurs pays respectifs, ont donné l’idée au journal satirique d’un numéro intitulé "Charia Hebdo". Rien d’insultant envers l’islam, tout en moquerie de la bigoterie et de l’islamisme politique. La réaction ne s’est pas faite attendre, car il y avait le précédent des caricatures de 2006. Juste après cette annonce, avant même la parution du numéro en question, le journal a reçu par mail, sur Twitter et Facebook de nombreux messages de protestations, de menaces et d'insultes. Puis, dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011, leurs locaux ont été incendiés par le jet d’un cocktail Molotov.
Suite à l’incendie, je me souviens m’être rendu sur la page Facebook de l'hebdomadaire et avoir été très choqué de lire les commentaires haineux, insultants et menaçants de personnes qui se définissaient comme musulmanes. Elles invoquaient un pseudo racisme et pro sionisme du journal. "Sionisme", l’insulte suprême à leurs yeux. J’avais sincèrement honte pour eux et pour l’image qu’ils donnaient de leur religion.
On ne peut évidemment pas accuser le CCIF d’être derrière cet incendie et ces messages incroyablement violents et choquants. Mais les propos clivants, attisant les tensions, et tenus régulièrement par cette association, lui confèrent une part de responsabilité morale. Y-a-t-il eu une forme de mea-culpa, ou au moins une déclaration de condamnation ? Absolument pas. Cela peut se comprendre. Lors de cette même conférence à Vigneux quelques mois avant l’incendie, il affirmait sur un ton très ferme que les islamophobes, les gens qui vous veulent du mal, les gens qui veulent nous causer du tort, à nous en tant que musulmans, ils ne méritent pas une seule de vos larmes. Quand je dis "pas une seule", pas une seule de vos larmes ! Pas une seconde de votre tristesse, pas une seule.
Qui sont les "islamophobes" qui ne méritent aucune pitié ? C’est l’extrême droite, mais surtout les laïques, féministes universalistes et l’ensemble des démocrates qui luttent contre l'islamisme. Tous sont mis dans le même sac.
Là, on ne peut pas lui reprocher un manque de cohérence : non seulement il n’a montré aucune émotion pour l’incendie criminel de Charlie Hebdo, mais il a écrit un texte une semaine plus tard, suite à cet événement, intitulé "Jugement (fictif) de Charlie Hebdo, par le Tribunal des Flagrants Dénis". Texte sans la moindre émotion ni empathie face à l’agression envers le journal. Au contraire, c’est un texte dur, rempli de contre-vérité (si au moins il était pertinent, il pourrait être débattu). Mais surtout, il dit la chose suivante : ce serait faire trop d’honneur à des gens qui s’en dispensent que de faire d’eux ici les victimes qu’ils ne sont pas.
"ce serait faire trop d’honneur à des gens qui n'en ont aucun, que de faire d’eux ici les victimes qu’ils ne sont pas."
Marwan Muhammad, à propos de Charlie Hebdo, 7 janvier 2014.
Qui seraient les victimes pour M. Muhammad ? Il nous l’explique dans le même texte : Charlie Hebdo s’applique périodiquement à salir l’islam et les musulmans, se cachant derrière la liberté d’expression pour s’arroger celle d’insulter, portant ainsi atteinte à la dignité d’êtres humains, sans autre résultat que d’instiller la haine. Des journalistes satiriques et pacifistes ont reçu des insultes, des menaces de mort, puis leurs locaux ont été brûlés. Pour lui, ce n’est rien. Les journalistes de Charlie Hebdo ne sont pas atteints dans leur dignité humaine et ne sont pas victimes de la haine. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. Les victimes deviennent les bourreaux. Effectivement, "ils ne méritent pas une seconde de votre tristesse, pas une seule"… Et pour ceux qui ne l’auraient pas bien compris, il publie ce texte sur sa page Facebook le 7 janvier 2014, accompagné du dessin d’un cocktail Molotov et la légende "ceci est un cocktail Molotov islamique" (3)…
Qui se réfugie déjà "derrière la liberté d’expression pour porter atteinte à la dignité d’êtres humains, sans autre résultat que d’instiller la haine" ?
Je me demande quelle aurait été sa réaction si cela avait été les locaux d’un journal musulman qui aurait produit 2 ou 3 caricatures "athéophobes". Il aurait peut-être dénoncé un acte "haineux et islamophobe" envers un journal qui ne faisait qu’exercer sa liberté d’expression. Mais je m’avance peut-être un peu trop… Pour lui, les victimes seront toujours "les musulmans".
Les dégâts n’étaient ici que matériels. Aucun blessé ni mort. On imagine que s’il en avait été autrement, il n’aurait pas publié une telle prose. Il aurait su faire preuve, si ce n’est de compassion et d’humanité, au moins de décence… Le 7 janvier 2015 ?...
Il ne réagit pas tout de suite sur Facebook. La gravité de l’évènement l’aurait amené à un peu de recueillement ? Sur Facebook peut-être... pas sur Twitter. Entre le 8 et le 11 janvier, c’est à dire le lendemain de l’attaque à Charlie Hebdo et en pleine période de massacres, il tweet allègrement. Il écrit quelques tweets cinglants sur des proches des victimes de Charlie Hebdo et la manifestation prochaine. Il tweet par exemple le 11 janvier (jour de la manifestation nationale) : Pour les naturalisations, on s'est dit que ce serait bien que les mecs prêtent serment sur # charlieHebdo #MaisSurtoutPasDeStigmatisation.
Là j’avoue, je ne trouve pas les mots pour commenter cela. J’ai dû le relire 10 fois pour être sûr d’avoir bien compris.
Il reste plus sobre sur sa page Facebook. Il partage simplement le même jour un article publié sur le site de Foulexpress (site d’information et société de formation proche de M. Muhammad) dont il donne juste le titre : "Journal de bord d'une (présumée) coupable" (4). Hommage à nos morts ? Non. La rhétorique qui deviendra habituelle : les musulmans sont des victimes par les amalgames avec les terroristes, les musulmans sont des victimes des dessins blessants de Charlie Hebdo, journal qui n’est qu’un ramassis de haine dégurgité sur la voie publique (sic), etc. Si Charlie Hebdo est cela, comment décririons-nous les tweets de M. Muhammad ? Soyons prudents. Les critiquer serait certainement vécu comme de "l’islamophobie".
Mais M. Muhammad a quand même pris le temps de réagir sur Facebook le lendemain. Sa haine contre la liberté d'expression et son indifférence aux tueries sont si fortes qu'il a réussi à aller plus loin que sur Twitter. Qu’a-t-il fait ? Pour toute réaction au massacre à la Kalachnikov, il a republié, encore, son fameux texte "jugement par le Tribunal des Flagrants Dénis". Cette fois, comme en 2014, la précision "jugement (fictif)" dans le titre a disparu et l'intégralité du texte maintenue, dont le passage : "ce serait faire trop d’honneur à des gens qui s'en dispensent que de faire d’eux ici les victimes qu’ils ne sont pas" (5). Alors que la tuerie de Charlie Hebdo a eu lieu 5 jours plus tôt et que l'émotion nationale pour l'ensemble des morts s'était exprimée la veille, il "rend hommage" au journal à sa façon.
Il n’y a pas joint cette fois le dessin d’une Kalachnikov avec en légende "Kalachnikov islamique #MaisSurtoutPasDeStigmatisation". Peut-être est-ce sa manière de ne pas trop "salir" (mot qu’il aime tant utiliser) le traumatisme national dont il semble si peu imprégné. Republier ce texte ce jour-là, avec un titre modifié pour supprimer la précision "(fictif)", je vous laisse en comprendre le sens...
Tant d’amour, de compassion et de cœur face à des évènements d’une violence inouïe et qui ont bouleversé tous les français, c’est vraiment touchant. Comme il le dit dans ce fameux texte, "Ce qui fait le courage d'un homme, c'est aussi la force de se taire. A défaut de pouvoir faire preuve de créativité, il existe une retenue qu’on appelle le respect." Appliquer à soi-même ce qu’on préconise aux autres n’est pas une maxime qui figure dans son abécédaire. Voilà la personne qui prétend défendre les musulmans et le "vivre ensemble"... En réponse à ses bons et loyaux services, il sera promu "directeur exécutif" du CCIF un an plus tard.
L’argument principal des islamistes pour tenter de discréditer Charlie Hebdo est que le journal faisait de "l’islamophobie" pour vendre plus de numéros. C'est factuellement faux. Mais surtout, vivre avec des menaces de mort et sous protection, devoir traverser des sas de sécurité pour arriver à son bureau, et finir exécutés sous les balles de barbares, c’est cher payé le numéro vendu. Mais comme le "démontre" Marwan Muhammad par la republication de son "jugement", "ils l'ont bien cherché"...
Quant au site officiel du CCIF, après les quelques condamnations d’usage des attentats dès le 7 janvier 2015, il embraye tout de suite, et sur plusieurs jours, sur les "actes islamophobes". Effectivement, il y a eu malheureusement logiquement une hausse d’actes et propos anti-musulmans qu’il faut dénoncer et punir. Le problème, comme toujours avec les islamistes, est que les attentats servent de prétexte à se victimiser encore davantage. C’est la stratégie utilisée depuis. Dénoncer les attentats et avoir un mot pour les victimes est le levier pour enchaîner directement sur les vraies victimes que seraient les "musulmans". C’est pour cela qu’ils utilisent le terme "islamophobie". En dénonçant légitimement les actes et propos anti-musulmans, ils y incluent également toutes les critiques envers leur idéologie et la peur tout aussi légitime qu’elle peut susciter.
Il n’hésite d’ailleurs plus à assumer cette victimisation permanente supérieure à tout. Dans un communiqué paru sur le site du CCIF suite à l’attentat en Isère en juin 2015, il déclare que le danger ne réside pas dans les vaines tentatives de groupes armés de déstabiliser la République. (…) Le vrai danger réside du côté de ceux qui utilisent ces événements pour déverser leur haine contre une partie de la population qui est, de fait, celle qui paye le plus lourd tribut face au terrorisme (6). Ceux qui payent le plus lourd tribut à leurs yeux ne sont pas les morts, les blessés et leurs familles. La partie de la population qui paye le plus lourd tribut serait "les musulmans".
Aussi surréaliste que cela puisse paraître (mais nous ne sommes plus à ça près), c’est également la raison principale de leur refus à se joindre à la manifestation du 11 janvier 2015. Dans un communiqué publié le 11 janvier sur son site internet, le CCIF déclare refuser de défiler aux côtés de Nethanyahou et Libermann. Était-ce pour dénoncer la loi figurant dans le code pénal de l’État hébreu qui punit de 3 ans de prison l’offense à la religion, une loi contraire à l’esprit de "Charlie" ? Évidemment non. Le CCIF motive son choix par le fait qu’ils sont des racistes contre les arabes, les noirs, les musulmans et tous le reste mais surtout responsables de la mort de milliers de Palestiniens (je retranscris tel quel) (7). La présence de représentants de certains pays autoritaires voire despotiques avait fait polémique bien au-delà des islamistes. Une partie de la société ne comprenait pas pourquoi ces représentants étaient présents à une telle manifestation. Cela peut se comprendre et il y a eu débat. Mais le CCIF n’évoque pas, par exemple, la présence d’Ali Bongo ni le représentant de l’Arabie Saoudite (un des pires pays en matière de Droits Humains et où le délit de blasphème fait partie du patrimoine national) ou de la Turquie. De nombreux français avaient dénoncé leur présence, celle d’Israël comme les autres. Mais pas le CCIF qui pense aux gazaouis qui verront leurs bourreaux déverser leur discours de haine devant des millions de personnes et des musulmans à coté contraint de subir cette alliance contre nature. (8)
Pourtant, les chefs d’État ne s’étaient pas mélangés aux manifestants. Ils avaient marché sur quelques dizaines de mètres seulement, pour le symbole, en dehors de tout cortège et avant le début officiel de la manifestation. Puis ils s’en sont allés. Le CCIF ni personne n’aurait pu manifester avec eux et être "contraint de subir cette alliance contre nature." En revanche, il aurait pu manifester avec tous ces français (athées, chrétiens, musulmans, juifs ou autres) et partager avec nous ce que nous désirions être une communion nationale. Ou tout au moins, il aurait pu appeler tous les citoyens à rejoindre les différents cortèges partout en France. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. L’obsession du CCIF pour le conflit israelo-palestinien est bien trop forte pour avoir envie de défiler et de partager la commémoration de notre pays. La proximité religieuse est plus importante que la proximité citoyenne. On est intégriste ou on ne l’est pas.
Peut-être aussi que de se retrouver au milieu de 4 millions "d’islamophobes" potentiels qui appellent à la tolérance aurait été un cauchemar que le CCIF n’a pas voulu vivre. Au point de jouer de cynisme, en ce jour si particulier, en proposant d’adhérer au CCIF à la fin de ce communiqué.
Pour le CCIF, la proximité religieuse est plus importante que la proximité citoyenne. On est intégriste ou on ne l’est pas.
Il faut être honnête, le CCIF n’est pas sans cœur et a agi le 11 janvier. Il a rendu hommage à une seule des victimes : Ahmed Merabet, lors d’une cérémonie organisée en son honneur (9). Les autres victimes n’étaient pas musulmanes.
Même Havre De Savoir, une des vitrines des Frères musulmans en France, avait su faire preuve de plus de retenue sur son site internet. C’est dire. Seul le Front National et l’ensemble de leurs confrères d’extrême droite avaient montré une aussi grande hostilité envers "Charlie". Jean-Marie Le Pen avait déclaré "je suis Charles Martel" et Dieudonné "je suis Charlie Coulibaly".
Les prédicateurs intégristes étaient évidemment très loin d’être Charlie. Ils représentent la même idéologie, la même vision de l’islam, que le CCIF. Ils sont sur la même ligne de ne pas verser la moindre larme pour les "islamophobes". La différence avec le CCIF est que ces prédicateurs n’ont jamais prétendu défendre les Droits de l’Homme, la laïcité et les valeurs républicaines. Ils ne se sont jamais présentés comme association n’appartenant "à aucun courant politique, religieux ou idéologique".
Allez, une petite dernière ? Charb avait écrit un livre intitulé "Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes". Yasser Louati, ex porte-parole du CCIF, se présente comme un "militant des droits de l'homme" (homme sans H majuscule, comme il l’écrit partout). Dans la nuit du 7 au 8 janvier 2017, soit à la date anniversaire des attentats où Charb a trouvé la mort, il a tweeté à propos de ce livre : On l'avait posé sur mon bureau. J'ai eu l'impression de lire un ivrogne sermonnant sa bouteille. Être charlie c'est vraiment être un escroc.
Il a le droit de penser cela. Tout comme on a le droit de dire exactement la même chose du coran. C’est la liberté d’opinion et d’expression. Mais le choix de la date pour un tel tweet n’est pas anodin. Tout comme dans le cas de M. Muhammad, c’est de la provocation stupide de bas étage qui ne fait que dévoiler leurs indignations sélectives et leur mépris pour tous ceux qui s’opposent à leur vision totalitaire de la société. Même si ces opposants sont morts dans d’ignobles circonstances tués par des individus au nom de la même idéologie que la leur.
Le CCIF, et les islamistes en général, sont surtout touchés lors d’un drame subi par un musulman qui leur ressemble (les musulmans rationalistes ne les intéressent pas). Lorsqu’un de leurs "frères" ou "sœurs" (c’est comme ça qu’ils se nomment entre eux) est victime d’un délit routier ou autre, drame qui aurait pu arriver à n’importe qui, cela devient immédiatement un acte "islamophobe" dont il faut se saisir pour défendre les victimes d’un chauffard raciste. Ou bien est-ce la faute d’une politique d’État "islamophobe" qui laisserait conduire ce genre de chauffards au risque de renverser des musulmanes voilées ? Lorsque ce ne sont pas des "frères" mais des citoyens (donc la catégorie en dessous puisqu’ils ne font pas partie du peuple supérieur) qui sont victimes de délits routiers, ou même d’un massacre de masse, là cela devient plus relatif. Pour ma part, un acte terroriste avec de nombreuses victimes massacrées, égorgées, écrasées ou décapitées, sera toujours plus grave qu’une perquisition ou même un délit routier. Que la victime soit musulmane ou non, je me sentirai autant touché. Car avant d’être musulmane ou autre, cette personne est d’abord un Être humain. Voilà pourquoi je suis Charlie. Voilà pourquoi le CCIF ne le sera jamais.
Pour conclure sur cette panoplie "peace and love" du CCIF, un autre tweet du 10 janvier 2015 a attiré mon attention. La veille de la commémoration nationale suite aux attentats des jours précédents, et au milieu de tous ses tweets indifférents aux évènements ou haineux, M. Muhammad écrit : Le futur retiendra les mots de tous ceux qui, aujourd’hui, essaient de nous monter les uns contre les autres. Ils sont une honte passagère.
Il y a dans ce tweet hallucinant le symbole de toutes les contradictions, toute la schizophrénie des déclarations du CCIF depuis sa création et de son représentant. Ce tweet est un excellent résumé du double jeu entre attiser les tensions et la haine à un moment, tout en exprimant vouloir le contraire à un autre. Parfois c’est fait à des jours différents. Parfois le même jour, voire dans la même conférence. Mais pour une fois, je rejoins totalement ce qu’il dit. Le CCIF aura un jour des comptes à rendre face à l’Histoire, face à la société et aux musulmans qu’il prétend vouloir défendre. Pour la "honte passagère" que serait le CCIF, je vous laisse seuls juges.
Puisque les arguments républicains et humanistes ne sont pas compris par le CCIF, peut-être est-il utile de lui rappeler quelques éléments religieux qu’il ne respecte pas non plus. Sourate 4, verset 36 : "(…) Dieu n'aime pas, en vérité, le présomptueux, l'arrogant." Sourate 49, verset 12 : "(…) ne médisez pas les uns des autres." Les flammes de l’enfer chatouilleraient-elles déjà les orteils des militants du CCIF ? Des passages du Coran facilement oubliés au profit d’autres bien moins humanistes. Comme association prétendant défendre les valeurs républicaines, on a connu mieux. Comme religieux souhaitant représenter et défendre les musulmans aussi.
A force d’user et abuser de cette stratégie victimaire, communautariste et différentialiste, le CCIF réussira un jour là où Charlie Hebdo a échoué : faire du terme "islamophobie" un "joke". Cela en sera une bonne chose pour notre République. Cela en sera surtout une bonne chose pour les musulmans.
Ah oui, j’allais oublier : le CCIF "défend les droits de l’homme" et le "vivre ensemble". C’est vrai, il l’incante sans cesse. Alors il est important de le rappeler...
(1) Tariq Ramadan, Je ne suis Charlie ni Paris…
(2) Le CCIF et sa référence à l’Allemagne des années 30, l’arroseur arrosé
(3) Marwan Muhammad, Ma réponse à Charlie Hebdo, sous la forme d'un jugement du tribunal des flagrant dénis
(4) Marwan Muhammad, Journal de bord d'une (présumée) coupable
(5) https://www.facebook.com/MarwanMuhammadOfficiel/posts/491062501032992
(6) Attentat en Isère. Communiqué du CCIF
(7) Urgent : Le CCIF ne défilera pas aux côtés de criminels
(8) Ibid
(9) Hommage du CCIF à Ahmed Merabet