L’Observatoire de la laïcité (ODL) est un organisme public. Il "assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité en France". Composé de 21 membres, il est présidé par Jean-Louis Bianco. Le rapporteur général est Nicolas Cadène.
Depuis plusieurs années, cet observatoire est contesté par les tenants de la laïcité à la française, y compris par quelques-uns de ses membres qui ont démissionné. La raison principale est son accommodement trop appuyé envers l'islamisme politique à travers une approche quasi concordataire de la laïcité. Il est donc naturel que l'ODL soit partenaire et/ou valorise les tenants d'une laïcité à l'anglo-saxonne, des racialistes, des communautaristes et des militants de l'islamisme politique. Depuis des années nous sommes nombreux à dénoncer ces accointances.
Depuis le 6 août 2020, l'abcès entre les laïques et l'Observatoire de la laïcité a été percé et ne cesse de se vider. Tout est parti du mélange des genres de Nicolas Cadène sur son compte Twitter. Il a étalé un évènement privé sur une TL essentiellement consacrée à la laïcité et à ses fonctions à l'ODL.
Les félicitations concernant cet évènement personnel furent l'occasion de montrer qui soutient ses idées et celles de l'Observatoire. Aucune association laïque ni militant universaliste ne l'ont félicité. Plusieurs racialistes, communautaristes et islamistes l'ont fait.
Le site islamiste "Dômes et minarets" félicite Nicolas Cadène.
Ces félicitations entrainèrent des réactions des laïques car révélatrices de la dérive de l'ODL. Elles-mêmes suscitèrent des réactions de soutien à Nicolas Cadène, venant encore d'islamistes et de communautaristes. Cela ne date pas d'hier. Nombre d'entre eux apprécient les avis et études de l'ODL.
Marwan Muhammad est un des plus importants militants islamistes en France. Ses infractions à la loi de 1905 ne se comptent plus. Son acharnement à lutter contre la laïcité (notamment en prétendant être un meilleur défenseur de la laïcité que les associations laïques) est impressionnant. Il est pour lui naturel d'apporter son soutien à Nicolas Cadène et à l'Observatoire de la laïcité.
Par le foisonnement des rappels sur ces convergences de vue, Nicolas Cadène hurle que tout est faux, rien ne serait factuel, qu'il y aurait "absence totale d’arguments sur le fond de nos avis ou notes". Le problème est qu'il ne discute pas avec les tenants de la laïcité à la française. Sur Twitter, il les bloque.
Il déclare qu'on ne lit pas les avis de l'Observatoire, qu'on ne regarde pas le fond. Alors prenons un exemple concret et précis : l'étude de l'ODL sur le Service National Universel. Il souhaitait tordre la laïcité au point que certaines propositions furent surprenantes. Par exemple, afin de permettre l'empiétement du religieux sur les activités du Service (censé pourtant mettre l'accent sur la citoyenneté par-delà les appartenances religieuses), l'Observatoire préconisa un traitement original pour la pratique du ramadan : Quant à la pratique du jeûne, elle peut, uniquement si cela ne cause aucune perturbation au fonctionnement de l’établissement d’accueil, conduire à certains aménagements individuels. Si cette pratique conduit par ailleurs à un affaiblissement de l’« appelé », ce dernier sera géré comme tout jeune malade ou affaibli.
La pratique du ramadan est un choix, pas une fatalité, à moins d'assigner chacun à sa religion supposée comme le rêvent les islamistes. L'"appelé" n'a pas à être "géré comme tout jeune malade ou affaibli" puisque… il n'est pas malade. La pratique du ramadan ne peut pas être comparée à une grippe. Une collectivité n'a pas à s'adapter selon les désirs religieux de chacun, au point de considérer "l'appelé" comme un malade s'il n'est pas en capacité d'assumer physiquement son choix de pratique religieuse. Dans son jusqu'au-boutisme de complaisance religieuse au détriment du principe de laïcité, l'ODL recommande clairement aux encadrants du SNU de tricher sur l'état de santé de "l'appelé" pour lui permettre de pratiquer son culte comme il l'entend. La participation à une activité ne doit pas dépendre de la pratique religieuse. Cette participation est supérieure à toute considération religieuse, non l'inverse. S'il n'est pas capable de suivre une activité en raison du ramadan, alors il doit cesser de jeûner, pas cesser l'activité. Ainsi, l'ODL recommanda un traitement différencié accordant un privilège au musulman pratiquant. Nous touchions là un des cœurs de la philosophie du SNU que l'ODL piétina allègrement. En y ajoutant également son accommodement au sexisme du voilement des jeunes filles, il fit la joie de l'ensemble de l'islamisme politique.
A la publication de cette étude, le ministre de l’Éducation Nationale avait même été contraint de se démarquer pour affirmer qu'il ne retiendra pas les propositions de l'Observatoire concernant les signes religieux.
Les propositions formulées par l'Observatoire de la laïcité, dans son étude sur le Service National Universel, firent la joie de l'ensemble de l'islamisme politique.
En janvier 2019, j'avais analysé la position de l'ODL. Son étude rassurait les islamistes, plus complaisante avec eux que ferme sur le principe de laïcité (1). Lire cet article détaillé (en 2 parties), écrit il y a un an et demi, éclaire le présent.
L'essentiel du texte ci-dessus fut publié sur mon compte Twitter sous forme de thread (fil de plusieurs tweets), le 19 août 2020. Bloqué depuis longtemps comme tout laïque qui ose lui émettre une critique, Nicolas Cadène ne pouvait pas en avoir connaissance. Mais quelques heures plus tard, il me débloqua quelques minutes. Des partages sont sans doute arrivés jusqu'à lui. Il prit le temps de me répondre puis me bloqua de nouveau. Il n'adopte pas la même attitude avec les islamistes et racialistes. Les affinités "laïques" je suppose…
Ses propos réactifs sont intéressants à plus d'un titre. Au-delà d'un échange personnel entre lui et moi, ils révèlent sur la forme son incapacité à débattre avec les personnes qui ne sont pas d'accord avec son approche de la laïcité. Ils mettent aussi en lumière, sur le fond, les faiblesses argumentatives de l'ODL pour expliquer sa complaisance envers l'islamisme politique. Je prends donc à mon tour le temps de lui répondre, malgré son incapacité à débattre, sa facilité à bloquer et son impolitesse. Un comble pour quelqu'un qui a aussi pour fonction d'informer sur le respect de la pluralité des opinions (un des objectifs du principe de laïcité).
En quoi ma conception de la laïcité n'aurait rien à voir avec le droit ? Il n'expose pas quelle serait ma conception ni en quoi elle serait éloignée du droit. A l'inverse de mes propos détaillés et argumentés (qui s'appuient notamment sur les propres écrits et partenariats de l'ODL), Nicolas Cadène lance une simple phrase accusatrice censée être un argument en acier trempé. C'est une réaction classique de panique intellectuelle pour tenter de disqualifier son interlocuteur. Il suffit d'accuser. L'accusation en elle-même serait la preuve de l'accusation.
De plus, il confirme la teneur de mon article sur le Service National Universel : il veut tout réduire au juridique (que l'ODL oriente pour accommoder) afin d'empêcher tout débat philosophique et politique. Or, la laïcité est d'abord un principe, une conception intellectuelle, philosophique, traduite dans le droit, non l'inverse. D'ailleurs, et il le sait, le terme "laïcité" ne figure pas dans la loi de 1905. Réduire la laïcité uniquement à l'aspect juridique est un appauvrissement intellectuel. L'ODL se met ainsi au niveau de l'islamisme politique et de ses partisans qui, pour empêcher toute réflexion philosophique et politique, se réfugient toujours derrière le droit. Comme si le droit devait être un argument pour ne pas penser ni débattre.
La laïcité est d'abord un principe, une conception intellectuelle, philosophique, traduite dans le droit, non l'inverse. Elle ne peut donc pas être réduite à son aspect juridique.
Cette approche uniquement juridique est aussi malmenée par l'ODL qui oriente le droit pour satisfaire des islamistes bien plus que les laïques. L'exemple de son étude sur le SNU en est un parmi d'autres.
L'accusation de harcèlement est un classique chez les racialistes, les communautaristes et les islamistes politiques. La victimisation est centrale dans leur stratégie. Nicolas Cadène l'a faite sienne. Il n'est pas question de nier ni banaliser les attaques virulentes et insultantes qu'il a subies suite à son tweet relatant un évènement privé. Son incompréhensible mélange des genres ne justifie en rien ces attaques qui me révulsent.
Il trouve toutefois le moyen de les retourner à son avantage en mettant tout le monde dans le même sac : l'extrême droite nationaliste, les laïques de gauche et de droite qui le critiquent ; les attaques multiples condamnables et les réactions critiques qui relèvent du débat démocratique. Cela fait partie de la stratégie victimaire pour diaboliser et disqualifier la totalité de ses détracteurs.
Ainsi, me concernant, c'était la première fois que je m'exprimais sur cette affaire commencée plusieurs jours auparavant. Je n'ai été ni agressif, ni insultant. J'étais sur le terrain de l'argumentation. En considérant toute critique comme du harcèlement, il montre là encore son incapacité à débattre.
Le plus cocasse dans cette accusation est qu'il m'avait bloqué depuis longtemps déjà. Comment aurais-je pu le harceler ? La victimisation peut aisément aller vers l'absurde le plus puéril.
Il est vrai que je ne l'ai pas félicité pour son heureux évènement. Le fait que je ne le connaisse pas, qu'il m'ait bloqué (m'empêchant donc de le féliciter) et que je suis sur Twitter uniquement pour défendre des idées, ne sont pas des excuses. Mea culpa pour ce crime de lèse-majesté. Son reproche est surréaliste. Nous retrouvons le côté puéril.
Je ne fais aucun procès en association. Je précise bien que les félicitations et soutiens provenant de l'islamisme politique sont en corrélation avec leurs convergences de vue. Mon propos s'inscrit dans un thread qui apporte des éléments. Il ne peut pas jouer cette carte avec moi.
Il tente également de jouer une autre carte, celle du fameux point Godwin : "Vous qui êtes relayé par d’innombrables identitaires d’extrême droite notamment". C'est un classique des racialistes, des islamistes politiques et de leurs partenaires pour tenter de disqualifier leurs détracteurs. Cet argument est tout autant ridicule que dangereux. C'est en partie à cause de cela que la gauche a, pendant très longtemps, refusé de lutter contre l'islamisme et le communautarisme. Elle a ainsi laissé le champ libre aux intégristes musulmans et à l'extrême droite nationaliste.
En luttant sans hésitation pour la laïcité et le féminisme universaliste, que je considère comme des valeurs de gauche en particulier et de l'ensemble des démocrates universalistes en général, je sais que mes propos peuvent malheureusement être récupérés par l'extrême droite nationaliste dans sa lutte identitaire. Mais réinvestir ce terrain délaissé par une frange de la gauche est aussi une manière de lutter contre les identitaires nationalistes.
Nicolas Cadène n'a pas la même approche. De quels identitaires d’extrême droite parle-t-il ? S'il arrive que je puisse être relayé par des nationalistes que je condamne, N. Cadène est relayé et défendu par des identitaires d'extrême droite musulmane. Contrairement à lui, jamais je ne remercierai, ne partagerai ni ne likerai des identitaires d’extrême droite, quels qu'ils soient. Ils sont mes adversaires et ils le savent. Jamais je ne les crédibiliserai comme peuvent le faire Nicolas Cadène et l'ODL avec les identitaires d'extrême droite musulmane.
"Vous diffamez". Il perçoit toute critique comme une diffamation. La diffamation est un terme juridique qu'il galvaude aussi facilement que sa réduction de la laïcité au simple droit. Vu ses fonctions, son incapacité à débattre avec des laïques est effrayante.
Oui, l'effort intellectuel "est usant et fatiguant". C'est le prix de la démocratie et du débat philosophique. Partisan du moindre effort, c'est aussi pour cela que sa conception de la laïcité satisfait des islamistes, l'éloigne des laïques... et qu'il m'a bloqué.
(1) Service National Universel : les islamistes soutiennent l'Observatoire de la laïcité