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Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

dossiers - Islamisme politique - UDMF

Législatives 2022 : l'UDMF, le parti islamiste aux dents longues (2ème partie)

Par Naëm Bestandji . Publié le 08 Juin 2022 à 14h03

Lien vers la 1ère partie

Le parti islamiste UDMF (Union des Démocrates Musulmans Français) est issu de l'idéologie des Frères musulmans. Fidèle à la politique de ce mouvement, la victimisation est au coeur de sa stratégie. La prétention à représenter tous les musulmans pour les assigner à la frange radicale de l’islam est aussi un élément identificateur de l’islamisme. La récupération des valeurs de la République pour les détourner et les retourner contre la société en est un autre. Enfin, son utilisation du sexisme du voile comme arme politique parachève le tableau frériste de ce parti.

Le sexisme du voile, l'arme politique de l'islamisme

Pour rappel, les Frères musulmans ne sont pas dans une lutte frontale contre la République. Ils veulent au contraire l'investir pour la saper de l'intérieur. Le projet affiché est donc consensuel : la justice sociale, une école publique dotée de plus de moyens, des soignants mieux rémunérés, etc. Tout cela est l’enveloppe pour la pilule : la lutte contre "l’islamophobie", c’est-à-dire le blasphème, l’abrogation des "lois liberticides", celles de 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’école publique, de 2010 sur l’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public et celle de 2021 contre le "séparatisme". Le choix de l’affiche de campagne est en cohérence, bien loin du projet consensuel et "laïc" : une femme voilée. L'UDMF reste fidèle à la ligne politique de l’islamisme : le sexisme du voile est son outil et symbole par excellence. Pas besoin de parler. Le voile le fait pour nous, sois fière, ma sœur, de porter haut l’étendard de [notre interprétation de] l’islam, comme le martèlent des prédicateurs islamistes. L’UDMF met ces maximes en pratique.

Affiche sexiste de l'UDMF, législatives 2022Affiche politico-sexiste de l'UDMF pour la campagne des législatives 2022. Un classique de l'islamisme politique dont le sexisme du voile est le cheval de Troie politique. Un outil politique à la fois contre les musulmans, pour faire de l'intégrisme une norme et assigner toutes les musulmanes à la frange extrémiste de l'islam par le voilement ; et contre la société, au service de la stratégie victimaire : toute opposition à la discrimination sexiste du voile est accusée de discrimination. L'UDMF participe également à l'enracinement de l'image orientaliste et coloniale de la femme musulmane, forcément voilée, tout en prétendant vouloir lutter contre le "néocolonialisme" français d'aujourd'hui. Une fois le sexisme du voile visuellement installé, l'islamisme pourra alors déployer tout son package de revendications.

Le parti a lancé sa campagne pour les législatives de 2022 par une série d’un tweet par jour entre le 17 et le 23 septembre 2021 (partagés en partie sur sa page Facebook), intitulés "Pourquoi voter UDMF ?". Ce parti d'extrême droite musulmane (qui déclare être de centre-gauche pour brouiller les cartes) affirme vouloir défendre ses droits constitutionnels face aux dérives identitaires. Pour répondre par avance aux critiques portées contre lui, il affirme que c'est pas faire de l'islam politique !

Tweet de l'UDMF 1

Ainsi, un parti identitaire déclare défendre ses "droits constitutionnels" du sexisme du voilement des femmes et du recul de la laïcité contre les "dérives identitaires" des opposants à l’islamisme. Il prétend ne "pas faire de l’islam politique" tout en affichant l’image d’une musulmane voilée pour un parti politique dont le nom contient une adhésion religieuse. Nous sommes en pleine rhétorique d’inversion.

Fidèle à la stratégie victimaire afin de rallier les défenseurs des droits humains et infiltrer des mouvements de gauche, l’UDMF prétend vouloir lutter contre toutes formes de discriminations.

Tweet de l'UDMF 2

Le parti ne lutte évidemment pas contre l’homophobie, notamment celle qui sévit parmi les musulmans. Il ne lutte pas non plus contre les discriminations envers les athées d’origine maghrébine et/ou de culture musulmane. Il n’a jamais défendu les musulmans, réels ou supposés, qui subissent des pressions parce qu’ils ne pratiquent pas le ramadan. Il lutte encore moins contre les discriminations sexistes, lui qui défend le port et l’affichage de l’accessoire vestimentaire le plus sexiste et patriarcal de l’histoire de l’Humanité, le voile. Pour l’UDMF, "lutter contre toutes formes de discriminations" se réduit uniquement à la lutte contre "l’islamophobie". C’est-à-dire la lutte contre les atteintes à l’islam(isme) (le blasphème) assimilées à une hostilité envers les musulmans. En résumé, sa "lutte contre toutes formes de discriminations" est le paravent du rétablissement de l’Inquisition version islamiste.

Ce parti politico-religieux, qui transpire l’antilaïcité jusque dans son logo, se présente comme grand défenseur de la laïcité pour, là encore, dénoncer l’oppression des musulmans dans l’espace public. Ce mensonge vise à se servir de l’ensemble des musulmans comme bouclier politique pour une meilleure victimisation de sa frange extrémiste.

Tweet de l'UDMF 3

S’opposer à l’expansion de l’intégrisme musulman serait une "oppression de tous les musulmans dans l’espace public". Il vise aussi à émouvoir les musulmans et à créer un sentiment d’angoisse envers une société qui leur serait hostile, à susciter la peur pour favoriser le communautarisme.

L'UDMF rejoint les décoloniaux

Outre cette rhétorique d’inversion habituelle, l’UDMF surfe aujourd’hui sur la mode "décoloniale" pour les prochaines législatives. Le mouvement décolonial rassemble des militants d’extrême gauche non religieux et d’extrême droite musulmane pour une convergence des luttes. L’UDMF rejoint cette grande famille. En mai 2022, pour son "lancement des Législatives", il s’y enracine en citant nommément les Indigènes de la République : La gauche saucisson-pinard et athéiste n’a jamais calé dans son agenda politique les combats qui sont les nôtres et qui font de nous des indigènes de la république 2.0 (1). Cette référence aux indigènes de la république n’est pas anodine. Un mouvement du même nom lutte contre la République, contre la laïcité, contre l’universalisme et pour le communautarisme sur base ethnique et musulmane. Du point de vue de l’extrême droite musulmane, la référence populiste à "la gauche saucisson-pinard et athéiste" est censée être infamante.

L'UDMF appelle religieusement des États étrangers à faire pression sur la France

Le parti n’a pas froid aux yeux lorsqu’il s’agit de double discours. Loin d’être démocrate, laïc et de se sentir pleinement français, l’UDMF appelle les États du Moyen-Orient à exercer des pressions contre la France. Un appel lancé depuis la chaîne qatarie Al Jazeera par le président et fondateur du parti, Nagib Azergui, en décembre 2021. À cette date, il s’était déjà déclaré candidat à la présidentielle. Il exhorte les États arabo-musulman à exercer des pressions diplomatiques sur la France face au climat politique extrêmement hostile envers les français musulmans. Quelle serait cette hostilité ? Nagib Azergui évoque la dissolution de lieux de culte, d'ONG, d'écoles, de maisons d'édition, d’établissements ou de collectifs de la communauté musulmane. Autrement dit, des structures qui prônaient la haine, la discrimination des femmes, et le séparatisme pour beaucoup, motivées par leur radicalité religieuse. Pour le président de l’UDMF, ces structures ne sont pas extrémistes. Elles font simplement partie de "la communauté musulmane". L’ensemble des musulmans sert bien de bouclier politique aux islamistes. Nagib Azergui implore alors les chefs d’État musulmans de s’ingérer dans le système législatif et judiciaire français pour demander l’annulation pure et simple de la loi dite « séparatiste » et d’arrêter immédiatement la fermeture des mosquées. La conclusion de son appel à ces chefs d’État fait froid dans le dos : Depuis l’extérieur, vous avez ce pouvoir. Celui de rétablir le droit des musulmans à pouvoir se rassembler, à s’organiser, à apprendre ou à éditer librement leurs supports et cela sans aucune entrave. Nagib Azergui réclame une intervention économique et diplomatique d’États étrangers pour forcer la France à lever toutes les restrictions qui encadrent le libre exercice des cultes, plus précisément le libre exercice de l’islam. Il souhaite tout bonnement annihiler la loi de 1905 en demandant le soutien de pays musulmans.

L’UDMF assume pleinement cet appel à l’ingérence religieuse étrangère qu’il a publié sur son site (2).

Des candidats sulfureux à l’image du parti

Côté candidats, Khalid Bajjouj, coordinateur de l’UDMF en Bretagne, est un fidèle. Déjà candidat dans la 1ère circonscription du Loiret en 2017 (0,51% des voix), il retente sa chance en 2022 dans la 1ère circonscription d’Ille-et-Vilaine. Il fut adhérent du CCIF (3) (idéologiquement la branche juridique des Frères musulmans en France) jusqu’à sa dissolution.

Monia Bouguerra, chargée des relations internationales au sein de l'UDMF, est candidate dans la 7ème circonscription du Rhône. Elle fut militante à la CRI (Coordination Contre le Racisme et l'Islamophobie). Elle a représenté cette association lors de divers évènements, comme cette visioconférence en janvier 2021 qui avait pour titre "Islamophobie et criminalisation des musulmans et des ONG musulmanes en France" (3). Un titre tout en nuance, suite à la dissolution du CCIF et de BarakaCity. Comme toujours, on instrumentalise l’ensemble des musulmans pour défendre les islamistes qui en seraient les légitimes représentants et défenseurs. Toute opposition à l’avancée de leur idéologie totalitaire est déclarée être une injustice criminelle. Cette stratégie victimaire s’exprime lors de ce type de conférences. Celle-ci fut organisée par la fondation turque SETA, financée en grande partie par le gouvernement turc pour contribuer à la politique expansionniste de l’AKP. Ce parti d’Erdogan est la branche turque de l’idéologie des Frères musulmans, fortement teintée de nationalisme. Ibrahim Kalin, le fondateur de la SETA, est d’ailleurs à présent le porte-parole du président turc. En 2018, cette fondation avait élaboré le rapport sur "l’islamophobie" de la Commission européenne. Un rapport fortement contesté pour son manque volontaire de rigueur scientifique au profit d’une rigueur militante afin de victimiser un maximum.

La présence de Monia Bouguerra à cette visioconférence est naturelle. Être militante et représentante de la CRI, comme elle le fut, n’est pas anodin. Cette coordination islamiste, concurrente du CCIF, était particulièrement virulente voire violente dans ses propos. Son président qui fut fiché S, Abdelaziz Chaambi, avait déclaré à plusieurs reprises son soutien au Hezbollah (mouvement politique et paramilitaire djihadiste des intégristes chiites) et au Hamas (5). Dans son fanatisme religieux, il était également allé jusqu'à se faire le relais de la communication du "Jihad islamique en Palestine", mouvement où tout est dit dans son appellation lorsque nous observons ses actions. Les appels de la CRI à la discrimination, à la haine et à la violence furent récompensés par sa dissolution par le gouvernement en octobre 2021.

Lors des législatives de 2017, les six candidats présentés par l'UDMF avaient obtenu en moyenne 0,98% des voix en métropole. L'un d'entre eux avait atteint 2,06%. C’est à Mayotte que le parti réalisa son plus gros score avec 5,1 % des suffrages. Avec près d’une centaine de binômes répartis sur le territoire national pour les élections législatives de 2022, jamais un parti islamiste n’avait présenté autant de candidats en France. Son score restera faible, même s'il est possible qu'il améliore celui de 2017. Mais sa montée en puissance à chaque élection et tout ce que je révèle pointent le danger de l'islamisme politique qu'il symbolise et représente. Cette concurrence à la NUPES, qui assimile aussi les islamistes à l’ensemble des musulmans pour également miser sur le vote religieux communautaire, sera-t-elle payante ?

Lien vers la 1ère partie

(1) Lancement des Législatives
(2) Appel auprès des Etats du Moyen-Orient, communiqué de presse de l'UDMF
(3) Législatives à Rennes. Khalid Bajjouj, candidat pour l’Union des démocrates musulmans français
(4) Islamophobia and Criminalization of Muslims and Muslim NGOs in France
(5) La Coordination contre le racisme et l'islamophobie a été dissoute

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