« Islamophobe » ! « Raciste ! ». Il ne se passe pas un jour sans que moi et d’autres soyons affublés de ces anathèmes, dans l’espoir des inquisiteurs de coller sur notre front une étiquette frappée du sceau de l’infamie impossible à retirer. Quelles sont les raisons de ces cris d’orfraie ? Il m’est reproché de lutter contre l’islamisme et son outil politico-misogyne qu’est le voile. Pour d’autres, sont visées leurs critiques et/ou moqueries de l’islam. D’autres encore manifestent leur hostilité envers les musulmans. Tout est réduit à un terme aussi fourre-tout que dangereux, asséné telles les vociférations enflammées des fanatiques d’antan qui hurlaient « hérétiques ! » : « islamophobie ».
Nombreuses sont les personnes à exprimer leur inquiétude sur le dangereux usage de ce terme. Certaines en préfèrent un autre qui, à leurs yeux, serait plus juste et précis : « racisme antimusulman ». Malheureusement, il possède les mêmes travers et dangers.
L'islamophobie est, comme la sémantique l’indique, la peur irrationnelle de l'islam. L'exprimer, critiquer, déclarer ne pas aimer cette religion, la caricaturer ou s'en moquer relève de la liberté d'expression (comme l'islamophilie), que cette peur soit irrationnelle ou pas. Or, pour les islamistes et leurs alliés, seule l'islamophilie aurait droit de cité. Pour les partisans de la lutte contre l’« islamophobie », l'islam devrait donc avoir un statut particulier, un privilège d'intouchabilité. Toute critique, moquerie, tout obstacle à l'expression de cette religion, même à ses dérives, serait de « l'islamophobie » à combattre. La volonté d’établir un délit de blasphème, uniquement valable pour l’islam, est flagrante.
Pour les partisans de la lutte contre l’« islamophobie », l'islam devrait avoir un statut particulier, un privilège d'intouchabilité.
Pour faire passer la pilule, les partisans du terme « islamophobie » ambitionnent de fusionner une idéologie religieuse avec des individus pour ne plus distinguer l’offense à une religion de l’hostilité contre des personnes en raison de leurs croyances. Ils instrumentalisent la seconde (les discriminations que pourraient subir des musulmans doivent être condamnées) pour tenter d’interdire la première. Pour s’en défendre, ils affirment n’avoir aucun problème avec la critique de l’islam… sauf quand on le critique. De plus, ces mêmes partisans considèrent l’islamisme comme l’islam tout court, et les islamistes comme de simples pieux musulmans opprimés. Ainsi, toute critique de l’extrémisme musulman est considérée être une critique contre l’islam donc contre tous les musulmans. D’ailleurs, dans les pays musulmans, le terme « islamophobie » n’existe pas. Seul son synonyme est utilisé : offense à l’islam.
Ils affirment n’avoir aucun problème avec la critique de l’islam… sauf quand on le critique.
Le concept « islamophobie » va encore plus loin puisqu’il vise à faire de l’offense à l’islam une forme de racisme. On transforme l'islam en race, génétiquement incluse en chaque musulman « de naissance ». Le musulman, fidèle d'une religion censée être choisie, devient le Musulman, membre assigné à un peuple imaginaire. La liberté de conscience devient caduque.
Cette fusion volontaire entre la critique de l'islam et les propos antimusulmans inlassablement martelés fonctionne. Elle a en partie atteint son but. Si l'islamophobie n'est pas (encore) un délit, ce terme a été adopté par une partie de plus en plus bigote de la société. Le Larousse est aussi tombé dans le piège de la fusion entre la crainte/critique d'une idéologie et l'hostilité envers des individus : « Islamophobie : hostilité envers l'islam, les musulmans ». Le dictionnaire cite naturellement la religion en premier, car là est son véritable sens, pour glisser vers ses fidèles. Cette succincte définition erronée (un comble pour un dictionnaire) a le mérite de pointer le danger de ce terme par sa confusion : être hostile à une idéologie serait similaire à l’hostilité envers des individus, mais uniquement valable pour l'islam. Cela crée, de fait, une notion de blasphème spécifique à cette religion, non reconnue par la loi mais par les promoteurs de ce terme. C'est exactement ce que souhaite l'islamisme politique pour tenter de faire taire toute opposition et dans l'espoir que, un jour, cela se traduise juridiquement dans le code pénal. Voilà pourquoi l'usage du terme "islamophobie" est dangereux.
L'expression racisme antimusulman serait différente ? Pas vraiment. Elle rejoint cette définition. Le racisme induit l’hostilité envers quelqu'un pour ce qu'il est en tant qu'être humain, pas pour ses choix idéologiques. Il ne peut exister de racisme antimusulman comme ne peut exister de racisme anticommuniste, anticapitaliste ou antimonarchiste.
Affirmer qu'il existerait un racisme antimusulman entraîne une ethnicisation de l’islam et assigne des individus à leur religion supposée. Là encore, comme avec « islamophobie », la liberté de conscience devient caduque. Il ne peut plus y avoir de détachement entre l'individu et sa religion supposée comme on ne peut dissocier un individu de sa couleur de peau. C’est bien pour cela que les partisans de la lutte contre l’offense à l’islam affirment également que l’islamophobie est « un racisme à l’égard des musulmans ».
Il ne peut exister de racisme antimusulman comme ne peut exister de racisme anticommuniste, anticapitaliste ou antimonarchiste.
Défendre le concept de « racisme antimusulman » annihile la liberté de conscience, comme le terme « islamophobie ». L’islam n’est plus seulement concerné par la laïcité et la loi de 1905, mais par toutes les lois contre le racisme. Cela marque une victoire éclatante de l’islamisme et la pertinence de sa stratégie victimaire.
Discriminer un individu en raison de son ethnie, de son genre, de son appartenance religieuse, de son orientation sexuelle, de ses opinions politiques, etc. est punissable par la loi. Il ne s’agit pas, ici, de hiérarchiser les sanctions mais d’alerter sur la (con)fusion entre l’hostilité envers un individu pour ce qu’il est en tant qu’être humain et l’hostilité envers ses idées. Une telle (con)fusion mène fatalement à l’assignation religieuse sous un faux prétexte ethnique, à réduire la liberté d’expression et au retour du délit de blasphème. La précision est mère de la clarté. Nous devrions alors utiliser « hostilité envers les musulmans », parler d’« actes et propos antimusulmans ». Et, si certains tiennent absolument à utiliser le suffixe « phobie » pour psychiatriser le phénomène, un seul terme permet de faire la distinction entre la religion et le croyant : « musulmanophobie ».