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Les islamistes observent, analysent et décident tout par le prisme de la religion, y compris la vie en société et le rôle du citoyen. La citoyenneté n’a aucune valeur à leurs yeux. Une partie d’entre eux, essentiellement salafiste, la rejette frontalement. D’autres, essentiellement des Frères musulmans, l’utilisent comme un moyen pour faire avancer leur idéologie. Pour tous, seule compte l’oumma (communauté musulmane supranationale). Idem pour la démocratie : les uns la rejettent totalement, les autres l’instrumentalisent dans l’espoir d’aboutir un jour à un régime islamique totalitaire ou, au moins, à créer des espaces et situations où seule prime leur radicalité au détriment des citoyens qui les côtoient.
Mohamed Nadhir rejette la démocratie…
Mohamed Nadhir s’inscrit dans ce modèle. La démocratie ne trouve pas grâce à ses yeux. Selon lui, « c'est un système qui a été fait en lui-même pour nous barrer la route, pour nous empêcher d'installer quoi que ce soit », autrement dit d’installer la charia dont l’inspiration reste inchangée depuis 1400 ans. Il pousse alors les musulmans au rejet de la démocratie. « Le musulman s’écarte de ce domaine-là », car le suffrage universel « ne va jamais au grand jamais laisser la justice, en laquelle, nous, nous croyons, s'installer. » Une justice divine, inégalitaire, raciste, homophobe et misogyne dont les hommes islamistes seraient les transmetteurs.
« [La démocratie] est un système qui a été fait en lui-même pour nous barrer la route, pour nous empêcher d'installer quoi que ce soit ».
Le seul aspect de la démocratie qu’il consent à accepter est le vote au niveau local, « s’il y a un intérêt réel qui va faire contrebalancer la chose. » « S’il peut y avoir un impact direct sur des effets directs, peut-être… et encore ». De nombreux islamistes l’expriment, de façon encore plus convaincue, dont Hassan Iquioussen qui n’a cessé de militer pour influer sur les élections et politiques locales. Quelques mises en pratique concrètes sont, par exemple, les actions burqini dans les piscines municipales de Grenoble ou les appels du CCIE (ex CCIF) à inciter les musulmanes voilées à devenir déléguées des parents d’élèves pour infiltrer les écoles et les faire plier (le sexisme du voile est leur outil et cheval de Troie).
La démocratie est un système de gouvernement dont la souveraineté appartient au peuple. Il choisit ses représentants à travers des élections libres. La liberté d’expression et le droit de vote permettent à chacun de s’exprimer sur les affaires de la cité. Cela ne plaît pas du tout à Mohamed Nadhir : « ce n'est pas tout le monde qui mérite la parole. » Pour lui, « le fait de donner à chacun la parole pour s'exprimer sur les affaires de la cité, même au dernier des poivrots, à la dernière personne qui ne comprend rien à la gestion de la cité, lui donner la parole pour s'exprimer sur l'affaire de la Oumma » est intolérable. Il affirme alors que la démocratie est un « non-sens ». Il rajoute : « La démocratie n'est pas un système auquel nous croyons parce que nous ne croyons pas que chacun peut s'exprimer sur les affaires de l'État. En islam, c'est réservé [aux] gens de la magistrature. Les gens qui ont un certain niveau pour s'exprimer sur les affaires de l'État, qui ont un certain niveau de connaissances, qui ont un certain niveau de savoirs. » Il s’agit bien sûr de « savoirs » compatibles avec la charia (ensemble des lois islamiques codifiant tous les droits et devoirs).
Les islamistes n'aiment pas la démocratie ni les « valeurs occidentales » au sens large. Mais ils adorent profiter de ce qu'elles leur offrent, comme la liberté d'expression et les technologies qui leur permettent de l'exercer. Ce prédicateur pousse au communautarisme, voire au séparatisme, dans nombre de ses vidéos. Elles sont diffusées, partagées et repartagées sur toutes les plateformes existantes. Les jeunes constituent une large part de son audience.
Mohamed Nadhir rejette la démocratie sans pour autant être partisan d’une dictature absolue. Il est pour un « entre deux ». Dit autrement, il est contre la souveraineté du peuple et pour une oligarchie religieuse afin de servir la charia.
… au profit de la charia
« Les châtiments corporels, la condamnation de la déviance morale, l’homosexualité, l’adultère etc, c’est le fondement même du droit que chaque musulman doit accepter. » Telles sont les exemples donnés par Mohamed Nadhir pour présenter la charia, sur la page Facebook « Mohamed Nadhir DinulQayyima ».
Concernant l’homosexualité par exemple, il précise sur le compte Twitter de Din-ul-Qayyima ce qu’est le « droit que chaque musulman doit accepter » : « l'homosexualité est strictement interdite en Islam, considérée comme un immense péché et une abomination à l'unanimité des savants, et que considérer qu'elle est autorisée ou que c'est une « belle chose » fait sortir de l'islam. »
Dans un autre tweet, son homophobie exacerbée, validée par tous les islamistes de la planète, l’amène à la validation de l’extrême : « L'homosexualité est un odieux grand péché qui mérite selon la majorité des savants la peine capitale (mêmes conditions que l'adultère) », c’est-à-dire la peine de mort.
L'homosexualité « est un péché qui mérite la peine de mort ».
Mohamed Nadhir
Sur sa page Facebook en juillet 2018, il pousse la précision encore plus loin en indiquant la façon dont il faut tuer les homosexuels : « les amener sur un point culminant et les jeter [dans le vide] ». Son propos est une réponse au commentaire choqué d’un musulman : « Quand j'entends qu'il faut les amener au point culminant de la ville et les jeter dans le vide ! lol ! ... je n'ai pas le même dine [religiosité islamique] je crois ». Mohamed Nadhir s’offusque et réclame « un peu de respect ». Non pas pour les gays menacés d’être jetés dans le vide, mais pour « l’avis du compagnon » du Prophète qui a émis cette sentence… Il réaffirme alors à nouveau « Et oui, c’est un péché qui mérite la peine de mort chez la majorité des savants » (1).
Voilà ce que Mohamed Nadhir souhaite voir primer chez les musulmans.
Il est si friand de ce type de « juste mesure », qu’il défend bec et ongle la charia instaurée au sultanat de Brunei moins d’un an plus tard (entrée en vigueur le 3 avril 2019). En effet, face à la bronca occidentale, il laisse éclater sa colère dès le 4 avril : « Si Brunei applique la Charia sur laquelle sont d’accord toutes les sources de droit musulman (donc applique l’Islam, pour paraphraser), et que l’Occident, notamment la France, considère cela comme une dérive, une législation « barbare, cruelle, inhumaine, archaïque » qui mérite des sanctions politiques et un boycott généralisé, pourrons-nous dire que c’est l’Islam que la France condamne et qualifie comme tel ? Et qu’ainsi, l’Occident n’acceptera l’Islam que lorsque ce ne sera plus l’Islam ? Qu’il n’acceptera les musulmans que lorsqu’ils ne sont plus musulmans ? […] Si le sultanat de Brunei est pris pour cible, c’est l’Islam, et donc tous les musulmans qui sont pris pour cibles, et si on appelle à le rejeter et à le bannir, c’est toute la communauté musulmane dans son ensemble qu’il faut rejeter. » (2)
Cette volonté d’inclure de force tous les musulmans dans sa vision moyenâgeuse et radicale de l’islam, pour se servir d’eux comme bouclier politique, est un classique de l’islamisme. Si des musulmans progressistes osent s’y opposer, il les disqualifie d’emblée : « Ah, et l’Islam modéré qui rejetterait ces pratiques n’existe pas : ce n’est plus l’Islam tout simplement. »
Se servir de l'ensemble des musulmans comme bouclier politique est un classique de l’islamisme.
En cohérence, Mohamed Nadhir est farouchement opposé à la Charte des imams de France. Publié en janvier 2021, elle expose des principes adoptée par le CFCM qui affirme la « compatibilité » de l'islam avec la République et rejette les « courants extrémistes ». Le prédicateur dresse alors en exemple la question de l’apostasie (le reniement de sa religion et/ou de sa foi), c’est-à-dire l’exercice de la liberté de conscience protégée par la République. En effet, la charte précise que « les signataires s’engagent à ne pas criminaliser un renoncement à l’islam, ni à le qualifier « d’apostasie », encore moins de stigmatiser ou d’appeler, de manière directe ou indirecte, à attenter à l’intégrité physique ou morale de celles ou de ceux qui renoncent à une religion ». Or, pour Mohamed Nadhir, l’apostasie doit rester punissable. Toutefois, toujours selon lui, cela « ne doit évidemment pas mener à ce qu’un individu fasse couler le sang injustement. » Il y aurait donc des situations où faire couler le sang des apostats serait juste… Il ne sort pas cette idée sanguinaire de son esprit. En tant qu’intégriste, il applique simplement à la lettre ce que lui dicte son interprétation littéraliste et radicale de l’islam. Son « concept islamique » codifie la peine de mort en cas d’apostasie. Le renoncement à ce concept, inscrit dans la Charte, le révolte.
Les crimes et délits sexuels jugés par la charia, en France
Concernant l’inceste, les viols et les agressions sexuelles, là encore il opte pour l’application de la charia en France. Si un musulman est témoin de ce genre de crimes et délits, il ne préconise pas d’intervenir immédiatement en appelant la police. Il recommande d’agir seulement en cas de récidive et, de plus, sans contacter les services de l’État et/ou territoriaux (police, justice, services sociaux) : « vous devez nécessairement contacter les personnes qui sont aptes à gérer la situation si vous savez que le danger peut se répéter ou si vous savez que la personne peut sévir à nouveau. Donc, vous devez contacter les personnes qui sont aptes à cela. […] Quand je parle des personnes qui vont être sollicitées, c'est des personnes dans votre localité qui peuvent agir contre cet individu et l'empêcher de sévir. »
Il prend bien soin d’éviter de prononcer « police » par exemple, pour laisser planer le doute : ces personnes « aptes » sont-elles de la police, de la justice républicaine ou des représentants religieux en dehors de tout cadre légal ? Sa vision séparatiste s’inscrit aussi dans le domaine de la gestion des crimes et délits. Enfin, qu’entend-il par « agir contre cet individu et l'empêcher de sévir » ?
À aucun moment il ne parle non plus des tribunaux et des procès laïques dont il ne reconnait pas l’autorité. Selon lui, un coupable peut être absout si un religieux juge son repentir acceptable : « Maintenant, si jamais cette personne-là atteste qu'elle s'est repentie, elle verra cela avec celui qui aura le jugement du qath'i [interprétation sûre du Coran] et qui verra si son repentir est acceptable ou pas. »
Après avoir exposé sa justice parallèle, il rajoute qu’un crime sexuel « peut aller jusqu'à mériter la peine de mort dans la législation islamique. […] Ça c'est du point de vue islamique. Après, du point de vue du droit, je ne sais pas. »
Pour ne pas tomber sous le coup de la loi (républicaine), Mohamed Nadhir laisse planer le doute sur la supériorité ou non de la charia sur les lois de la République. Toutefois, son parti pris est si prononcé qu’il laisse peu d’incertitude sur la primauté des lois islamiques sur celles de la République. Cela lui permet de laisser libre cours à ses désirs patriarcaux, là où la floraison de sa misogynie s’épanouit avec grâce et volupté. Nous verrons cela dans la prochaine partie.
(1) Publication Facebook et commentaires de Mohamed Nadhir sur l'homosexualité
(2) Publication Facebook de Mohamed Nadhir sur la charia à Brunei