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Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

dossiers - Islamisme politique - elections legislatives, CCIF, Samy Debah, David Bizet, Feiza Ben Mohamed

Législatives 2017, un défi pour l’islamisme politique (1ère partie)

Par Naëm Bestandji . Publié le 08 Juin 2017 à 19h52

Les 11 et 18 juin prochains auront lieu les élections législatives. Des dizaines d'intégristes musulmans seront candidats. Des islamistes qui se présentent à des élections n'est pas un phénomène nouveau. Mais leur nombre pour celles-ci est inédit. Cette nouvelle étape devait arriver tôt ou tard. Nous nous retrouvons à présent avec des candidatures des deux extrêmes droites : le Front National et les groupuscules fédérés par Jean-Marie Le Pen d’un côté, et les islamistes de l’autre.

Comme expliqué dans un article précédent (1), les islamistes se partagent en deux grands courants (il en existe d'autres plus minoritaires) : les salafistes et les Frères musulmans. Leur vision de l'islam et du monde est la même (un islam littéraliste, l'obsession sexuelle à travers le voile, l'obsession de la Palestine, etc.). Les différences se situent sur les moyens pour l'appliquer et atteindre leurs objectifs. Les salafistes sont peu, voire pas du tout, engagés en politique (au sens politicien du terme). Ils préfèrent un fonctionnement sectaire, repliés sur eux-mêmes. Pour ceux souhaitant agir sur l'ensemble de la société, ils préfèrent la violence à la politique. Les islamistes djihadistes sont essentiellement issus du salafisme.

Les Frères musulmans sont, eux, tournés vers la politique. Ils ne souhaitent pas vivre au ban de la société. Ils veulent le "vivre ensemble" en faisant plier la société pour qu'elle s'adapte à leur radicalité. Mais les deux branches de l'islamisme ont les mêmes objectifs : faire de leur radicalité le véritable islam et imposer leur rigorisme et archaïsme à l'ensemble de la société. Les premiers, en souhaitant atteindre leurs objectifs à court terme par la violence, montrent leurs intentions bien trop frontalement. Les seconds, en souhaitant atteindre les mêmes objectifs par une stratégie politique sur le long terme (séduction par l'instrumentalisation de la lutte antiraciste, arme du voile, victimisation et intimidation par le concept "islamophobie") sont bien plus efficaces. Les premiers leur sont d'ailleurs utiles pour passer pour des "modérés". Le voile frériste (le hijab) est plus court que le niqab ou le jilbab, et les femmes donnent l'impression d'être plus libres que les salafistes. Même si elles restent des objets sexuels dont le corps honteux doit toujours être caché car coupable de tous les débordements potentiels. C'est pour cela que l'expression "du juste milieu" est une ritournelle très souvent utilisée par les Frères musulmans. Leur extrémisme serait un islam modéré et apaisé face au sectarisme et à la violence des salafistes. Il ne faut donc pas prendre leurs mésententes occasionnelles comme des différences doctrinales profondes (leurs conférences communes régulières et soutiens réciproques en attestent). C'est uniquement sur les moyens et méthodes pour atteindre leur rêve que se trouvent leurs divergences.

La vision du long terme semble plus ou moins fonctionner. Les intégristes ont du mal à avancer face à une France déconfessionnalisée et profondément laïque. La France n'est pas la Turquie, et encore moins l’Égypte ou autres pays fortement imprégnés par le religieux. La loi de mars 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école est pour eux leur plus lourde défaite. C'est pour cela qu'elle est leur première cible pour les législatives.

Mais ils réussissent néanmoins, bon an mal an, à progresser. Des avancées facilitées par une partie de la société (politiques, associations, intellectuels, etc.) qui ne mesurent pas le danger en ne voyant en eux que la poudre aux yeux qui leur est lancée : "les musulmans" éternelles "victimes de l'oppression impérialiste d'un État raciste néocolonial très très méchant". Ce qui permet de faire accepter des revendications et attitudes totalement rejetées lorsqu'elles viennent des autres cultes.

La loi de mars 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école est leur première cible pour les législatives.

Cette vision du long terme, dont les graines ont été posées à partir des années 1980 et fortement irriguées dès les années 1990, voit aujourd'hui ses récoltes abondantes. Youssef Al-Qaradawi, l'UOIF et surtout Tariq Ramadan ont su semer comme il le fallait depuis plus de 25 ans. Le CCIF, les multiples centres "culturels", Oumma.com ou autre Lallab en sont les fruits les plus juteux. Ajouté à cela leurs partenaires comme les Indigènes de la République où des islamistes militent, des "journalistes" (militants) du Bondy Blog et bien d'autres encore ont élargi les bases de l'islamisme politique par le mélange entre racialisme, intersectionnalité et islamisme des Frères musulmans.

Mais un nouveau palier, donc, est franchi depuis quelques temps déjà et qui prend aujourd'hui la lumière : la constitution de nombre d'islamistes en partis politiques ou en candidatures individuelles. Le rêve de Tariq Ramadan, qui n'a eu de cesse de le recommander dans ses livres et prêches depuis tant d'années, se réalise peu à peu.

Que représentent ces partis religieux ? Quelle est leur stratégie et la menace qu'ils représentent pour notre pays ?

L'adhésion idéologique aux Frères musulmans

Nous entendons souvent l'expression "proche des Frères musulmans". Ce qui ne veut rien dire. D'ailleurs, il n'y a pas l'expression équivalente pour le salafisme "proche des salafistes". On est salafiste ou on ne l'est pas. On est donc Frère musulman ou on ne l'est pas.

A part une poignée de militants triée sur le volet qui prête discrètement serment devant des dignitaires fréristes, l'appartenance à la Confrérie n'est pas formelle. Elle est idéologique. Il n'y a pas de carte d'adhésion ni une organisation pyramidale dirigée depuis l’Égypte (pays d'origine de cette idéologie). Il existe bien des structures tel que le Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche. Mais là encore, aucune référence n'est officiellement faite à la confrérie. Il existe toutefois des exceptions. Le Hamas n'a jamais caché son appartenance. Cela s'explique par l'Histoire et les circonstances. Dans le préambule de sa charte, il cite une expression de "paix et d'amour" du fondateur des Frères musulmans (2) : "Israël existe et continuera à exister jusqu'à ce que l'islam l'abroge comme il a abrogé ce qui l'a précédé". L'imâm martyr Hasan al-Bannâ -que Dieu lui fasse miséricorde !-

Mais c'est son article 2 qui est le plus clair et le plus important : Le Mouvement de la Résistance Islamique est l'une des ailes des Frères musulmans en Palestine. Le Mouvement des Frères musulmans est un organisme mondial, le plus important des mouvements islamiques de l'époque moderne ; il se distingue par la profondeur de son mode de compréhension, la précision de son mode de représentation et l'universalisme parfait des concepts islamiques qui s'appliquent à l'ensemble des domaines de la vie, aux représentations et aux croyances, à la politique et à l'économie, à l'éducation et à la vie sociale, au judiciaire et à l'exécutif, à la mission et à l'enseignement, à l'art et à l'information, à ce qui est caché comme à ce qui est manifeste et à tous les autres domaines de la vie.

Cet article montre à la fois l'appartenance officielle du Hamas à la confrérie des Frères musulmans, mais aussi le cœur de la doctrine frériste, sa vision totalitaire du monde et son rêve de conquête.

Mais dans les pays non musulmans, la plupart des Frères préfèrent ne rien en dire. C'est le principe de la taqiya (concept permettant de dissimuler ses véritables intentions religieuses). L'intérêt est double : ne pas effrayer la société et faire passer leur radicalité comme étant le véritable islam, un islamiste frériste devenant ainsi un simple musulman. Le CCIF ou le parti politique "Français ET Musulmans" par exemple exploitent à fond ce principe. Les sujets de tension qui existent autour de l'intégrisme musulman sont ainsi brouillés. De nombreux musulmans maitrisant peu leur religion sont convaincus que l'interprétation frériste est l'islam véritable. Ils voient en Tariq Ramadan ou Hassan Iquioussen des maîtres à penser musulmans, pas des idéologues fréristes. Ils voient dans le CCIF une association "antiraciste" de défense des musulmans, pas des militants identitaires d'extrême droite ayant une vision raciste et totalitaire de l'islam. Ces musulmans relèvent donc de cette idéologie sans même le savoir. Considérer le voile comme une obligation religieuse, et non pas comme une interprétation intégriste, en est l'exemple le plus emblématique. Les femmes voilées sont qualifiées de "musulmanes" tout court. La lutte contre l'intégrisme, ainsi que la critique et la moquerie de l'islam, sont nommées "islamophobie". On y joint les actes et propos antimusulmans qui, eux, sont condamnables, pour apporter la couverture nécessaire à son acceptation. Le mélange entre une idéologie religieuse critiquable comme toutes les autres et les individus victimes de discrimination est un amalgame soigneusement entretenu et choyé par les islamistes avec le soutien des "idiots utiles". Car la notion de blasphème, réelle motivation de "l'islamophobie", est fortement ancrée et instrumentalisée. Encore une fois, les Frères veulent faire passer leur radicalité comme étant le véritable islam. S'attaquer à eux serait s'attaquer à l'ensemble des musulmans. Les critiquer serait donc des propos antimusulmans. Les musulmans formant une "race" et faisant partie d'un peuple supérieur, comme l'a bien expliqué à plusieurs reprises le directeur du CCIF Marwan Muhammad, alors critiquer les intégristes serait du racisme. CQFD. Voilà comment une idéologie raciste prétend officiellement lutter contre le racisme (3).

Ainsi, l'appartenance aux Frères musulmans n'est pas administrative ni organique. La conséquence est que cela permet aux militants de pouvoir nier leur appartenance lorsque cela est nécessaire, comme en France. Leur appartenance se manifeste par leur idéologie, leur vision littéraliste et mythifiée de l'islam. Un islam bien plus politique que spirituel. Ce qui n'est pas le cas des musulmans rationalistes/progressistes. Cette appartenance aux Frères musulmans se manifeste aussi à travers leur stratégie. La taqiya en est un des éléments de base. Les salafistes, eux, ne dissimulent pas grand-chose.

Sur le plan idéologique, leurs références théologiques sont claires. Youssef Al-Qaradhawi est un de leurs idéologues de référence, que l'ensemble des islamistes fréristes n'hésite jamais à citer et à louanger. Tariq Ramadan est de ceux-là, tout en étant également le prédicateur de référence pour les musulmans fréristes francophones. Lui-même fait souvent aussi l'éloge de son grand-père, Hassan Al-Banna, le co-fondateur de la confrérie. Hani Ramadan, prédicateur et frère de Tariq expulsé du territoire à cause de ses prêches radicaux, est aussi admiré par ces mêmes musulmans. Ils se sont d'ailleurs publiquement émus de cette expulsion.

Les musulmans progressistes rejettent la doctrine de Youssef Al-Qaradhawi et les discours de Tariq Ramadan, même si certains se laissent berner par son discours ambigu. Les musulmans progressistes sont d’ailleurs de farouches adversaires de Tariq Ramadan. Nombre de musulmans ont été soulagés, ou au moins indifférents, à l'expulsion de Hani Ramadan ou l'interdiction de territoire pour Youssef Al-Qaradhawi.

Les Frères musulmans rejettent la vision de l'islam des Lumières, que Marwan Muhammad nomme avec mépris "islam du réverbère". Ils n'adhèrent pas à l'islam d'Abdennour Bidar, Mohamed Talbi ou d'autres. Leurs citations doctrinales et rhétoriques sont uniquement issues de la confrérie et d'une partie du salafisme.

Les Frères musulmans rejettent la vision de l'islam des Lumières, que Marwan Muhammad nomme avec mépris "islam du réverbère".

Le sexisme du voile, arme politique des islamistes

Mais c'est le voile qui marque de façon flagrante l'adhésion ou non à l'extrémisme. Les musulmans rationalistes ne considèrent pas le voile comme étant une prescription religieuse, puisque cela relève uniquement du sexisme. La vision d'une femme potentiellement coupable d'exciter la libido masculine qui pourrait être contrôlée par la condamnation au voilement des femmes est purement intégriste. Aucun théologien, islamologue et intellectuel musulman progressiste n'est sur cette ligne, ni sur la ligne du "préserve ta pudeur et ne t’habille pas comme les femmes occidentales" pour justifier le voilement. En parcourant les sources, on s'aperçoit que seuls les théologiens et islamologues fréristes et salafistes prescrivent le port du voile (ainsi que d'autres courants islamistes minoritaires).

Le voile est le trait d'union entre l'idéologie et la stratégie, autre élément identificateur de l'appartenance à l'idéologie frériste. Leur islam est politique, identitaire et totalitaire. Le voile en est l'instrument, soutenu par l'arme de l'"islamophobie" pour tenter d'écarter toute opposition. Leur islam donne plus d'importance à l'apparence (uniformes, vocabulaire, attitudes) qu'à la spiritualité. L'intransigeance pour le port du voile le démontre encore (4).

En parcourant les sources, on s'aperçoit que seuls les théologiens et islamologues fréristes et salafistes prescrivent le port du voile.

Les musulmans rationalistes considèrent leur foi comme intime. Ils ne ressentent pas le besoin de l'afficher et encore moins de la faire déborder dans la sphère publique en menant des actions politiques en son nom. Un musulman rationaliste qui s'investit en politique ne le fait pas au nom de sa foi mais de sa citoyenneté. Car il estime faire partie d'une seule communauté : la Nation. Si sa foi est son guide dans l'intimité, les valeurs républicaines sont son phare dans la société.

Il n'y a rien de cela chez les Frères musulmans pour qui la citoyenneté est l'instrument politique de diffusion de leur islamité. Les actions et l'existence même du CCIF, les orientations de l'UOIF et l'apparition de candidats et partis politiques musulmans le démontrent.

Un autre critère les identifie : les éléments de langage. Des termes comme "juste milieu", "vivre ensemble", "injustice", "victime", "islamophobie", "éthique musulmane", etc. reviennent constamment. Ces termes ne sont pas utilisés du matin au soir par les musulmans rationalistes. Quand certains le sont, comme "vivre ensemble", ce n'est pas dans le sens détourné par les islamistes mais dans celui de l'universalisme.

Ces éléments de langage typiques des Frères (les salafistes ne sont pas aussi subtils) relèvent de leur stratégie de conquête politique. Un prosélytisme (qui est par définition de l'intégrisme) servi par la taqiya : ce qu'on montre à la société et ce qu'on est face à nos fidèles, la vitrine et l'arrière-cour. C'est fondamental chez les Frères musulmans. Je l'ai, là aussi, démontré dans mon article sur cette nouvelle extrême droite française.

C'est par l'ensemble de ces éléments que nous pouvons affirmer que les mouvements comme l'UOIF, le CCIF, Havre de Savoir et autres associations "culturelles", certains prédicateurs, les candidats "musulmans" aux élections et tant d'autres sont idéologiquement des Frères musulmans.

La participation aux élections est une étape importante dans leur rêve de conquête

Aujourd'hui, le salafisme et surtout l'islam des Frères musulmans sont bien ancrés en France. Les musulmans progressistes ont été abandonnés par une partie de la gauche qui préfère soutenir les intégristes. Ces derniers correspondent mieux à leur image de "victimes de l'impérialisme et du colonialisme". Avec cet ancrage solide dans les quartiers populaires, la densité de leur réseau sur internet et dans le monde réel, l'étape suivante coule de source : l'investissement en politique.

C'est à la lumière de ces éléments que nous pouvons mieux comprendre et appréhender l'apparition plus importante des islamistes aux élections législatives.

Qu'ils se présentent en indépendants ou sous la bannière d'un parti islamiste, leurs stratégies sont assez similaires : la lutte contre les discriminations et les inégalités. Ils abordent des thèmes généraux et classiques pouvant toucher tous les électeurs, avec une teinte de populisme. Chacun aurait donc pu rejoindre la multitude de partis classiques déjà existants qui proposent un peu les mêmes choses. Mais le cœur de leur campagne est bien le communautarisme sur base religieuse en utilisant la rhétorique habituelle : le "vivre ensemble", l'antiracisme, "l'islamophobie", etc. Ils utilisent encore et toujours les termes républicains pour les retourner contre la République. Ainsi, la laïcité serait bafouée (seuls les intégristes musulmans seraient les défenseurs de la vraie laïcité), la gauche et la droite laïques seraient racistes, il faudrait se plier aux revendications islamistes pour le "vivre (dans leur) ensemble", etc. Leurs programmes, comme leurs actions militantes, sont un discours teinté de gauche enveloppé dans une idéologie d'extrême droite. Les références religieuses sont d'ailleurs très peu présentes dans leurs professions de foi et sur leurs sites officiels. Pour la nouvelle extrême droite comme pour la traditionnelle, la dédiabolisation est un leitmotiv. Mais leurs partisans sont plus naturels. Leurs commentaires à forte connotation religieuse et aux formules en arabe sur les pages Facebook et comptes Twitter de ces candidats, qui leur répondent volontiers, nous ramènent à leur réalité doctrinale et leurs candidatures "areligieuses" (sic).

Samy Debah, fondateur et ex président du CCIF, est candidat à la députation dans le Val d'Oise

Parmi les candidats islamistes, certains se présentent en indépendants. C'est par exemple le cas de Samy Debah, fondateur et ex-président du CCIF. Si Marwan Muhammad est la figure médiatique de ce collectif, Samy Debah en était le vrai patron (il a démissionné le 1er mars 2017 pour se lancer en politique en tant que candidat aux législatives). Tout ce qui a été fait ou dit par le CCIF, de sa création à mars dernier, a été validé par son (ex)président. Militant acharné du sexisme au nom du religieux et de l'acceptation de l'islamisme politique, partenaire assumé de nombreux prédicateurs plus rigoristes et rétrogrades les uns que les autres, il est aujourd'hui candidat dans la 8ème circonscription du Val d’Oise (5). Mais, en fin politique frériste, il ne laisse rien transparaitre de son pédigrée dans sa campagne officielle. La vitrine est encore là pour cacher l'arrière-cour.

David Bizet, islamiste référent du CCIF en Alsace, est candidat dans le Haut-Rhin

Il y a aussi David Bizet, un islamiste référent du CCIF en Alsace. Il se présente comme "historien" avec pour bagage universitaire… une simple licence en Histoire. Pour avoir une idée du personnage, il avait donné un "cours d'Histoire" en mai dernier, dans la salle de conférence d'une mosquée de Vénissieux, sur "l'islam et les musulmans en France du Moyen-Age à nos jours ". Une conférence organisée par les islamistes turcs du Millî Görüs (6). Pour faire partie du public, les femmes, toutes voilées, étaient d'un côté et les hommes de l'autre, séparés par un long paravent. C'est pour la "pudeur" et la concentration. On ne sait jamais : la mixité, des cheveux visibles, un pull un peu trop près du corps, et le "cours d'Histoire" risque de susciter des érections et des fantasmes bien éloignés du sujet de la conférence. Ça se passe comme ça chez les islamistes.

David Bizet, candidat dans la 6ème circonscription du Haut-Rhin, législatives 2017.David Bizet, candidat dans la 6ème circonscription du Haut-Rhin.

Militant d'En Marche (si, si, c'est vrai…), il regrette de ne pas avoir reçu l'investiture dans la 3ème circonscription de Côte d’Or (7). Il se présente alors comme indépendant dans la 6ème circonscription du Haut-Rhin…. Ce qui est encore plus surprenant, c'est que LREM ne peut ignorer le pédigrée de cet adhérent.

Feiza Ben Mohamed est candidate dans les Alpes Maritimes

Feiza Ben Mohamed est une autre candidate sans étiquette. Elle est l'ancienne porte-parole et secrétaire générale de la Fédération des Musulmans du Sud. Elle déclare s'y être investie "dans la lutte contre l'islamophobie et les atteintes aux libertés de la communauté musulmane notamment à travers la triste polémique sur le burkini". Encore une fois, on fait passer les intégristes comme étant la "communauté musulmane" dans son ensemble et l'enfermement du burkini comme une "liberté" revendiquée par tous les musulmans. Comment ensuite s’étonner que des citoyens non musulmans aient peur de l’islam ? Prétendre à la fois vouloir lutter contre "l'islamophobie" tout en entretenant et développant la phobie de l'islam, c'est tout l'art des islamistes. Le Front National local a dû se régaler. Toutes ses citations figurent sur sa page officielle de campagne (8). Elle utilise donc, elle aussi, son islamité et son militantisme religieux comme arme politique. Comme défini plus haut, cela s'appelle l'islamisme. Cette militante islamiste et soutien indéfectible du CCIF (qu'elle qualifie sur son site officiel de campagne, sans plaisanter ni la moindre ironie, d'"association laïque") se présente dans la 5ème circonscription des Alpes Maritimes. D'ailleurs son suppléant Smail Jebali, toujours membre de la Fédération des Musulmans du Sud, est le porte-parole de l'antenne niçoise du CCIF.

Vouloir lutter contre "l'islamophobie" tout en entretenant et développant la phobie de l'islam, c'est tout l'art des islamistes.

Le féminisme de Feiza Ben Mohamed se limite à la "liberté de choisir" l'oppression et de défendre le port du burkini. En fait, elle ne cache pas son anti féminisme : Je n'adhère absolument pas à cette idéologie. (…) Je ne suis pas du tout féministe. Et d'ailleurs je pense aussi qu'il n'y a pas d'égalité homme-femme. (…) Chacun son rôle et chacun sa place, comme elle l'a si bien écrit dans un commentaire sur sa page Facebook…

Feiza Ben Mohamed soutient le patriarcat.

Au moins, on ne peut pas lui reprocher un manque de cohérence et de franchise : contrairement à d’autres, elle n’a pas défendu le burkini en se prétendant "féministe". En revanche, elle correspond tout à fait au "féminisme islamique" des intégristes. En cela, elle confirme parfaitement ce que j'avais expliqué dans un article précédent : les islamistes rejettent le terme "égalité" pour les rapports femme-homme. Ils préfèrent celui de "liberté". Quelles sont les déclarations, les discours, où Marwan Muhammad, Youssef Al-Qaradhawi, l'UOIF et autres dans lesquels ils parlent d'"égalité homme-femme" ? Il n'y en a aucun. Tariq Ramadan, que Feiza Ben Mohamed ne se cache pas d'apprécier, parle de "relation homme-femme selon les préceptes de l'islam", de "complémentarité dont l'islam permet à la femme de remplir son rôle selon ses caractéristiques physiques et psychiques qui lui sont propres". Un discours "ramadanien" de rejet de l'égalité des sexes au profit de la complémentarité islamiste au nom des différences biologiques. Argument habituel des intégristes de toutes les religions et machos de tout poil. Alors pourquoi préférer le terme de "liberté" ? Parce que l'égalité rejette la servitude. La liberté peut l'inclure. Ils préfèrent donc "liberté" et "complémentarité". Pour eux, une femme doit avoir la "liberté" de se voiler et de se baigner toute habillée malgré l'inconfort. Un inconfort et une "pudeur" dont les hommes de leur entourage sont évidemment dispensés. Après un conditionnement qui peut durer des années à travers des prêches, des conférences, des livres, des vidéos, des sites internet, des discussions tous plus culpabilisants les uns que les autres, ces musulmanes en viennent "librement" à "choisir" de cacher sous un voile leur corps honteux et sexuellement dangereux pour la libido des islamistes. C'est ce que propose le CCIF, dont le directeur n'a de cesse de rappeler ce qu'est une "bonne musulmane vertueuse qui a de la pudeur" (9). Ce que La Boétie appelait la "servitude volontaire" en politique, s'applique encore plus ici. L'égalité rendrait le voile caduque. La "liberté" lui laisse le champ libre. Feiza Ben Mohamed est l'illustration parfaite de ce que j'avais déjà démontré.

C'est peut-être pour cela qu'elle n'avait vu aucun problème à inviter Hani Ramadan pour une conférence à Nice organisée par la Fédération des Musulmans du Sud en avril 2016. Entre Frères musulmans, on se comprend.

Son respect de la République est tout aussi relatif. Lors du mariage de son frère à l'été 2016, elle n'hésita pas à emprunter l'écharpe tricolore de la statue de Marianne, installée dans la salle des mariages de la mairie, pour la porter. Un acte illégal puisque cela est réservé aux représentants officiels de la Nation dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. La porter en dehors de ce cadre est donc logiquement un délit : Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende le fait, par toute personne, publiquement et sans droit de porter un costume, un uniforme ou une décoration réglementés par l'autorité publique (Article 433-14 du code pénal). S'en est-elle souciée ? Que nenni. Elle a posé pour une photo avec ladite écharpe. Photo qu'elle a publiée sur son compte Facebook.

Feiza Ben Mohamed revet illégalement l'écharpe tricolore.

Il semble qu'elle ignorait que c'était interdit. Admettons. Ce qui, quand même, aurait pu lui effleurer l'esprit. La mairie a donc été dans son rôle en lui envoyant un courrier de rappel à la loi. Mais là encore nous retrouvons la victimisation et l'incroyable inversion des rôles, pur réflexe islamiste. Elle tweeta : Tte l'année,on accuse les musulmans de haïr la France.Et qd je poste une photo avec écharpe tricolore je reçois ça (photo de la lettre). A part les fachos, personne n'accuse les musulmans de haïr la France. Ce sont les intégristes musulmans qui sont pointés du doigt. Comme elle en fait partie et qu'elle considère sa radicalité comme étant le véritable islam, alors elle estime que ce sont "les musulmans" qui sont toujours visés. De plus, elle considère que ce rappel à la loi est fait, non pas parce qu'elle a commis une infraction, mais parce qu'elle est musulmane… Encore un acte "islamophobe" dont elle serait victime. "Islamophobie" qui se trouve évidemment en bonne place dans son programme pour les législatives.

Tweet de Feiza Ben Mohamed suite à son port illégal de l'écharpe tricolore.

La scène de l'écharpe est anecdotique. Mais elle est symboliquement révélatrice de son relativisme républicain. Elle est aussi une démonstration de sa perception victimaire, presque paranoïaque, typique chez les intégristes, de toute réaction s'opposant à ses dérapages.

Feiza Ben Mohamed a aussi une vision toute particulière de la liberté d'expression. Elle en a une définition islamiste, non pas républicaine. Elle rejoint évidemment le CCIF, l'UOIF et tout bon intégriste qui se respecte. Elle a eu l'occasion de le démontrer, comme sa réaction à un tweet d'Antoine De Caunes. La vedette télévisuelle est connue pour son humour (qu'on apprécie ou pas). Le 25 avril 2017, il réagit à un article du Parisien qui explique que des jihadistes ont été tués par des sangliers. Il tweet alors : "Allah est gland".

Tweet d'Antoine de Caunes

Antoine de Caunes a toujours été comme ça. Mais là, il parle d'Allah… Ignorant le totalitarisme et la violence des islamistes, il a eu la surprise en quelques minutes de recevoir des dizaines de réponses toutes plus insultantes et menaçantes les unes que les autres. C'était d'une grande violence.

Echantillon d'insultes et menaces reçues par Antoine de Caunes sur Twitter.

Feiza Ben Mohamed a suivi cela sur Twitter. A-t-elle condamné ces attaques contre la liberté d'expression ? Car Antoine De Caunes se moque d'une religion et de ses représentants intégristes. Ce qui est parfaitement légal dans un État de droit et démocratique. Et bien non, la candidate aux législatives ne les a pas condamnées. Elle n'a pas eu non plus le moindre mot concernant les insultes et menaces de mort envers Antoine De Caunes. Elle a simplement joué son rôle d'islamiste en se joignant aux attaques et se posant en censeur par un tweet cinglant : "Supprime. Loin d'être drôle".

Tweet de Feiza Ben Mohamed en réponse au trait d'humour d'Antoine de Caunes.

Comme tous les intégristes de toutes les religions, elle estime que c'est à elle de décider ce qui est drôle ou pas, l'humour passant par le filtre religieux. Si elle estime que ça ne l'est pas, alors elle lance une injonction à laquelle on devrait se plier. Évidemment, sa réaction est due au mot "Allah". Si Antoine De Caunes avait écrit "Marie", "Bouddha" ou "Zeus", elle n'aurait certainement pas réagi, tout comme aucun des "musulmans" ce soir-là. Comme à chaque action des islamistes, la fachosphère ne tarda pas à réagir. Les tweets de l'autre extrême droite, tout aussi haineux, mais envers les musulmans, ont explosé. Face à cette déferlante et aux menaces de mort, Antoine De Caunes a supprimé son tweet au bout de quelques heures. L'autocensure par le souvenir de Charlie Hebdo…Voilà comment, encore une fois, la nouvelle extrême droite entretient et développe l'extrême droite traditionnelle. Nul doute que, si elle est élue, elle saura porter à l'Assemblée Nationale, cœur de notre démocratie, sa vision des valeurs républicaines, et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire évoluer la loi dans le sens de son tweet.

Feiza Ben Mohamed a aussi une tendresse particulière pour le leader de l'extrême droite turque actuellement au pouvoir, Recep Tayyip Erdogan. Le chef de l'AKP glisse tous les jours un peu plus vers un régime autoritaire. Il ne s'en est jamais caché, fidèle à l'idéologie totalitaire des Frères musulmans dont son parti est la branche turque. Dans un discours daté de 1996, il considère que la démocratie n’est pas un but mais un moyen. Elle est comme un tramway duquel on descend une fois arrivé au terminus, c’est-à-dire une fois arrivé au pouvoir (10). Et c’est exactement ce qu’il fait. Il a gagné démocratiquement les élections par un populisme assumé et mené une politique accommodante durant quelques années pour consolider sa popularité. Puis, il s’est dévoilé : annihilation de toute opposition politique, neutralisation (parfois violente) des médias trop critiques, modification de la constitution turque pour consolider son pouvoir autoritaire, suppression progressive de la laïcité, développement de lois et favorisation de tout ce qui permet la radicalisation religieuse des esprits, etc. Bref, amener la Turquie vers un régime autoritaire et totalitaire, tel que l’idéologie des Frères musulmans l’a toujours préconisé. Ne pas fomenter un coup d’État pour accéder au pouvoir, mais se servir de la démocratie pour l’atteindre et mieux la supprimer ensuite. Un refus de la démocratie et une glorification de la violence religieuse pour la conquête du pouvoir qu'il formula ainsi en 1997 : les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants nos soldats.

Mais tout ceci n'est pas si grave pour Feiza Ben Mohamed. Ce ne sont que des détails. Ou bien seraient-ce des mensonges colportés par des médias français et des turcs "islamophobes" et pas gentils (les turcs laïques et démocrates) ? Elle admire cet homme. Elle a d'ailleurs craqué sur une photo de la propagande officielle de ce dictateur en herbe où on le voit souriant et serrant deux enfants d'Alep dans ses bras. Dites ce que vous voulez sur Erdogan mais ça, ça n'a pas de prix a-t-elle écrit en commentaire de cette photo sur Twitter. C'est trop mignon. On aurait dit une adolescente groupie de Justin Bieber.

Feiza Ben Mohamed est une grande admiratrice d'Erdogan.

Feiza Ben Mohamed n'est pas la seule à apprécier cet apprenti dictateur dont elle partage l'idéologie. L'ensemble des Frères musulmans français admire les Frères musulmans turcs. Certains, comme le CCIF, n'hésitent pas à travailler avec l'AKP. Mais les législatives leur permettent de franchir un nouveau cap avec une explosion de candidats et partis islamistes, dont un est directement inspiré de l'AKP, le Parti égalité et justice (PEJ). Mais d'autres comme l'Union des Démocrates Musulmans Français (UDMF) et "Français ET Musulmans" voient aussi le nombre de leurs candidats augmenter. C'est ce que j'aborderai dans la seconde et troisième partie de cet article.

Aucun de ces candidats n'a la moindre chance d'être élu. Mais leurs objectifs ne sont pas là. La clé est toujours plus de visibilité religieuse et la volonté d'un ancrage politique territorial pour toutes les échéances électorales futures. Ils préparent le terrain, posent les jalons, pour la génération suivante.

Législatives 2017, un défi pour l’islamisme politique, (2ème partie)

Législatives 2017, un défi pour l’islamisme politique, (3ème partie)

(1) "Islamisme radical", un terme erroné aux lourdes conséquences
(2) La Charte du mouvement de résistance islamique Hamas
(3) Le CCIF, fleuron de la nouvelle extrême droite française (2ème partie)
(4) Le sacrifice d'une finale pour des cheveux, l'intransigeance "religieuse" plutôt que le compromis républicain
(5) debah2017.fr
(6) Rencontre Universitaire 3 - Dimanche 14 Mai 2017 - Davud Bizet
(7) Journal de bord du 04/06/2017 : Pourquoi je suis un marcheur en colère
(8) feiza-benmohamed.fr-Qui suis-je ?
(9) La nudité pour un yaourt ou le voile pour la “pudeur” : la femme selon le CCIF
(10) Erdogan, l'ivresse du pouvoir, documentaire de Gilles Cayatte et Guillaume Perrier, ARTE GEIE et Alegria Productions, 2016.

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