Polygamie, misogynie, restrictions des droits et libertés des femmes, validation du viol conjugal, meurtre des apostats et des homosexuels sont quelques exemples des « valeurs islamiques » revendiquées par Mohamed Nadhir (cf. les parties précédentes). Ces valeurs sont si précieuses à ses yeux qu’il prône un prosélytisme actif par une pratique ostentatoire de l’islam. Le sexisme du voile, avilissement des femmes transformé en fierté identitaire, sert d’étendard. Face à toute opposition dans les pays où les musulmans sont minoritaires, l’islamisme opte pour la meilleure des stratégies : la victimisation. Si le voile en est l’outil matériel, la sémantique en est la sève. Le terme « islamophobie » en est l’ingrédient principal.
L'islamophobie est, comme la sémantique l’indique, la peur de l'islam. L'exprimer, critiquer, déclarer ne pas aimer cette religion, la caricaturer ou s'en moquer relèvent de la liberté d'expression, tout comme l'islamophilie. Or, pour les islamistes, et leurs soutiens, seule l'islamophilie aurait droit de cité. Pour les partisans de la lutte contre l’« islamophobie », l'islam devrait avoir un statut particulier, un privilège d'intouchabilité. Tout obstacle à l'expression de cette religion, même à ses dérives, serait de « l'islamophobie » à combattre.
Pour faire passer la pilule, ils ambitionnent de fusionner une idéologie religieuse avec des individus pour ne plus distinguer l’offense à une religion de l’hostilité contre des personnes en raison de leurs croyances. Ils instrumentalisent la seconde pour tenter d’interdire la première. Pour s’en défendre, ils affirment n’avoir aucun problème avec la critique de l’islam… sauf quand on le critique. De plus, ces mêmes partisans considèrent l’islamisme comme l’islam tout court, et les islamistes comme de simples pieux musulmans opprimés. Ainsi, toute critique de l’extrémisme musulman est considérée être une critique contre l’islam donc contre tous les musulmans. D’ailleurs, dans les pays musulmans, le terme « islamophobie » n’existe pas. Seul son synonyme est utilisé : offense à l’islam.
Le concept « islamophobie » va encore plus loin puisqu’il vise à faire de l’offense à cette religion une forme de racisme. On transforme l'islam en race, génétiquement incluse en chaque musulman « de naissance ». Le musulman, fidèle d'une religion censée être choisie, devient le Musulman, membre assigné à un peuple imaginaire. La liberté de conscience devient caduque. Dit autrement, exprimer sa crainte ou son rejet de l’islam (ou de l’islamisme), ou même encadrer l’expression de cette religion à égalité avec toutes les autres croyances serait s'en prendre à une ethnie (les Musulmans). Cela crée, de fait, une notion de blasphème spécifique à cette religion. C'est ce que souhaite l'islamisme pour tenter de faire taire toute opposition.
Mohamed Nadhir se gargarise alors naturellement de ce terme qui sert parfaitement à la fois son prosélytisme et sa victimisation (l’un entretient l’autre). Il dénonce l’expression « actes antimusulmans », trop réductrice selon lui. Elle serait « la construction des personnes gangrénées par « l’islamophobie » ». Car, contrairement à « actes antimusulmans », « islamophobie » intègre le blasphème. La Charte des imams de France (publiée en 2021) se veut en adéquation avec les droits humains et les valeurs de la République. Elle n’emploie donc pas le terme « islamophobie » mais « actes antimusulmans ». L’attaque de Mohamed Nadhir contre cette charte est virulente (cf. partie 2 de cette série d’articles). Cet extrémiste est, par exemple, choqué que cette charte dénonce le sort mortifère destiné à celles et ceux qui exercent leur liberté de conscience en quittant l’islam. Pour ce prêcheur, la peine de mort pour apostasie est un « concept islamique » respectable à ne pas remettre en question, à partir du moment où cela ne « mène pas à ce qu’un individu fasse couler le sang injustement ». Il y aurait ainsi des cas où verser le sang serait « juste ». Il considère également que s’opposer au voilement des fillettes, donc à la sexualisation et à la violence envers les petites filles, serait faire preuve « d’oppression » et de « tyrannie ».
Trois semaines après l’assassinat de Samuel Paty et suite à l’une de ses conséquences (le processus de dissolution du CCIF, qui sera effective trois semaines plus tard), Mohamed Nadhir s’exprime dans une vidéo mise en ligne. Il reprend les éléments de langage victimaire du CCIF : « climat oppressant, violent », « injustices », « mesures d’exception », « cibler les musulmans ».
Comme tous les islamistes, Mohamed Nadhir assigne tous les musulmans à la frange extrémiste de l’islam. Ainsi, cibler les islamistes serait s’en prendre à « la communauté musulmane ». Il considère également que traiter les musulmans à égalité avec tous les autres citoyens, donc ne pas accepter de demandes de privilèges en raison de la supériorité supposée de l’islam, serait des « mesures d’exception ». J’ai nommé cela la rhétorique d’inversion, un classique de l’islamisme politique. Tout cela compte parmi les fondements de la stratégie victimaire. Si le CCIF pouvait faire illusion, la reprise de ses éléments de langage par Mohamed Nadhir sonne faux. Comment peut-il regretter que le musulman soit « un citoyen de seconde zone » alors qu’il n’a jamais reconnu les musulmans comme citoyens mais uniquement comme membres de l’Oumma ? Ses prêches en vidéo ne reconnaissent pas le mariage civil, rejettent les « valeurs occidentales », la civilité comme la mixité, la démocratie, valorisent l’infériorisation des femmes, visent l’affirmation identitaire de l’islam et la négation de la citoyenneté.
Face aux critiques et au rejet de sa radicalité, qu’il considère comme une « injustice » et un « ciblage des musulmans », propose-t-il de s’adapter au XXIe siècle et à la société française ? Évidemment, non. C’est même le contraire. Il insiste pour « renforcer son identité islamique et son idéologie musulmane » par « une pratique décomplexée ». Ici, le rôle du sexisme du voile est fondamental. Il est au cœur de la stratégie prosélyte, victimaire et politique de l’islamisme. Cela lui permet d’installer une atmosphère anxiogène chez les musulmans qui seraient, clame-t-il, « assiégés ».
Tous les musulmans ne pensent évidemment pas comme lui. Mohamed Nadhir considère son interprétation extrémiste de l’islam comme l’islam tout court. Il est si fanatisé, qu’il ne réalise pas à quel point sa normalisation du séparatisme, du patriarcat et de la misogynie (« le voile, ne pas serrer la main, éviter la mixité ») est choquante. Pour lui, encadrer sa pratique religieuse et le sexisme du voilement des femmes c’est « tout abandonner au profit d'une assimilation, au profit d’un asservissement, au profit de courber l’échine et de faire de l’à-plat-ventrisme ». Ce prêcheur combat l’assimilation de citoyens Français musulmans à la société française. Il considère cette assimilation comme une offense à l’islam (« islamophobe »). Pour lui, seule compte l’assimilation à (son interprétation de) l’islam. C’est le séparatisme.
Mohamed Nadhir combat l’assimilation de citoyens Français musulmans à la société française.
La stratégie victimaire intervient encore ici, où toute la foi musulmane serait « ciblée », renforcée par l’usage de mots comme « oppression », « violente » pour susciter l’émoi. Dans une autre vidéo, il appelle alors à la résistance : « À toute oppression il y a la résistance qui lui fait face afin de lutter contre l’injustice et de défendre ses droits. »
(vidéo)
Les droits en question ne sont pas ceux de la République mais d’Allah. Cet appel à la résistance suppose des armes pour résister : le sexisme du voile pour les musulmanes et la pratique ostentatoire pour les deux sexes. Pour légitimer la défense de ces droits, les islamistes jouent donc sur la victimisation. Mais il bascule aussi dans le suprématisme, notamment en s’appuyant sur un verset coranique (sourate 3 verset 110). Ce verset affirme la supériorité des musulmans sur le reste du monde et leur droit à « ordonner le bien et à interdire le blâmable ».
Selon les islamistes, les « musulmans » seraient persécutés en France et ailleurs parce qu’ils détiendraient « LA vérité ». Cette façon de passer de la victimisation au suprématisme, ce sentiment d’être la communauté supérieure (qui rappelle celui du nazisme), cette prétention à décider ce qui est bien et mal pour toute la société, sont exactement les mêmes ressorts utilisés par le CCIF.
Aussi choquants que puissent être ses prêches et vidéos, Mohamed Nadhir n’est pas une exception. Chez les islamistes, il est la norme. Sa seule différence est son franc-parler, sans filtre pour le grand public. Son audience est conséquente. Il s’intègre dans une nébuleuse qui compte des dizaines de prêcheurs francophones tels que lui, des milliers dans toutes les langues. Leur influence est si grande qu’ils donnent le « la » théologique à l’ensemble de l’islam. Pire encore, grâce à la stratégie victimaire, ils réussissent à convaincre des musulmans et des non-musulmans que leur refuser des privilèges serait une injuste discrimination. Comme tous les autres radicaux, Mohamed Nadhir souhaite que les musulmans soient des citoyens à part, mais pas des citoyens de seconde zone. Il les considère comme des êtres supérieurs.
Les premières cibles et victimes de l’islamisme sont les femmes. Les islamistes sont bien plus obsédés par le sexe que par la religion. Machos jusqu’aux tréfonds de leur âme, ils considèrent que seul le patriarcat peut apaiser leur libido. Leur obsession sexuelle et leur machisme sont si prononcés qu’ils ont fait du sexisme du voile leur étendard identitaire et politique.
Par ce long travail de recherches et d’analyses, mes dix articles consacrés à Mohamed Nadhir démontrent une nouvelle fois que la plus grande menace n’est pas l’islamisme djihadiste. C’est l’islamisme politique.