Un exemple parmi d’autres de la promotion des « sciences islamiques » en France : l'institut Shâtibî, situé à Lyon. Tous les enseignants sont présentés par leur titre de « docteur » ou « professeur », pour affirmer leur crédibilité. Nous retrouvons Nabil Ennasri, pur produit des Frères musulmans. Il y a également Shakeel Siddiq. Voici l’extrait d’un de ses cours de « sciences islamiques » :
« Un jour, des cailloux, que le Prophète tenait dans sa main, se mirent à glorifier Allah. Les louanges faites par ces cailloux étaient semblables à des bourdonnements d’abeilles. […] Au-delà des arbres qui auraient parlé au Prophète, on a aussi une épaule de brebis qui vient à s’exprimer par la volonté divine. Donc c’est des choses qui ont existé et qui sont faisables par Allah. »
La religion musulmane traverse aujourd’hui une longue période obscurantiste. Depuis plusieurs décennies, l’islamisme domine la théologie islamique. La raison n’est pas une meilleure pertinence de son interprétation religieuse mais la puissance de son fanatisme et l’efficacité de la diffusion de son message. Cela se traduit par la violence et/ou une prédication forcenée qui fait usage de tous les outils de communications existants. Pour ce faire, l’islamisme investit la politique, le social, l’éducation, l’entreprise, l’économie et la culture.
Le rouleau compresseur propagandiste de l’islamisme compense largement sa faiblesse théologique. Un des aspects de sa propagande est la sémantique. À l’extérieur, dans le cadre de sa stratégie victimaire, le terme « islamophobie » en est le cœur. Ce terme, ou ses synonymes comme « insulte à l’islam » ou « blasphème », est aussi utilisé à l’intérieur contre les musulmans progressistes. Plutôt que de les affronter intellectuellement, et de prendre le risque de dévoiler la légèreté théologique de l’islamisme, les extrémistes musulmans préfèrent les disqualifier à coup d’accusations telles que « offense à l’islam » (« islamophobie »), « musulmans sans l’islam », « musulmans au service de l’Occident », etc. Une de leurs plus belles victoires est d’avoir réussi à faire passer l’idée que le sexisme du voile est un « symbole religieux musulman », alors que les musulmans progressistes considèrent le voile comme un héritage culturel sexiste et patriarcal.
Le marketing s’applique également à la théologie par l’usage de termes supposés crédibiliser l’islamisme. Les extrémistes ne fonctionnent pas ou si peu avec la Raison et l'intellect mais avec l'émotion et la répétition de préceptes. Leur (fausse) littéralité, qui rejette l'esprit critique par crainte de trahir l'islam, est nommée « science » par les islamistes et leurs référents sont appelés « savants ».
La science est l’« ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d'objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes expérimentales » (Larousse). Or, la théologie n’est pas une science mais l’ « étude des questions religieuses fondée sur les textes sacrés, les dogmes et la tradition » (Le Robert). La théologie utilise parfois les sciences pour l’étude de la religion, comme la linguistique, mais elle n’est pas elle-même une science. Dit autrement, la théologie traite de la foi qui, par définition, n’est pas scientifique mais ressentie.
L’utilisation par les islamistes des termes « science » et « savants » a donc pour but d’apporter une crédibilité là où leur raisonnement en est dénué. La « science » dont il est question est leur interprétation de la Révélation. Les intégristes considèrent que la simple répétition d’avis transmis depuis des siècles en fait des éléments avérés. La crédibilité de leurs affirmations ne réside pas dans une démonstration scientifique. Leur crédibilité dépend de la réputation des transmetteurs, ceux qu’ils nomment les « savants ». Ce terme est préféré à « théologiens » car, d’abord, tous leurs « savants » ne sont pas théologiens. Mais surtout, ce terme est là encore utilisé pour apporter une légitimité scientifique. En effet, toujours selon le dictionnaire (Larousse), un savant est celui « qui a des connaissances étendues dans divers domaines ou dans une discipline particulière ». Cela peut donc être n’importe quel individu qui possède un savoir, une bonne culture générale ou de bonnes connaissances dans un domaine particulier. Cela ne fait pas de lui un scientifique. Or, dans l’esprit de beaucoup, « savant » lui est synonyme. Dans l’imaginaire collectif, le savant est celui qui manipule divers produits chimiques dans son laboratoire. Les islamistes jouent de cette confusion pour faire du « savant » un « scientifique ». Le second inclus le premier, mais pas forcément l’inverse. Un « savant musulman » possède donc des connaissances sur sa religion, peut emprunter certains éléments aux sciences, mais il n’est pas un scientifique. Les islamistes n’ont aucune démarche scientifique. Par leur fanatisme, ils considèrent leurs hypothèses comme des preuves et le martèlement de leurs croyances comme une science.
Un autre intérêt est de rendre leurs propos plus crédibles que ceux des autres religions. En effet, à de très rares exceptions près, ultra minoritaires et qui n’ont aucune influence sur les fidèles, le christianisme et le judaïsme n’avancent pas de « science » ni de « savants » mais une théologie et des théologiens.
Enfin, l’intérêt est aussi de concurrencer, voire de décrédibiliser, l’enseignement laïc qui contredirait les discours islamistes comme la théorie de l’évolution, la lutte contre l’inégalité des sexes ou la distinction entre croyance et savoir.
Ainsi, dans leurs livres, lors de leurs conférences, sur tous leurs plateaux télévisés et tous les réseaux sociaux, les islamistes ne parlent jamais ou si peu de « théologie » et de « théologiens ». Ils martèlent leurs « sciences islamiques » et leurs « savants », quels que soient le pays et la langue. En France par exemple, le site Dourous.net du néo-salafiste Nader Abou Anas a pour slogan « Dourous.net : une étincelle de sciences sur le net ». Le prédicateur répète inlassablement se référer aux « sciences islamiques », sans que nous puissions trouver la moindre étincelle scientifique. Par contre, cela lui permet de justifier par exemple l’obligation du port du voile car la femme serait un objet sexuel tentateur par nature. Comme tous les prédicateurs islamistes, il compare parfois la femme à un objet précieux, supposé être moins dégradant pour mieux convaincre les concernées : la femme serait une perle qui ne doit pas être exposée mais « protégée » dans une boîte (le voile), « la boîte dans un placard, à clé c’est fermé, la clé dans un endroit bien discret dans la maison. » Sa « science » lui permet alors d’apporter un argument massue pour convaincre les musulmanes de faire le « libre choix » du port du voile : « Refuser le voile, c’est pire que d’avoir le cancer ou le sida ». Il n’innove pas. Il ne fait que rappeler la raison d’être du voile, répétée par tous ses prescripteurs à travers le monde. Pour être crédibles, tous affirment ne pas donner un avis personnel mais transmettre la parole de Dieu grâce aux « sciences islamiques ».
Un autre exemple est Rachid Eljay. Il se proclame « professeur Rachid Eljay » sur sa chaîne Youtube. Il avait fait polémique en son temps en affirmant à des enfants que ceux qui écoutent de la musique « seront transformés en singes et en porcs ». Lui aussi revendique les « sciences islamiques » pour crédibiliser son discours. Récemment, toujours en s’appuyant sur sa « science », il a présenté la raison de l’existence des étoiles filantes : elles seraient des météorites lancées par Dieu pour chasser les djinns (créatures maléfiques surnaturelles) qui interceptent des messages divins destinés aux anges.
Les « sciences islamiques » ont aussi pour objectif de dicter les comportements des musulmans dans tous les aspects de la vie, jusqu’au moindre petit détail, parfois à la manière d’une secte. Le prédicateur salafiste « Hamid » par exemple, revendique lui aussi transmettre les « sciences islamiques ». À travers cela, il disserte en vidéo sur l’obligation ou non de se raser les poils de l’anus. Encore une fois, son raisonnement n’a rien de scientifique. Il ne raisonne d’ailleurs pas. Comme toujours, et comme c’est le cas avec tous les transmetteurs de ces « sciences », il ne fait que citer divers « savants » et écoles juridiques dont les avis remontent souvent à plusieurs siècles.
Ces prédicateurs extrémistes ne sont pas accessoires ni uniques. Héritiers des « savants » arabophones qui les ont précédés, ils sont nombreux et chacun compte plusieurs centaines de milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux. Leurs conférences et vidéos sont vues par autant de personnes, parfois par des millions. Leur succès est notamment rendu possible par la crédibilisation de leurs discours radicaux grâce à l’usurpation de la science et au détournement de la notion de « savants ».