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Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

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Mohamed Nadhir (partie 7), la matérialisation du patriarcat par le voile

Par Naëm Bestandji . Publié le 08 Novembre 2024 à 19h53

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« Cette vie-là, c’est une vie de sacrifices. Toi, tu dois faire des sacrifices pour Allah. Tu dois faire des sacrifices pour montrer que tu veux plaire à ton seigneur. »
Ce propos, destiné aux musulmanes pour les convaincre de se dissimuler « librement » sous un voile, est un classique de l’argumentaire islamiste, quels que soient la langue et le pays. Cet accessoire vestimentaire, le plus misogyne que l’homme ait inventé, est le couronnement matériel du patriarcat islamiste dont Mohamed Nadhir est un ardent défenseur et promoteur (cf. parties précédentes).

Le risque de mort imminente : coup de pression pour se voiler

Comme la totalité des prescripteurs du voile, Mohamed Nadhir explique que la vie ici-bas est éphémère. Le sacrifice des musulmanes est donc plus supportable. Il développe alors un argument commun, là encore, à tous les prescripteurs : la mort inattendue. L’idée est toujours d’effrayer : « Imaginez-vous, là, tout de suite, ce soir, que vous mourez. Tout de suite, dans votre lit, vous allez mourir, par un arrêt cardiaque. Demain, vous êtes dans votre tombe, dans votre linceul. Les gens vous ont lavées. Ils ont prié sur vous. Vous avez été enterré. Dans votre tombe vous voyez vos œuvres et vous savez que dans ces œuvres-là il manque une obligation qui vous a fait défaut tous les jours de votre vie. Le voile, c'est une obligation qui se manifeste tous les jours de votre vie. C'est à dire que, à chaque occasion que vous avez de sortir de chez vous dévoilée, il y a la flèche de l'obligation du voile qui pointe sur vous en vous disant : « Attention, tu as cette obligation-là. Ne la délaisse pas ». Et donc, si vous la délaissez, c'est une flèche que vous avez envoyée ailleurs et c'est une case que vous n'avez pas cochée et qui reste vide dans la liste des obligations que vous devez pour Allah. Et dites-vous que le jour de la Résurrection vous allez être ressuscitées. »

Parce que la mort peut surgir n’importe quand (un accident de voiture, une rupture d’anévrisme, etc.), une musulmane ne doit pas attendre pour se voiler. Si elle n’a pas été voilée de son vivant, elle devra en subir les conséquences lors du jugement dernier et gagnera son ticket pour l’enfer. Ce coup de pression, parmi d’autres, par le risque de mourir sans avoir été voilée de son vivant est commun à tous les prescripteurs du voile (tous des hommes, évidemment). Il est archi martelé. C’est pour cela que nous retrouvons cet argument dans la bouche de nombreuses femmes et adolescentes voilées, notamment sur les réseaux sociaux. Elles sont nombreuses à se faire le relais des hommes qui leur prescrivent le voile, afin de convaincre à leur tour les récalcitrantes. Il faut bien comprendre que la totalité des explications et arguments avancés par les femmes voilées ne sortent pas de leur esprit mais du caleçon des hommes qui leur prescrivent le voile. En effet, les raisons de ce « sacrifice » et de l’urgence de se voiler avant de mourir ne sont pas spirituelles. Elles sont sexistes et patriarcales, motivées par une obsession sexuelle masculine exacerbée. Là est le cœur de la raison d’être du voile : apaiser la libido masculine en dissimulant l’objet sexuel tentateur. Le voile est la matérialisation physique du patriarcat islamiste.

Les raisons de ce « sacrifice » et de l’urgence de se voiler avant de mourir ne sont pas spirituelles. Elles sont sexistes et patriarcales.

La « pudeur », concept redéfini par les islamistes pour imposer le voile aux femmes

Grâce à la rhétorique d’inversion, les islamistes inversent les concepts et situations pour rendre l’immonde valorisant. Là, entre en scène la plus grande trouvaille marketing des islamistes, résumée en un seul mot : « pudeur ». L’objet sexuel qu’est la femme à leurs yeux doit s’habiller de façon « correcte, convenable » pour être « pudique », comme le dit Mohamed Nadhir. Cette fameuse « pudeur », dont les hommes tels que Mohamed Nadhir sont dispensés, consiste à cacher l’intégralité de la femme, de la tête aux pieds. Pour forcer le contraste et montrer à quel point les musulmanes voilées sont « pures », il souligne l’impudeur des femmes non-voilées par leur « dépravation ». L’argument du châtiment de Dieu, si la musulmane n’a pas été voilée de son vivant, enfonce le clou pour contraindre « librement » celles qui résistent aux arguments terrestres.

Du sexisme à la valorisation identitaire et politique

Une fois que les milliers de prêcheurs tels que lui ont réussi à convaincre des musulmanes par la culpabilisation et la peur, autant que par la valorisation de l’immonde en présentant la femme comme une « perle » et un « bijou » dont le voile serait « l’écrin », viennent les arguments identitaires et politiques (lire mon livre). Ils font partie de la valorisation de l’immonde, qui réussit à convaincre des musulmanes de se soumettre à la libido des islamistes mâles par le port du voile. En effet, les islamistes sont si obsédés par le sexe, et le patriarcat si glorifié, que le sexisme du voile est le drapeau identitaire et politique de leur idéologie. Les musulmanes voilées en sont le porte-étendard. Comme les autres, Mohamed Nadhir l’affirme :
« À notre époque c'est le moment ou jamais où l'obligation du voile est la plus importante. C'est le moment où jamais dans cette situation dans laquelle notre dîn [religion/système religieux musulman] est attaqué, c'est le moment où jamais où il faut porter fièrement cette législation-là. » Comme toutes les idéologies totalitaires, la moindre opposition à l’expansion de l’islamisme est considérée comme une attaque, notamment les lois de la République qui mettent chacun sur un pied d’égalité.

Convaincre les musulmanes par la culpabilisation et la peur, autant que par la valorisation de l’immonde en présentant la femme comme une « perle » et un « bijou » dont le voile serait « l’écrin ».

« En sachant que les hommes et les femmes des compagnons ont porté ce message de l'Islam en se sacrifiant de cette façon. […] C’est les sahabas [compagnons de Mohamed] qui sacrifiaient leur être pour porter le message de l'Islam, pour aller aux quatre coins du monde, pour aller au fin fond de l'Asie, pour aller au fin fond de l'Europe et de l'Andalousie et au nord de l'Afrique et qui portaient le message d’Allah avec leur langue et avec leur comportement. Donc, comment est-ce qu’on peut prétendre défendre ce patrimoine-là si on ne monte pas au créneau sur les sujets sur lesquels il faut le défendre ?
[…]
Oui, le voile est politique comme ils disent. Le voile est prosélyte. Oui le voile est prosélyte, oui. Oui, le voile est prosélyte parce qu'il renvoie à un message de l'appel à l'islam. Il renvoie à un message de culture de l'islam et c'est ça qui les dérange. C'est exactement ça qui les dérange. Quand ils disent que le voile est prosélyte, c'est parce qu'ils ne veulent pas voir apparaître le message de l'islam. […] El hamdoulilah, la da’wa [prosélytisme] n’a jamais été aussi facile. Il suffit de porter le hijâb pour faire la da’wa et pour avoir accompli une grande partie de l'obligation qu'on a. Donc, qu'attendez-vous ? »


Cet argument du prosélytisme par le voile n’est pas de lui. Par sa taille et sa visibilité, il est évident que porter le voile est une forme de prosélytisme, peu importe les intentions de celle qui le porte. C’est pour cela que tous les prédicateurs islamistes valorisent les musulmanes voilées (après les avoir dénigrées en tant qu’objets sexuels tentateurs). Cela a pour double effet de faire oublier le côté avilissant et misogyne du voile, tout en favorisant l’avancée de leur idéologie par un panneau publicitaire mobile : le voile. Nader Abou Anas, par exemple, est un collègue de Mohamed Nadhir. Ils interviennent souvent ensemble. Lui aussi affirme que « notre daw’a est dans notre hijâb. Pas besoin de parler, le hijab le fait pour nous ».

Dans un autre discours, Mohamed Nadhir poursuit son explication : « Tu n'es pas responsable que de toi-même. Tu es responsable de toi et de ta communauté. Tu es responsable de ce que tu dégages et de ce que tu renvoies à la communauté. Et donc tu es responsable de l'image que tu donnes du dîn. […] Parce que tu es une part d'un tout. »

Et dans un autre : « Où sommes-nous lorsque les gens font les sacrifices ; lorsque les gens combattent pour élever la parole d’Allah idéologiquement ; lorsque la religion d’Allah est attaquée de toutes parts ? Où sommes-nous pour la défendre, là où on sait que le hijab c'est devenu un garde-fou idéologique, c'est devenu un principe idéologique ; là où notre religion est attaquée ? Le fait d'abandonner cela c'est abandonner, quelque part, la défense de sa religion. Parce qu'au final on dit à celles qui le portent « allez dans votre combat. Moi je vous soutiens dans votre combat, mais je reste à l'écart ». Alors qu'on pourrait prendre part à ce combat-là. Justement, montrer qu'on est fiers de notre religion et qu’on le porte avec fierté et avec force. »

Le voile, principal outil prosélyte et politique de l’islamisme

Mohamed Nadhir montre ici un des éléments centraux de la stratégie islamiste. En effet, les offensives politiques de cette idéologie totalitaire sont bien plus nombreuses que la totalité des offensives religieuses des autres religions réunies. Elles sont aussi plus spectaculaires. Elles se manifestent par le sexisme du voile dans la majorité des cas, notamment à l’école. Face à leur multiplication spectaculaire depuis 1989, des citoyens et associations se dressent par des alertes, par l’information, la caricature, etc. grâce à la liberté d’expression. L’État réagit naturellement aussi par des circulaires, des lois et des règlements pour circonscrire ces offensives. Les islamistes optent alors pour la stratégie victimaire : ils hurlent à l’injustice et à la discrimination. Par la rhétorique d’inversion, refuser leurs demandes de privilèges et leurs avancées serait une forme de racisme (l’islam est une ethnie, selon eux). Ils créent auprès des musulmans un sentiment anxiogène et d’injustice dont ils sont pourtant responsables. Ils poussent alors encore plus fortement les musulmanes à porter fièrement le symbole de leur soumission patriarcale. C’est grâce à ce cercle « vertueux » que l’islamisme a réussi le tour de force de rallier une frange perdue de la gauche en quête de victimes à défendre, pour toujours mieux avancer.

Ce rôle prosélyte du voile, et la responsabilité communautaire qui pèse sur celles qui le portent, est une évidence martelée par la totalité de ses prescripteurs, quels que soient le pays et la langue. Mohamed Nadhir n’est donc pas une exception. Il est la norme. J’ai écouté et étudié des dizaines de discours de prêcheurs islamistes (seuls à prescrire le voile) de différents pays, en français, en arabe et en anglais. L’intégralité des prescripteurs du voile, tous des hommes, quel que soit l'endroit du monde, disent exactement les mêmes choses. Tout est détaillé, analysé et sourcé dans mon livre (« Le linceul du féminisme-Caresser l'islamisme dans le sens du voile »). C’est en écoutant ces prédicateurs que des femmes consentent à se soumettre à leur prescription, culpabilisées par la tentation sexuelle dont elles seraient responsables, effrayées par les flammes de l’enfer si elles laissent leurs cheveux au vent et enthousiasmées par les récompenses divines si elles consentent à se cacher. Le processus d’endoctrinement alterne entre la carotte et le bâton. Il plonge dans une réelle infériorisation et chosification de la femme pour remonter vers une artificielle valorisation. Il oscille entre le religieux et le politique. L’ensemble est empaqueté dans la plus profonde misogynie où seul le patriarcat est glorifié.

Le processus d’endoctrinement alterne entre la carotte et le bâton.

Cela mène des femmes et des adolescentes à se convaincre qu’elles se sont voilées sans aucune influence extérieure. Tout est également détaillé et expliqué dans mon livre. Cette forme de racisme, la misogynie dont le patriarcat est le modèle d’organisation, est la seule à se maintenir grâce au consentement (souvent joyeux, parfois résigné) d’une partie de ses victimes. Le voile permet de marquer visuellement les concernées, comme le stigmate de leur infamie. Les intersectionnelles nomment cela le « libre choix ». Des organismes tels que le Planning familial ou Amnesty international en sont de fervents défenseurs, à l’unisson avec l’islamisme politique qui leur a suggéré ce slogan marketing pour en faire leurs alliés.
Au-delà de sa fonction première de dissimuler l’objet sexuel tentateur (la femme) pour ne pas exciter la libido des prédateurs (les hommes), le voile marque aussi ces femmes comme propriété de leur « communauté ». Il en devient alors naturellement le drapeau identitaire, l’outil politique par excellence, face au reste du monde où les femmes n’auraient aucune « pudeur » (car libres de se vêtir comme elles veulent) et aucun respect pour elles-mêmes (car trop proches de l’égalité avec les hommes).

Mohamed Nadhir a le mérite de la clarté, là où d’autres sont dans l’euphémisme pour tenter d’adoucir sur la forme un fond choquant. Il assume tout et sait rester cohérent. C’est pour cela qu’il reconnaît l’islam comme profondément patriarcal. Le sexisme du voile en est la pierre angulaire matérielle. Mais cet accessoire misogyne ne se suffit pas à lui-même. Le contrôle du corps des musulmanes ne se fait pas seulement par leur occultation sous un linceul. Pour les prescripteurs du voile, il se fait aussi par le contrôle de leurs déplacements et de leur présence dans l’espace publique. Ce sera le sujet du prochain volet consacré à ce prédicateur.

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