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Patriarcat : « Forme de famille fondée sur la parenté par les mâles et l'autorité prépondérante du père. » (Le Robert)
« Forme d'organisation sociale dans laquelle l'homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme. » (Larousse)
Le patriarcat est une des organisations sociales inégalitaires et discriminantes les plus anciennes de l’histoire. Cela s’explique, entre autres, par le soutien d’une large partie de ses victimes (les femmes). Dans les cultures patriarcales, les mères ont en charge l’éducation des enfants. Elles sont les premiers maillons de la transmission de ce système. Elles inculquent les valeurs de leur propre oppression en culpabilisant et en effrayant leurs filles tout en valorisant, ou au moins en déresponsabilisant, leurs garçons. Pour paraphraser Simone de Beauvoir : on ne naît pas macho, on le devient. Certaines éduquent ainsi leurs enfants par conviction. D’autres le font par résignation. Se fondre dans le moule, plutôt que de se rebeller contre un modèle ancré et considéré comme immuable, est compréhensible.
Il fallait se libérer de la camisole de l’Église pour que des femmes puissent lever le poing. Le recul du poids ecclésiastique, l’émancipation des consciences par le recours à la raison plutôt que l’obéissance aveugle à la religion, puis l’école laïque et obligatoire ont favorisé l’émergence du féminisme. Des femmes ont pu s’extraire de leur condition pour aller étudier, développer leur esprit critique et lutter pour leurs droits.
Mais la perversité du patriarcat, l’implantation de ce système si ancien qu’il laisse croire à une origine naturelle, peut amener celles qui en sont imprégnées à présenter certains de ses aspects comme une forme de féminisme. L’endoctrinement et l’aliénation donnent l’illusion d’un « libre choix ». C’est la servitude volontaire. C’est exactement le cas pour le sexisme du voile concernant l’islamisme, où la « pudeur » misogyne (créée par des hommes pour dicter aux musulmanes comment « bien » se vêtir) est revendiquée par nombre de musulmanes. Ce sexisme est soutenu par les « intersectionnelles ». Preuve que le patriarcat est toujours enraciné dans nos sociétés. La religion aggrave le phénomène. Elle est le reflet de la culture de l’époque et du lieu où elle a été créée. Elle agit comme une photo prise sur le vif et religieusement conservée comme modèle à perpétuer pour l’éternité. Les cultures évoluent. Les religions ont bien plus de mal.
L’endoctrinement et l’aliénation donnent l’illusion d’un « libre choix ». C’est la servitude volontaire.
En résumé, des hommes sont les gardiens de ce système inégalitaire et raciste qui les favorise (car il discrimine la moitié de l’humanité sur des critères biologiques). Des femmes en sont les transmetteurs. Pour contraindre « librement » ces dernières, les islamistes usent de la carotte et du bâton, ainsi que de la rhétorique d’inversion. L’islam en est la justification. Mohamed Nadhir en fait une brillante démonstration. Il a peu de mérite. Il s’inscrit dans la lignée de ses collègues contemporains et des prêcheurs qui l’ont précédé, en s’appuyant sur les mêmes textes religieux transmis depuis près de 1400 ans. La différence avec ses collègues islamistes actuels est qu’il assume pleinement, et même revendique franchement, le patriarcat de son idéologie. L’analyse de son discours permet de comprendre le « raisonnement » de l’islamisme en général. Comment s’y prend-il concrètement pour défendre l’indéfendable ?
Les islamistes commencent toujours par le même mensonge : le patriarcat serait égalitaire ou, à défaut, équitable. Mohamed Nadhir l’exprime ainsi : « Allah a placé la juste mesure entre les deux époux, dans le couple, afin que chacun puisse profiter de ses droits et doit faire en sorte de pratiquer ses devoirs. Et à partir du moment où on enlève une chose d'un des deux éléments, la balance se dérègle et c'est logique. Et la femme se sent lésée. »
Cette généralité a pour but d’endormir la vigilance intellectuelle, avant d’entrer dans les détails qui, eux, sont bien moins reluisants. Mais déjà ici, nous constatons un relief douteux en précisant que la femme pourrait se sentir lésée. Pourquoi préciser cela pour la femme ? L’homme ne pourrait pas se sentir également lésé si « la balance se dérègle » ? Mohamed Nadhir sait que le patriarcat est problématique pour les femmes. Il tente déjà de désamorcer les réactions négatives quand il entrera dans le vif du sujet. Pour faire passer la pilule des détails de « la juste mesure entre les deux époux », les prédicateurs y joignent toujours une bonne dose de religion afin d’ôter toute hésitation aux femmes, car quelle croyante oserait s’opposer à Dieu lui-même ? Mohamed Nadhir le formule ainsi : « à travers l’obéissance que la femme a vis-à-vis de son mari, elle obéit en vérité à Allah. Et à travers les droits que l'époux donne à son épouse, il obéit à Allah. Donc il y a cet équilibre qui doit être gardé. » Là, nous entamons l’immersion dans le cloaque du patriarcat.
Le recours à son Dieu est bien pratique. Il se réfugie derrière une parole supposée divine pour faire plier un maximum de musulmanes (les alliés des islamistes nomment cet endoctrinement le « libre choix »).
La femme doit donc obéissance à son mari. Pour détourner cette soumission à l’homme et la rendre moins avilissante, le prêcheur précise qu’en l’acceptant, la femme est en réalité soumise à Dieu (nous retrouvons le même argument pour le sexisme du voile). La femme doit obéissance à son mari par la grâce de Dieu. L’homme, quant à lui, doit-il obéissance à sa femme pour aussi obéir à Dieu ? Pas du tout. Pour satisfaire Dieu, il doit… accorder des droits à son épouse. L’obéissance de la femme à son mari et les droits que ce dernier lui accorde seraient une forme d’équilibre. Cela permet de maintenir debout ce système inégalitaire. Mais sur le plan des droits humains, la balance penche tellement du côté de l’homme qu’elle tombe à terre. C’est ce que les islamistes nomment « l’équilibre », « l’équité » ou « la complémentarité » et ferait de la femme « une reine en islam ».
L’obéissance de la femme à son mari et les droits que ce dernier lui accorde seraient une forme d’équilibre.
Quels sont ces droits si magnanimement donnés à l’épouse par son époux ? Ils sont de « la nourrir convenablement, de la vêtir convenablement, de la loger convenablement », comme une enfant. Des droits cohérents puisque les islamistes considèrent les femmes comme d’éternelles mineures. D’ailleurs, la comparaison avec les enfants est fréquemment utilisée pour justifier le patriarcat (et largement reprises par des musulmanes endoctrinées pour défendre cette infériorisation). Mohamed Nadhir rajoute que, en cas de conflit conjugal en France, on peut recourir à l'autorité islamique, « à un imam, par exemple, ou à une personne qui est spécialiste de ces conflits conjugaux, à la lumière du Coran et de la sunna. » Il incite au recours à une justice parallèle car la justice laïque de la République rejette toute forme de discrimination.
Accroché comme un boulet à la cheville, l’aspect financier est un autre domaine important du patriarcat pour maintenir la femme dans la dépendance infantile. Toujours aussi franc, Mohamed Nadhir affirme que « l’homme est roi dans son foyer ». La femme est là pour le servir. La prochaine partie sera consacrée à cette dépendance financière de « la femme considérée comme une reine en islam ».