Dans 15 jours, le 14 octobre 2017, se tiendra un colloque intitulé "Lutter contre l'islamophobie, un enjeu d'égalité ?" Il sera "porté par un collectif d’associations et organisé par la Chaire «Égalité, inégalités et discriminations» de l'université Lyon 2 en partenariat avec l’ISERL (Institut Supérieur d'Étude des Religions et de la laïcité)", comme indiqué dans la brochure de présentation (1). Ce colloque se déroulera dans des locaux de l'université.
Le collectif d'associations en question rassemble la fine fleur de la nouvelle extrême droite française. Loin d'avoir une portée scientifique, ce colloque servira de caisse de résonance à l'intégrisme musulman qui lui permettra de légitimer encore un peu plus sa position victimaire pour toujours mieux avancer.
Cette Chaire et l'ISERL n'en sont pas à leur coup d'essai. Comme expliqué dans la brochure, ils avaient organisé un premier colloque en mars 2016 où ils avaient validé la définition du CCIF concernant "l'islamophobie". Rien de scientifique, peu d'approche critique, tout en idéologie complaisante envers le CCIF perçu comme un collectif "de défense des victimes".
Nous pouvons y lire également : "A une stigmatisation liée à l’origine (arabe, nord-africaine, maghrébine...) s’est ajoutée ces dernières années une discrimination à l’encontre des musulman-e-s ou supposé-e-s musulman-e-s. Ainsi, plusieurs associations se sont mobilisées pour réfléchir et combattre ensemble ce qui est devenu un fléau social parce qu’il clive la société en enfermant les citoyen-ne-s dans des catégories ethnicoreligieuses et qu’il nuit à la paix sociale."
Notons l'usage de l'écriture "inclusive", un style privilégié par le racialisme. Par leur vision orientaliste des musulmans, les racialistes considèrent les islamistes comme de simples musulmans éternellement victimes. Toute critique de l'islamisme est considérée comme une attaque contre tous les musulmans. Les racialistes s'inscrivent ainsi dans la ligne politique de l'islamisme (dont le CCIF est le fer de lance). Il est donc nécessaire de s'allier avec les intégristes musulmans, de les "inclure" dans les luttes de défense des opprimés. L'université Lyon 2 nous en offre ici un exemple concret.
Il y a effectivement des discriminations envers des musulmans. Seulement, les organisateurs nient le fait que le clivage de la société est dû en premier lieu aux associations participant à ce colloque qui justement enferment "les citoyen-ne-s dans des catégories ethnicoreligieuses et qu’elles nuisent à la paix sociale".
Quelles sont ces associations que ces universitaires promeuvent comme des partenaires de lutte contre les discriminations ?
Le ton sera donné dès l'ouverture. Le représentant de l'association Participation et Spiritualité Musulmane (PSM), Khalid El Khadiri, sera l'un des trois intervenants prévus durant cette demi-heure.
PSM se présente comme une association composée de simples musulmans. Ces musulmans "lambda" ont des liens très forts et assumés avec le parti islamiste marocain issu des Frères Musulmans "Justice et Bienfaisance". PSM a participé à la création du Collectif des Citoyens Musulmans pour l'Enfance, "composé de simples citoyens de confession musulmane avec l'aide de quelques personnalités musulmanes de la région lyonnaise", comme il est écrit sur son site (2). Quel est l'objectif de ce collectif, dont Khalid El Khadiri est le porte-parole ? Il est de "rejoindre la dynamique « MANIF POUR TOUS » en réponse au « Mariage Pour Tous » et contre la loi Taubira" (sic) (3).
Collectif des Citoyens Musulmans pour l'Enfance, "Manif pour tous" à Lyon contre l'égalité des droits pour tous au mariage, 2013.
Ces militants de l'extrême droite musulmane, qui se font passer pour de simples musulmans, ont agi main dans la main avec leurs confrères de l'extrême droite catholique pour lutter contre l'égalité des droits pour tous. Ainsi, PSM affiche fièrement son partenariat avec Alliance Vita, une association d'intégristes catholiques créée en 1993 par Christine Boutin dont un des buts est de lutter contre le droit à l'IVG. La lutte contre le mariage pour tous fut pour elle une évidence. La rencontre avec les intégristes musulmans le fut tout autant. Leur complicité est si forte qu'ils ont prolongé leur lune de miel par la participation de PSM à l'université d’été d'Alliance Vita en 2013 (4).
En bon intégriste religieux et à travers son collectif, Khalid El Khadiri rejoint également les intégristes catholiques sur le fantasme d'une théorie du genre qui nierait les différences biologiques entre garçons et filles et qui serait enseignée dans les écoles (5). Un fantasme partagé par une autre intervenante de ce colloque, Jamilla Farah, une des cadres rhodaniennes du Parti Égalité et Justice (PEJ).
Le PEJ est un parti politique populiste d'extrême droite dont l'islam version Frères Musulmans est au centre de son action. En faisant de la religion sa politique, le PEJ est clairement anti-laïque. Son moyen le plus utilisé est là encore une victimisation à outrance : toute critique de son intégrisme religieux, toute opposition au développement de sa doctrine est considérée comme "islamophobe". Se cacher derrière l'islam pour mieux faire avancer son intégrisme, c'est le leitmotiv que nous retrouvons au CCIF, à la CRI et chez tous les islamistes. Une méthode qui a pour effet mécanique de gonfler les rangs de ceux qui ont peur de l’islam et de faire basculer une partie d'entre eux du côté de l'extrême droite traditionnelle. Mais dans l’inversion habituelle des rôles chez les islamistes, "l’islamophobie" serait d'après le PEJ carrément "encouragée directement par les États" européens, selon son site internet. Rien de surprenant qu'il rejette alors sur cette même page officielle l'idée d'un islam de France et qu'il prône une société multiculturelle pour l'épanouissement de sa radicalité. Mais le président du parti assure malgré tout que le PEJ n'est pas un parti musulman… La vitrine marketing par la récupération des termes comme "égalité des sexes", "laïcité", etc., et sa participation à des colloques tels que celui du 14 octobre 2017 à l'université de Lyon, sont des moyens utilisés pour normaliser le parti et donner l'illusion d'un parti politique démocrate et ouvert. Ainsi, pour ne plus être accusé de racisme, il faudrait se plier aux revendications islamistes pour le "vivre (dans leur) ensemble".
Pour le PEJ, toute critique de son intégrisme religieux, toute opposition au développement de sa doctrine est considérée comme "islamophobe".
L'attitude victimaire, identitaire, communautariste et religieuse du "Parti Égalité et Justice" n'a rien d'étonnant. Il est la version française du "Parti de la justice et du développement" (AKP), le parti islamiste turc qui mène son pays vers un régime autoritaire et qui exècre la laïcité. Le PEJ est fan d'Erdogan. Ce grand "démocrate" qui avait déclaré il y a 20 ans que la démocratie est comme un tramway duquel on descend une fois arrivé au terminus, c’est-à-dire une fois arrivé au pouvoir (6). Une théorie qu'il met en pratique depuis quelques années et dont le PEJ continue à louer la politique. Plusieurs cadres du PEJ ont aussi des responsabilités au sein de la Cojep (Conseil pour la justice, l’égalité et la paix). Cette organisation internationale turque travaille en étroite collaboration avec l'AKP. Les ressemblances de leurs dénominations ne sont pas un hasard. Leurs stratégies et objectifs au niveau national et européen sont très similaires.
Comme tout mouvement d'extrême droite, seule compte sa conception de la famille. L'existence de familles homoparentales lui est insupportable. Au point de considérer, toujours sur sa page officielle, leur simple existence comme un "dictat" dont les enfants devraient être protégés (7). "L'islamophobie" (la peur d'une religion, l'islam), non. L'homophobie (le rejet d’Êtres humains), oui. C'est ce que le PEJ appelle "le bien vivre ensemble".
Comme les intégristes catholiques et PSM, ce parti fantasme sur une théorie du genre qui serait enseignée et qu'il faudrait "abolir dans nos écoles maternelles et primaires prioritairement" (8).
Jamilla Farah, qui clôturera le colloque par un "bilan et perspectives de la journée", fut candidate du PEJ dans le Rhône lors des dernières législatives.
Jamilla Farah, candidate du PEJ aux législatives de juin 2017 dans la 9ème circonscription du Rhône.
La représentante d'un parti d'extrême droite issu de l'AKP vient clôturer un colloque universitaire organisé par une Chaire qui a vocation à lutter contre les discriminations…
Certes, elle n'est pas invitée à intervenir en tant que représentante du PEJ, mais on ne peut pas l'ignorer. Tout comme nous ne pourrions pas ignorer l'intervention d'un représentant du FN dans un colloque sur les Droits humains, même s'il était invité pour représenter autre chose. Surtout que, dans le cas de Jamilla Farah, sa position au sein du PEJ n'est pas étrangère à sa qualité présentée pour ce colloque. En effet, elle interviendra en tant que "responsable de la CRI (Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie)". La CRI est un soutien officiel du PEJ (9). Les deux sont liés sur de nombreux points. Jamilla Farah est l'un de ces traits d'union.
La représentante d'un parti d'extrême droite issu de l'AKP vient clôturer un colloque universitaire organisé par une Chaire qui a vocation à lutter contre les discriminations…
La CRI est moins connue que le CCIF, mais elle a une place de choix dans la sphère de la nouvelle extrême droite française. Il n'y a alors rien d'étonnant à ce qu'elle soit représentée à différents moments de ce colloque : lors de la clôture avec Jamilla Farah et lors d'un des débats par l'intervention de son président, Abdelaziz Chaambi.
Pour avoir une petite idée de cette Coordination, Abdelaziz Chaambi est un de ces exemples de militants de gauche qui ont basculé à l'extrême droite par leur militantisme islamiste. Son CV est impressionnant. Il est le co-fondateur des éditions Tawhid. Cette maison d'édition bien connue des islamistes publie les ouvrages des Frères musulmans. Tariq et Hani Ramadan sont en bonne place dans la maison. C'est aussi chez Tawhid que nous pouvons encore trouver le livre ultra misogyne et homophobe de Youssef Al-Qaradawi "Le licite et l'illicite en islam" ou bien celui dans la même veine du salafiste A. D. Eldjazaïri "La voie du musulman". En revanche, vous n'y trouverez aucune trace d'ouvrages de musulmans rationalistes. Par ses livres, cette maison d'édition a fortement contribué au prosélytisme de l'intégrisme musulman en France.
Abdelaziz Chaambi est également un des initiateurs de l'appel "Un débat pour tous" en janvier 2013, pour lutter contre la future loi sur le "mariage pour tous" (10). En bon militant d'extrême droite et ultra-conservateur, il tient des propos particulièrement homophobes en allant jusqu'à comparer le droit au mariage des homosexuels au droit à l'inceste et à la pédophilie. Entre PSM et lui, "L’essor de manifestations homophobes" dénoncé dans la brochure de présentation du colloque trouve quelques-uns de ses promoteurs parmi ses intervenants. Intégristes chrétiens et intégristes musulmans, même combat et mêmes arguments. Sur les mœurs et la famille, il n'y a aucune différence entre les divers intégrismes religieux. Seulement un élément de taille différencie ces deux extrêmes droites : les intégristes chrétiens ne seront jamais invités par la Chaire de l'université de Lyon et l'ISERL pour faire la leçon sur les discriminations, les droits humains et l'égalité.
Avant de présider la CRI, Abdelaziz Chaambi fut un membre très actif du mouvement des Indigènes de la République. Un mouvement racialiste d'extrême droite à la philosophie raciste et antirépublicaine dont la figure médiatique, Houria Bouteldja, a illustré à de multiples reprises sa vision de la "race", des "blancs" et de l'islam version ultra-identitaire.
"L’essor de manifestations homophobes" dénoncé dans la brochure de présentation du colloque trouve quelques-uns de ses promoteurs parmi ses intervenants.
Comme tous ses collègues islamistes, Abdelaziz Chaambi est obsédé par la Palestine. Comme eux, cette obsession passe par le prisme religieux. Dans le cadre de ses activités militantes, il a ainsi déclaré à plusieurs reprises son soutien au Hezbollah (mouvement politique et paramilitaire djihadiste des intégristes chiites) et au Hamas (11). Il considère ce dernier comme un simple mouvement de résistance, "au même titre que Lucie Aubrac, Jean Moulin ou Nelson Mandela" (12). Les assassinats de plusieurs centaines d'opposants palestiniens, le régime autoritaire mis en place dans la bande de Gaza, les Palestiniens dont il se sert comme boucliers humains pour se protéger des attaques israéliennes, son allégeance officielle aux Frères Musulmans, son rêve de voir la bannière de l'islam flotter sur le monde, son antisémitisme virulent et son désir de détruire Israël : tout ceci serait anecdotique pour Abdelaziz Chaambi. Le seul fait de s'opposer à l'occupation israélienne est suffisant pour comparer le Hamas à Nelson Mandela, Lucie Aubrac et Jean Moulin…
Manifestation en janvier 2009 du Mouvement des Indigènes de la République, soutien du Hamas.
Dans son fanatisme religieux, il va également jusqu'à se faire le relais de la communication du Jihad islamique en Palestine (13), mouvement où tout est dit dans son appellation lorsque nous observons ses actions.
Avec un tel profil, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il soit fiché S (14). En revanche, il est étonnant qu'il s'en étonne.
Un homme fiché S, représentant de mouvements racistes, homophobes et islamistes, est invité par une Chaire de l'université de Lyon pour parler de discrimination et d'égalité dans un débat qui a pour titre "Peut-on parler d’islamophobie d’Etat ?" …
L'ISERL et la Chaire ne s'arrêtent pas là. Souhail Chichah, est un autre intervenant de cette journée placée sous le signe de l'égalité et de la lutte contre les discriminations. Il est présenté sur la brochure comme "économiste, intervenant, Université Lumière Lyon 2".
Un homme fiché S, représentant de mouvements racistes, homophobes et islamistes, est invité par une Chaire de l'université de Lyon pour parler de discrimination et d'égalité dans un débat qui a pour titre "Peut-on parler d’islamophobie d’Etat ?"
Il a bâti une partie de sa réputation sur ses coups de sang. En février 2012, Caroline Fourest était invitée à intervenir dans un débat sur l'extrême droite organisé par l'Université Libre de Bruxelles (ULB). Mais elle n'a jamais pu aller jusqu'au bout de son intervention. Elle fut prise à partie par un groupe d'excités dont certains étaient cagoulés façon burqa (15). Parmi les plus virulents, il y avait Nordine Saïdi, un de ces militants d'extrême droite qui se fait passer pour un militant de gauche. Mais le plus virulent fut l'organisateur de cette perturbation : Souhail Chichah, pourtant un des assistants de cette université.
Il n'en était pas à son premier coup d'éclat. En 2010 par exemple, lors d'un débat public sur la liberté d'expression au sein de cette même université, il tint des propos sur la Shoah qui laissent perplexe : "J'ai pas d'avis [sur le négationnisme] puisqu'il est interdit d'avoir un avis dessus. Donc en tant que légaliste, je m'en tiens à la vérité officielle" (16). Autrement dit, la vérité sur l'extermination des juifs serait censurée par une "vérité officielle" contre laquelle il ne peut aller sans risquer des problèmes avec la justice, ce qu'il déplore. En marge de ce même débat, nous retrouvons encore son partenaire, Nordine Saïdi, qui déclara comme le Hamas : "Je veux la fin d'Israël, c'est ça la paix." (17)
Son action contre Caroline Fourest fut donc l'élément de trop. Une pétition circula dans les heures qui suivirent pour demander son renvoi de l'université, signée par plus de 850 personnes en quelques jours, dont des professeurs de l'ULB (18). Il travaille aujourd'hui à l'université Lyon 2.
Pro-islamiste et athée affirmé, Souhail Chichah pourrait être l'équivalent de Charles Maurras, un des penseurs de l’Action française (mouvement d'extrême droite né en 1899). Il faisait partie d'un courant de pensée que certains nomment "catholicisme athée" (même s'il était sans doute agnostique). De la même façon, Souhail Chichah fait partie d'un courant que je pourrais nommer "l'islamisme athée", démontrant encore une fois que l'islamisme n'est pas une religion mais une idéologie totalitaire. C'est ce militant qui interviendra dans ce colloque universitaire organisé par une Chaire sur l'égalité et les discriminations, dans un débat intitulé "Intolérance au religieux, racisme, islamophobie ?"…
Que la nouvelle extrême droite (CCIF, CRI, Indigènes de la République et consorts) organise un colloque pour véhiculer son habituel fond de commerce victimaire pour défendre et promouvoir l'intégrisme religieux, cela serait tout autant choquant mais plus cohérent. Le CCIF, fleuron de cette nouvelle extrême droite française, et qui interviendra dans ce colloque dont il est partenaire, l'a régulièrement fait. Le 30 avril 2011 par exemple, il avait donné une conférence à l'intitulé proche : "islamophobie, notre responsabilité face à l’injustice". C'est dans ce genre de conférence qu'il explique que les musulmans seraient persécutés comme le furent les juifs dans l'Allemagne des années 30, tout en dévoilant dans la même conférence son racisme et son totalitarisme en affirmant que les musulmans sont un peuple supérieur qui a vocation à diriger le monde (19) :
Allah nous dit : "vous êtes la meilleure communauté qui ait surgi sur Terre". Pas la deuxième, pas une bonne communauté, mais la meilleure des communautés. Et juste après, Allah dit : "vous recommandez le bien et vous interdisez ce qui est blâmable, et vous croyez en Allah". Ça veut dire que cette caractéristique est une caractéristique identificatrice des musulmans. Elle nous fait sortir du rang et elle fait de nous les premiers de la classe auprès d’Allah. C’est pas une petite caractéristique, mais c’est une responsabilité. C’est une responsabilité, pas que quand on s’attaque aux musulmans. C’est une responsabilité pour toutes les injustices qui frappent la terre sur laquelle Allah nous a mis comme gérants, comme responsables de l’ordre public.
Son propos colle tant à certains passages de "Mein Kampf" que cela en est effrayant. Sa pensée s'appuie sur le verset 110 de la sourate 3 du coran, instrumentalisé par tous les intégristes. Le Hamas par exemple l'a inclus dans sa charte pour justifier sa supériorité sur Israël et celle de l'islam sur l'ensemble du monde. Mais cette conférence du CCIF, aussi choquante soit-elle, se déroulait dans les locaux d'une mosquée face à ses fidèles, pas dans une université.
Ces propos n'étaient pas une maladresse. En janvier 2010, lors d’une conférence organisée par les Indigènes de la République, le CCIF avait déjà déclaré la même chose : [L’islam] est une religion qui a vocation à régir toutes les sphères de la vie sociale. C’est un mode d’emploi pour l’Humanité. Un mode d’emploi à un groupe d’hommes à qui on a confié un certain nombre de ressources naturelles. (…) Et on leur a dit “voilà votre mandat”. C’est de vivre sur terre en accord avec les principes qu’on vous donne. Et pour ça, on vous a donné un mode d’emploi, et ça s’appelle le Coran. Et on vous a donné un individu qui vous sert d’exemple et qui va être l’incarnation vivante du bon comportement musulman. Et ça c’est le Prophète. Vous devez vous conformer à ça. (…) Et ça veut dire que l’islam a une portée sur tous les sujets qui régissent la vie en société.
Il y a également eu cette conférence du 9 février 2013, co-organisée par le CCIF avec là encore un intitulé très proche de celui du 14 octobre 2017 : "Islamophobie décomplexée : quel impact sur notre société ?", et dont Hassan Iquioussen, prédicateur intégriste de l'UOIF ouvertement antisémite, était l'intervenant de marque aux côtés du porte-parole du CCIF, Marwan Muhammad (20). On ne compte plus les conférences du CCIF avec des intervenants plus rétrogrades et sexistes les uns que les autres, ni les propos discriminants et dégradants de ce même CCIF à l'encontre des musulmans progressistes ainsi qu'une vision rétrograde de la femme calquée sur celle des idéologues des Frères musulmans. Tout ceci inclus dans un discours clivant et ultra identitaire opposant "eux" et "nous" (21), sous couvert à chaque instant de la lutte contre "l'islamophobie" et pour le "vivre (dans leur) ensemble".
Un des champions en la matière est Yasser Louati, autre intervenant de ce colloque. Il se présente comme un "activiste des droits humains et libertés publiques". En réalité, il est l'ancien porte-parole du CCIF et ne voit les "droits humains" qu'à travers le prisme de sa radicalité religieuse et sa vision toute victimaire de la situation des "musulmans" en France. Loin d'être pour le "vivre ensemble", il clame des discours clivants sous couvert de "lutte pour les libertés publiques". Comme tous les militants de la sphère islamiste, il dénonce peu les attentats en tant que tels et ne propose aucune solution pour lutter contre le terrorisme commis au nom de sa religion. Il ne dénonce jamais non plus les actes et propos antimusulmans commis par des musulmans sur d'autres musulmans. Cela peut se comprendre puisque le CCIF en a parfois été l'auteur.
En revanche, il ne cesse de dénoncer l'État français comme "islamophobe" à la moindre occasion, y compris à l'étranger. Cette "violence islamophobe sponsorisée par l’État", comme il aime à le dire, serait surtout due aux perquisitions dans le cadre de l'état d'urgence. Il est vrai que la police se concentre sur les islamistes. Il serait moins "islamophobe" de perquisitionner aussi des catholiques, des sikhs, des témoins de Jéhovah, etc. afin d'assurer une égalité de traitement sans discrimination (je suis ironique). L'autre aspect de cette "violence islamophobe sponsorisée par l’État" est la loi de mars 2004 sur les signes religieux à l'école. Lui et l'ensemble des islamistes français, dont la totalité des intervenants de ce colloque, militent pour sa suppression. Ils envisagent le voilement des fillettes sans le moindre état d'âme, leur signifiant dès le plus jeune âge que leur corps est honteux et responsable de tous les débordements sexuels masculins. Le religieux n'est qu'un prétexte pour mieux culpabiliser les hésitantes et disqualifier les détracteurs. Voiler une petite fille ou une adolescente pour qu'elle s'habitue à la condition qui l'attend, et qu'il lui soit difficile de faire véritablement ses propres choix une fois adulte, voilà leur désir. C'est là que toute forme d'opposition, par le débat démocratique et la loi républicaine, toute dénonciation de l'instrumentalisation de l'islam à des fins sexistes et totalitaires, est qualifiée "d'islamophobie" (atteinte à l'islam).
Le CCIF et autres prédicateurs extrémistes contribuent ainsi à la fracturation de la société et à la peur des Français envers l'islam, justement le véritable sens du terme "islamophobie" que ce colloque "universitaire" du 14 octobre prochain interrogera si peu.
Pour parachever cette présentation, il ne faut pas oublier l'EMF (Étudiants Musulmans de France), un des partenaires de ce colloque qui n'est autre que la branche estudiantine des Frères Musulmans en France puisque créée et affiliée à l'UOIF. Entre autres positionnement du "juste milieu" et pour le "vivre ensemble", l'UOIF rejette et instrumentalise allègrement la laïcité, comme je l'avais démontré dans un article précédent (22), tout comme elle déplore l'interdiction de territoire faite à Youssef Al-Qaradawi, ce théologien frériste misogyne, homophobe et antisémite qu'elle considère comme "le plus savant des savants du monde musulman aujourd’hui" (23). Une interdiction de territoire qui serait là aussi "islamophobe" ?
Toute forme d'opposition, par le débat démocratique et la loi républicaine, toute dénonciation de l'instrumentalisation de l'islam à des fins sexistes et totalitaires, est qualifiée "d'islamophobie".
Avec de tels intervenants pour réfléchir à l'égalité et à la lutte contre les discriminations envers les musulmans, le FN et l'ensemble de l'extrême droite traditionnelle peuvent aller à la pêche ou gambader dans les champs.
Tous ont en commun de parler au nom des "musulmans". Leur rhétorique ne fait jamais référence à la pluralité existant à l'intérieur de l'islam, y compris l'islam sunnite. Leur radicalité est affichée comme étant le véritable islam. Ils se présentent eux-mêmes comme de simples musulmans. PSM par exemple a la prétention de présenter "ce que signifie être musulman" ainsi que de montrer "comment s’organise la pensée musulmane". L'appellation "Collectif des Citoyens Musulmans pour l'Enfance", "composé de simples citoyens de confession musulmane", comme il est écrit sur le site de PSM, illustre cette confusion entre "musulmans" et "intégristes musulmans". Cela ne relève pas uniquement de la stratégie politique pour instiller dans l'inconscient collectif que leur islam est le seul valable. Ils sont sincèrement convaincus d'être de simples musulmans.
Nous retrouvons cette rhétorique chez tous les intégristes dont la crème de l'islamisme politique participera à ce colloque. Leur radicalité ainsi dissoute parmi l'ensemble des musulmans permet à la fois d'entretenir, de développer la peur de l'islam et l'amalgame envers tous les musulmans, tout en dénonçant une "islamophobie" lorsque des citoyens alertent sur leur extrémisme.
L'ensemble de ces acteurs organise et/ou participe régulièrement à des conférences, parfois en partenariat les uns avec les autres. C'est cela la sphère de la nouvelle extrême droite française.
Mais depuis quelques temps, ce type de conférences quitte les lieux de cultes et "culturels" pour investir des universités qui leur donnent une légitimité scientifique sur le plan marketing. Ce fut le cas en mai 2017 à l'École Supérieure du Professorat et de l’Éducation de l’Académie de Créteil, lieu de formation des futurs enseignants, qui avait organisé un colloque "universitaire" sur l'intersectionnalité, dont la teneur était là encore bien plus idéologique que scientifique, et qui avait vu défiler une partie des militants indigénistes et islamistes en tant qu'intervenants.
L'université Lyon 2 franchit à son tour le Rubicon en faisant essentiellement appel à des religieux, de surcroît militants de l'islamisme politique, pour un colloque qui se prétend universitaire et ferait le lien avec "le militantisme pour les droits humains" pour "la construction d’une collectivité responsable et citoyenne". Tout cela démontre le peu de crédibilité et la lente dérive d'une partie de l'université française.
Leur radicalité ainsi dissoute parmi l'ensemble des musulmans permet à la fois d'entretenir, de développer la peur de l'islam et l'amalgame envers tous les musulmans, tout en dénonçant une "islamophobie" lorsque des citoyens alertent sur leur extrémisme.
Tous les sujets peuvent et doivent être objet de recherche universitaire. Tout questionnement scientifique peut faire l'objet de colloques. Rien ne doit être tabou. Mais désormais, nous constatons une instrumentalisation des recherches universitaires en sciences humaines pour la diffusion d'une idéologie. Nous constatons l'influence grandissante d'une idéologie totalitaire sur les institutions censées produire la science et le savoir. Tariq Ramadan, dont nombre des intervenants sont les héritiers, fut le premier islamiste à avoir compris l'importance d'investir l'université. La Ligue de l'enseignement, autre intervenant de ce colloque et soutien de Tariq Ramadan depuis plus de 20 ans, est là pour nous le rappeler.
Aucune personnalité et association qui ont une approche universaliste et laïque de ces sujets, aucun musulman progressiste portant un autre discours que celui des intégristes musulmans intervenants dans ce colloque, n'a été invité. Rester dans un entre soi d'extrême droite pour dérouler un discours sur "l'égalité" où tout le monde est d'accord n'a rien d'un colloque universitaire et de recherche scientifique. C'est un meeting politique dans les locaux d'une université qui se transforment en temple de l'intégrisme musulman où la caution scientifique et les lieux servent de label.
C'est comme si une chaire nommée "études des droites totalitaires" organisait un colloque sur "Droits de l'Homme, un enjeu d'égalité" avec pour intervenants le Front National, Résistance Républicaine, Civitas, et des "défenseurs des Droits Humains" issus de l'extrême droite traditionnelle.
"Il n’existe pas de cloisonnement hermétique entre [le militantisme pour les droits humains et la réflexion universitaire] qui au contraire se complètent pour la construction d’une collectivité responsable et citoyenne", comme cela est noté dans la brochure. C'est vrai. Mais cela n'est pas une raison pour inviter des associations et individus qui militent pour le contraire. Cela interdit encore moins d'inviter des intervenants progressistes.
Croire que promouvoir le discours des Frères Musulmans va contribuer à lutter contre les discriminations et la mauvaise image de l'islam est le dernier élément qui décrédibilise la portée scientifique et universitaire de ce colloque.
Charb disait "J'ai moins peur des extrémistes religieux que des laïques qui se taisent". Il avait raison. Je rajouterais que les laïques qui parlent en harmonie avec les extrémistes religieux sont encore plus effrayants.
(1) Lutter contre l'islamophobie, un enjeu d'égalité ?
(2) Au cœur de la manif pour tous, Khalid El Khadiri
(3) Ibid
(4) Musulmans et chrétiens pour la défense de la vie
(5) Zaman France n° 262 – FR, page 3.
(6) Erdogan, l'ivresse du pouvoir, documentaire de Gilles Cayatte et Guillaume Perrier, ARTE GEIE et Alegria Productions, 2016.
(7) La famille ne repose plus sur ce qu’elle a toujours été, à savoir sur une union entre un homme et une femme mais doit désormais inclure, sous ce dictat, la possibilité d’existence de plusieurs types de familles. Plus grave encore, ces distinctions sont enseignées à l’école à nos enfants dès le plus jeune âge. Parti Égalité et Justice
(8) Manifeste du Parti Égalité et Justice, page 35.
(9) Pourquoi avoir choisi de soutenir le PEJ ?
(10) Un débat pour tous
(11) La grande colère des musulmans de France
(12) Ibid
(13) Communiqué du mouvement du Jihad islamique en Palestine
(14) Abdelaziz CHAAMBI est fiché S : pétition et soutien
(15) Souhail Chichah interrompt une conférence de Caroline Fourest
(16) Conférence sur la liberté d'expression, passage concerné à 2,13 minutes
(17) (1) Ibid, passage concerné à 2,34 minutes.
(18) 850 signatures pour le renvoi de Souhail Chichah
(19) Le CCIF et sa référence à l’Allemagne des années 30, l’arroseur arrosé
(20) Le CCIF, fleuron de la nouvelle extrême droite française (1ère partie)
(21) La nudité pour un yaourt ou le voile pour la "pudeur" : la femme selon le CCIF
(22) Le CCIF, fleuron de la nouvelle extrême droite française (3ème partie)
(23) Youssef Al-Qaradhawi, le voile et les femmes : un théologien "modéré" ?