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Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

dossiers - Compromission et relativisme politique - Asif Arif, CCIF, L-e-s Musulmans, Marwan Muhammad, Nader Abou Anas, Observatoire de la laïcité, SNU, voile

Service National Universel : les islamistes soutiennent l'Observatoire de la laïcité (2ème partie)

Par Naëm Bestandji . Publié le 22 Janvier 2019 à 11h23

(Liens vers la 1ère partie en fin de celle-ci).

La complaisance de l'Observatoire de la laïcité (ODL) envers le religieux, au détriment de la défense du principe de laïcité, l'amène à se rapprocher plus naturellement des commerçants de croyances et à s'éloigner de nombre d'associations et militants laïques. Bien plus soutenu par les premiers que par les seconds, son étude concernant le SNU ne fait pas exception. Asif Arif est l'une des illustrations de la dérive de cet observatoire.

Asif Arif, un militant religieux inquiet de l'application de la laïcité au SNU

Asif Arif est avocat de profession. Militant religieux le reste du temps, il n'est pas salafiste ni Frère Musulman. Mais il est proche des Frères à travers ses soutiens répétés au CCIF et à la plateforme "L.e.s Musulmans". Asif Arif est ahmadiste (mouvement musulman né à la fin du 19e siècle au Penjab). Sur plusieurs sujets, notamment sur le voile et les violences conjugales, il a une approche extrémiste de l'islam. Il fut un temps présentateur d'une émission religieuse diffusée sur internet, "Horizons d'Islam". Dans le numéro 27, il s'était montré très complaisant envers le voilement des fillettes. Il posa la question d'un des téléspectateurs à ses invités : "Comment expliquer à sa fille les bienfaits du voile ?" Leur réponse est qu'il faut l'habituer dès son plus jeune âge aux "enseignements de l'islam" (pour les intégristes, leur point de vue est le véritable islam). Le voile étant interdit dans les établissements scolaires, l'un d'eux conseille aux "petites filles de 7 ans, 8 ans, 9 ans jusqu'à 15 ans de porter le voile devant leurs amis dans des réunions informelles à l'école." Il explique que le but est de les habituer au voilement pour ne pas qu'elles se "rebellent" une fois adolescentes. Pour cela, "le travail doit commencer très tôt".

Asif Arif et le voile des fillettes

Asif Arif, placide, ne semble pas choqué. Il ne manifeste à aucun moment son désaccord, pas même un bémol ni la moindre nuance pour se démarquer de ces propos choquants qu'il semble cautionner. On comprend que l'interdiction du voile au sein du futur SNU puisse lui poser un problème.

Depuis, il a cessé d'animer ses émissions pour faire de son instrumentalisation de la laïcité l'outil principal de son militantisme. Il s'applique inlassablement à promouvoir sa vision concordataire de la laïcité. Elle permet à la religion d'avoir plus de place dans la société que notre modèle laïque actuel. Cela favorisera de plus grands conflits, un meilleur séparatisme et une assignation plus forte de chacun à sa religion supposée. La liberté de conscience sera réduite à peau de chagrin au profit de l'unique liberté religieuse.

En cohérence avec les propos sur le voile tenus dans son émission, il est un fervent défenseur du "libre choix" islamiste pour le port du voile et un farouche opposant à la loi de 2004 sur les signes religieux à l'école. Il fut souvent partenaire de l'association Coexister et de l'Observatoire de la laïcité. Un observatoire qui, par l'intermédiaire de ses deux principaux représentants, lui a apporté un soutien de taille : l'ouvrage d'Asif Arif, "Outils pour maîtriser la laïcité" (1), fut préfacé par Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, respectivement Président et Rapporteur général de l'ODL. Ils étaient également intervenus ensemble à plusieurs reprises pour "former" des citoyens sur la laïcité...

Asif Arif et Nicolas Cadène firent un "tour de France pour parler de laïcité".Asif Arif et son "ami" Nicolas Cadène, Rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité auprès du Premier Ministre, firent un "tour de France pour parler de laïcité".

On mesure ainsi la légèreté, voire le danger, d'une telle complaisance de la part d'un observatoire censé défendre et promouvoir le modèle laïque français.
Depuis le désaveu de l'ODL par le Ministre de l'Éducation Nationale, Asif Arif soutient cette étude qui indique l'autorisation du voile et l'intrusion du religieux au sein du futur SNU.

Au-delà des soutiens individuels, l'ODL est aussi apprécié par des groupes et associations islamistes tels que le média salafiste Islam&info (cf. 1ère partie). C'est également le cas chez les Frères Musulmans.

Le CCIF soutient l'Observatoire de la laïcité contre l'organisation laïque du SNU

Le CCIF est une association d'extrême droite, idéologiquement la branche juridique des Frères Musulmans en France. Dans la droite ligne de la stratégie politique frériste en France, elle prétend être antiraciste et défendre les droits humains. Le CCIF milite pour un islam ultra identitaire, racialise les musulmans et en fait des persécutés (y compris les islamistes), élus par Dieu pour diriger le monde. Le voile est bien entendu son outil principal de propagande. Cette association "antiraciste" et de "défense des droits humains" n'hésite pas à s'afficher et à revendiquer le soutien de prédicateurs salafistes et Frères Musulmans antisémites, homophobes et ultra sexistes. D'un autre côté, aucun musulman progressiste ne soutient ou est soutenu par le CCIF. Bref, cette association est le fleuron de la nouvelle extrême droite française à qui j'avais consacré un long article en 5 parties (2).

Comme tout Frère Musulman qui se respecte, le CCIF se prétend défenseur du "vivre [dans leur] ensemble" et de la laïcité. Cette rhétorique d'inversion, qui présente les intégristes musulmans comme défenseurs d'une laïcité "dévoyée" par les associations et militants laïques, est devenue un classique. Comme tous les intégristes religieux, le CCIF consacre sa vie à lutter contre la laïcité. Ses infractions à la loi de 1905 sont fréquentes, notamment à l'article 26 qui interdit les discours politiques dans les lieux de culte et dont le CCIF s'est fait une spécialité. Sa méthode de lutte contre le principe de laïcité est la même que celle de l'ODL : réduire la laïcité à une approche uniquement juridique, instrumentaliser la loi et ses failles, pour annihiler le principe de laïcité à la française. Seule l'approche communautariste anglo-saxonne peut permettre à l'islamisme politique de s'épanouir sans entrave. L'école, et à présent le SNU, sont donc des enjeux fondamentaux.

C'est ainsi que le CCIF a salué "le rappel de l'Observatoire de la laïcité" à propos de son étude, en évoquant évidemment, toujours par sa rhétorique d'inversion, "le vivre ensemble et la cohésion nationale" (3).

Le CCIF et l'Observatoire de la laïcité réduisent la laïcité à une approche uniquement juridique, instrumentalisent la loi et ses failles, pour annihiler le principe de laïcité à la française.

"Le CCIF salue le travail de l'Observatoire de la laïcité".

Que la douche fut froide lorsque le Ministre de l'Éducation a recadré l'ODL. Comme Islam&info, le CCIF a publié un communiqué. Désirant se positionner comme une association fréquentable, le ton est plus posé. Mais il dénonce les mêmes choses, en se réfugiant derrière l'étude de l'ODL à qui il apporte son soutien plein et entier, et tente de disqualifier tous ses opposants laïques (sans le moindre argument, évidemment). La victimisation n'est pas oubliée puisque, comme toujours, toute opposition est nommée "harcèlement". Le CCIF se présente à nouveau comme défenseur de la loi de 1905 dont le sens originel serait détourné par les associations et militants laïques pour "détruire le mieux-vivre ensemble, l'unité nationale ainsi que les principes fondamentaux de liberté, d'égalité et de fraternité". Il termine par se déclarer "garante de la loi de 1905 en témoignant [son] soutien et [son] attachement à la liberté de conscience et aux principes de notre République". Quand je vous dis que le CCIF est le maître incontesté de la rhétorique d'inversion…

Le CCIF apporte son soutien à l'Observatoire de la laïcité.

La "liberté de conscience" est une récupération récente. Jusque-là, le CCIF, comme tous les islamises, parlait uniquement de liberté religieuse. Mais face aux reproches et après avoir compris que c'est bien la liberté de conscience qui est au cœur de la loi de 1905, il a décidé de s'en emparer pour l'instrumentaliser comme le reste. Par contre, c'est la première fois qu'il récupère aussi frontalement "les principes de notre République". Face à la mise au jour grandissante de la réalité de cette association, son champ de détournement et d'inversion s'élargit pour toujours tenter de rallier plus de naïfs et de complaisants.

La plateforme "L.e.s Musulmans", l'excroissance frériste du CCIF

Un autre groupe islamiste s'est aussi exprimé. Il s'agit de la plateforme "L.e.s Musulmans". Comme chez Islam&info, le "M" de "Musulman" est en majuscule pour signifier que l'islam ne serait pas un choix religieux, que ses fidèles essentialisés formeraient un peuple, une ethnie qui devrait se distinguer du reste de la société. Cette "plateforme collaborative" s'est construite autour de la pseudo consultation des musulmans lancée par Marwan Muhammad (ex directeur du CCIF) il y a quelques mois. M. Muhammad adhère à l'idéologie des Frères musulmans. Comme tout militant religieux d'extrême droite, il a une vision raciste et suprématiste de sa religion (4), et une conception rétrograde et identitaire de la femme musulmane (5). Mais lorsqu'il s'adresse au grand public, son discours se veut rassembleur et consensuel afin de rassurer et séduire (même s'il a souvent du mal à retenir sa radicalité et son désir de cliver). Sa "consultation des musulmans" et la création de cette "plateforme", qui en était l'objectif, font partie de la vitrine destinée à séduire et à rassembler tous les musulmans "dans toute leur diversité". Il se présente alors comme un "musulman lambda" qui n'aurait aucune ambition personnelle pour se mettre en avant.

Pourtant, c'est bien lui et toujours lui que nous voyons et entendons. Ce populiste se rêve en leader tout en prétendant le contraire. De plus, comme il considère les musulmans progressistes comme des "néo harkis" (des traîtres), qu'il nomme l'islam des Lumières "l'islam du réverbère", et qu'il n'a jamais été soutenu par des figures musulmanes progressistes, sa "diversité" n'est pas la définition du dictionnaire. Elle signifie d'accepter dans un même mouvement les Frères Musulmans, les salafistes, l'ensemble des ultras identitaires musulmans qui ont pour ambition de se servir de leur citoyenneté pour imposer progressivement leur islamité à la société. Les autres musulmans, citoyens qui ne font pas commerce de leur islamité et ne réduisent pas leur identité à leur religion, n'ont aucune envie d'être associés de près ou de loin à cette plateforme.

Sa volonté de "rassembler tous les musulmans" est aussi là pour exclure et réduire à néant les structures actuelles telles que le CFCM (qui ont effectivement montré leur inefficacité). En se nommant "L.e.s Musulmans", il assume clairement son désir d'OPA sur l'islam en France. Mais pour cela, il faudra qu'il se mette d'accord avec d'autres Frères Musulmans dont la motivation politique est toute aussi vivace : l'UOIF, renommée "musulmans de France", dans le même désir d'OPA mais en perte de vitesse.

Nader Abou Anas, le salafiste 2.0 partenaire indéfectible du CCIF et de la plateforme "L.e.s Musulmans"

Le prédicateur salafiste Nader Abou Anas est un bon exemple de cette "diversité" annoncée par la plateforme. Cet islamiste a rejoint "L.e.s Musulmans" et il le fait largement savoir sur les réseaux sociaux. La plateforme est aussi fière de son arrivée et le considère comme "un soutien de taille".

L.e.s Musulmans accueille le salafiste Nader Abou Anas

L.e.s Musulmans accueille le salafiste Nader Abou Anas.

Bien mis en avant sur le site internet de la plateforme, Nader Abou Anas s'exprime dans une longue vidéo pour assurer la promotion de ce groupuscule qui ambitionne d'être l'unique représentant des Français musulmans. Qui est ce prédicateur ?
Figure des prêches sur internet, il est le salafiste français 2.0 le plus célèbre. Sa page Facebook a été "likée" par plus de 147 700 personnes et est suivie par plus de 176 000. Sa chaîne YouTube compte plus de 154 800 abonnés. Il est l’administrateur du site Dourous.net dont le slogan est "une étincelle de science sur le net". En réalité, il n'y a pas la moindre étincelle de science sur ce site. La science dont il est question est son interprétation de la Révélation. Comme tous bons intégristes, les salafistes estiment que leur vision est un fait avéré. Leur croyance est donc considérée comme une science.
Ce site nous explique que le "grand amour [de Nader Abou Anas] pour la religion lui a été transmis par Cheikh Hassan Bounamcha qui lui a donné l’envie de s’investir pour la religion d’Allah (qu’Allah le préserve)." Ce Cheikh est un autre prédicateur salafiste, également soutien du CCIF qui est aussi fier de l'afficher. Son homophobie n'a d'égal que son sexisme. Il voit la mixité femme/homme comme un vice. Pour lui, toute forme de féminité visible chez la femme musulmane doit être supprimée. Elle doit être surveillée et contrôlée par la famille. Elle doit aussi porter un voile pour cacher ses cheveux et ne pas tomber dans le vice en montrant les parties de son corps, cacher ses formes pour garder sa "pudeur" et ne pas attiser les pulsions sexuelles des hommes. Il n'y a rien d'exceptionnel dans ses propos. Il ne fait que rappeler la raison d'être du voile.
Dourous.net déclare aussi fièrement que Nader Abou Anas suit un "cycle de formation de plusieurs années en arabe et sciences religieuses à la Madrassah de Cheikh Ayoub" à Paris. Cette madrassah (école coranique) est une école salafiste. Son site internet arbore sans complexe la photo d’une fillette voilée, pour donner le ton. Les enseignements sont destinés aux enfants comme aux adultes. La mixité y est très limitée, voire inexistante, pour "respecter les règles de bienséance islamique".

Nader Abou Anas s'inscrit dans l'héritage de ses mentors. Il considère la femme comme un objet, mais pas n'importe lequel : un objet sexuel. Pour faire passer la pilule, il présente cet objet comme un "bijou, un trésor, une perle précieuse" à préserver du regard des hommes. Il a consacré plusieurs vidéos au sujet de la femme musulmane. Dans l'une d'entre elles, où dégoulinent sexisme et patriarcat, il dit ceci : Ma sœur, sache que la musulmane n’a pas à vivre comme elle veut. Mais plutôt comme Allah le veut (6).Telle est la définition du "libre choix" pour le port du voile. Quant à Allah, les islamistes s'autoproclament porte-parole du divin. Ils se servent de lui pour prescrire leurs propres règles religieuses afin de contrôler leur libido. Il déclare également que ne pas porter le voile serait faire preuve "d'intégration" à la société française, chose critiquée par le prédicateur. Être non voilée serait aussi une forme de nudité qui ne peut que "attirer certains loups" que seraient certains hommes. Puis, il poursuit :
En étant pudique, en te couvrant, en mettant le vêtement que la femme musulmane doit porter, sache que tu garanties d’éloigner les loups. (…) Wallah, demandez aux sœurs qui portent des vêtements amples : est-ce que vous êtes respectées dans la rue par même les voyous ou pas ? Elles vous diront "on est respectées." Et demandez à la sœur qui s’exhibe et qui s’habille d’une manière provocatrice : est-ce qu’elles se sont déjà faites insulter ou pas ?! Wallah elles se sont déjà faites insulter pour certaines ! Il suffit qu’elle sorte dans un quartier, elle se fait insulter, ouvertement. Pourquoi ? A cause de sa tenue.
Discours classique des islamistes qui considèrent que ce n'est pas aux hommes (et aux femmes qui cautionnent le port du voile) d'être éduqués mais aux femmes d'être condamnées à être bâchées. Ce qui, de plus, ne les protège pas des "loups". Il suffit d'observer, par exemple, l'Égypte où l'écrasante majorité des femmes sont voilées et où le taux d'agressions sexuelles atteint les firmaments. Le problème n'est donc pas la visibilité des cheveux ou de la gorge mais bien l'éducation.
Pour tenter de donner de la crédibilité à ses propos, Nader Abou Anas ne fait que citer et paraphraser le Coran, sans aucune explication ni mise en contexte pour en comprendre le sens. Tout son discours repose sur la culpabilisation et le poids de la responsabilité des femmes sur la régulation de la libido et l’animalité des hommes.
Ses propos n'ont, là encore, rien d'exceptionnel. L'intégralité des prescripteurs du voile avancent ces arguments dont le spirituel est totalement absent. C'est normal : l'obligation du voile a été créée par les islamistes pour les raisons développées par Nader Abou Anas et tous ses prédécesseurs. La religion n'est qu'un prétexte pour apaiser leur obsession sexuelle. Après la famille, l'école est l'endroit clé pour imposer ce point de vue. Il faut habituer les filles au sort d'objet sexuel qui les attend en les voilant dès leur plus jeune âge, pour éviter qu'elles se "rebellent" plus tard, comme cela fut expliqué dans l'émission d'Asif Arif.

Nader Abou Anas ne fait que citer et paraphraser le Coran, sans aucune explication ni mise en contexte pour en comprendre le sens. Tout son discours repose sur la culpabilisation et le poids de la responsabilité des femmes sur la régulation de la libido et l’animalité des hommes.

Nader Abou Anas se présente comme conférencier et président de l’association D’CLIC, étroitement liée à Dourous.net. Cette association souhaite se montrer comme toutes les associations de l’islamisme politique : une présentation moderne, un semblant d’ouverture vers l'extérieur et deux pôles, un culturel et un autre cultuel. Le pôle culturel est là pour adoucir l’image de l’association, qu’elle soit également reconnue par l’administration pour éventuellement bénéficier de subventions publiques, tout en étant un moyen de faire du prosélytisme. Le pôle cultuel est là pour l’apprentissage et la diffusion d’une vision rigoriste et sexiste de l’islam. Comme indiqué sur son site, son programme est basé sur celui de la Madrassah du salafiste Cheikh Ayoub. Toujours écrit sur son site, l'association assume cibler la jeunesse à travers ses activités et son enseignement pour "la transmission d'un message religieux" qui n'est autre que salafiste.

Le salafiste Nader Abou Anas est Président de l’association D’CLIC.

Nader Abou Anas est un soutien indéfectible et très motivé de Marwan Muhammad et du CCIF. Il suffit de parcourir sa page Facebook et celle de Dourous.net, véritable fans clubs du CCIF. Marwan Muhammad, qui le considère comme un simple musulman, le lui rend bien. Le soutien apporté par le prédicateur salafiste à la plateforme "L.e.s Musulmans", et sa fière mise en avant par cette dernière, coulent donc de source.

Cette nouvelle structure de Marwan Muhammad, aussi représentée à la marge par d'autres Frères Musulmans comme Feiza Ben Mohamed et Samy Debah (ex militant du Tabligh, fondateur et ex président du CCIF), assume sa cohérence idéologique : le 30 octobre 2018, la plateforme publia un communiqué pour dire "nous sommes fiers de vous annoncer que nous sommes désormais partenaires" avec le CCIF. "L.e.s Musulmans" appelle également à soutenir et rejoindre le CCIF. Avec Marwan Muhammad à la tête de "L.e.s Musulmans", et Samy Debah jamais très loin, comment pouvait-il en être autrement ? C'est un moyen de créer une synergie islamiste pour être à la fois plus englobant et complémentaire.

La plateforme "L.e.s Musulmans" est fière d'annoncer son partenariat avec le CCIF.

La plateforme "L.e.s [frères] Musulmans" s'inquiète aussi de la tournure laïque du SNU

Par ce pédigrée, il semblait inéluctable que cette plate-forme s'exprime sur le projet de SNU, épine dans le pied de leur projet prosélyte et politique dont les jeunes sont la cible prioritaire. Les recommandations de l'ODL sur l'autorisation du port du voile et de l'entrisme religieux au sein du futur SNU ne pouvaient que rassurer les islamistes. Suite au désaveu de cette complaisante étude de l'ODL par le Ministre de l'Éducation Nationale, la plateforme publia à son tour un communiqué (7).

Marwan Muhammad soutient l'étude de l'Observatoire de la laïcité

Elle affiche son soutien à cette étude. Puis, elle décline toute la rhétorique d'inversion habituelle :
- Ces islamistes, qui se démènent pour annihiler toute liberté de conscience auprès des jeunes de leur "communauté", invoquent cette liberté qui ne serait pas respectée par l'État. Elle déplore aussi le "contrôle politique visant régulièrement les musulmans de France", affirmation factuellement fausse. La plateforme considérant les islamistes comme de simples musulmans et leurs revendications comme légitimes, elle considère les limites laïques fixées par la loi de 1905 comme un contrôle politique. Par contre, cette plateforme a bien des ambitions politiques dans son désir de représenter tous les musulmans français.

- La plateforme fait appel à la cohésion nationale alors que, avec le CCIF et les autres islamistes, elle est une des causes de sa désintégration.

- Elle accuse le gouvernement de vouloir "limiter la liberté religieuse de nos enfants et imposer un contrôle idéologique sur eux à travers des discriminations illégales et irrespectueuses du principe de laïcité, de sa compréhension et de son application." C'est le même raisonnement que pour la loi de 2004 sur les signes religieux à l'école. La liberté religieuse invoquée est celle des parents, non celle des enfants qui sont dans une période de construction individuelle. Ils ne sont pas encore citoyens mais des citoyens en devenir. Les parents de ces enfants, parfois fortement aidés par les actions "éducatives et culturelles" des islamistes, assurent un contrôle idéologique sur leurs progénitures. Ils refusent tout discours alternatif au leur. Leur désir est de totalement embrigader l'enfant, lui ôter tout esprit critique, pour que, une fois adulte, il lui soit impossible de penser autrement et de s'émanciper de l'assignation culturelle et religieuse.
Le SNU permet d'extraire ponctuellement ces jeunes de l'endoctrinement familial sur une période de quelques jours. Ceci afin justement de leur donner des outils intellectuels qui leur permettront de construire leur propre réflexion, leur citoyenneté, et arriver ainsi, non pas seulement à la simple liberté religieuse, mais à la liberté de conscience pleine et entière. C'est tout le principe de laïcité incarné par le SNU. Pour les islamistes, ceci est hors de question.
Mais la plateforme insiste dans sa rhétorique d'inversion : "Quel genre de citoyens espère-t-on former en leur apprenant, dès l’enfance, l’autocensure d’une part fondamentale d’eux-mêmes ?" Encore une fois, cette "part fondamentale" est celle que les parents et actions islamistes ont pris soin d'incruster dans le cerveau des enfants pour les empêcher d'accéder à la liberté de conscience. Le SNU est, pour eux, la menace que cette "part fondamentale" soit un jour critiquée par ces jeunes. De plus, les règles de vie en société imposent par définition un cadrage des libertés individuelles. C'est un des principes de base de la citoyenneté, rejetée par les intégristes qui considèrent que la liberté religieuse est supérieure à toute autre considération. La plateforme évoque également "la radicalisation du principe de laïcité". Le terme "radicalisation", ou "terrorisme laïciste" et autre "fondamentalisme laïque" cités par d'autres islamistes, dont le CCIF, sont là pour associer à la laïcité ce qui est reproché aux islamistes djihadistes et politiques. Nous sommes toujours dans la rhétorique d'inversion.
Le communiqué termine en apothéose en accusant le gouvernement de "[participer] à la propagation d’une ambiance délétère qui menace l’équilibre posé par la loi de 1905". La plateforme accuse ainsi le gouvernement d'un danger porté en réalité par les islamistes dont cette plateforme fait partie.

Les intégristes considèrent que la liberté religieuse est supérieure à toute autre considération.

A l'autre bout du spectre, aucun musulman progressiste n'a soutenu l'étude de l'ODL. L'islamologue Ghaleb Bencheikh est un musulman qui défend un islam éclairé, nommé avec mépris par le CCIF "islam du réverbère". Il est un de ces "néo Harkis", qualifiés ainsi par Marwan Muhammad et nombre d'ultras identitaires "Arabes" et musulmans. Il a récemment été nommé Président de la Fondation de l'Islam de France. Par un tweet, il a pris ses distances avec l'Observatoire : "En tant que citoyen, je ne souhaite pas que l'on encourage le port de signes religieux au SNU pendant sa 1ère phase. Il vaudrait mieux que ce dernier soit totalement laïque. Au législateur de voir si la loi de 2004 sur l'école peut y être étendue". Il est bien loin des propos des islamistes.

Ces attaques anti laïques contre le SNU, et la complaisance de l'Observatoire de la laïcité, montrent que ce service national est un élément important pour la cohésion et le futur de notre société. Quand les islamistes soutiennent l'ODL, nous comprenons à quel point le futur service national est un enjeu fort pour eux, à quel point le SNU et ses objectifs sont plus que justifiés et nécessaires, à quel point l'ODL est plus complaisant avec l'intégrisme religieux que ferme sur le principe de laïcité.

Service National Universel : les islamistes soutiennent l'Observatoire de la laïcité (1ère partie)

(1) Asif Arif, Outils pour maîtriser la laïcité, préface de Jean-louis Bianco et Nicolas Cadène, La boite à pandore, octobre 2017.
(2) Le CCIF, fleuron de la nouvelle extrême droite française (2ème partie)
(3) SERVICE NATIONAL UNIVERSEL, LE RAPPEL SALUTAIRE DE L’OBSERVATOIRE DE LA LAÏCITÉ
(4) Le CCIF et sa référence à l’Allemagne des années 30, l’arroseur arrosé
(5) La nudité pour un yaourt ou le voile pour la "pudeur" : la femme selon le CCIF
(6) Nader Abou Anas - Le vêtement de la femme
(7) Service National Universel, communiqué de "L.e.s Musulmans"

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