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Le sexisme du voile, étendard politique de l’islamisme abordé dans la partie précédente, est la pierre angulaire matérielle du patriarcat de l’intégrisme musulman. Mais cet accessoire misogyne ne se suffit pas à lui-même. Le contrôle du corps des musulmanes ne se fait pas seulement par leur occultation sous un linceul. Pour les prescripteurs du voile, il se fait aussi par le contrôle de leurs déplacements et de leur présence dans l’espace public.
Mohamed Nadhir est souvent interpellé par des internautes incapables de réfléchir par eux-mêmes. Leur endoctrinement est tel qu’ils ont abdiqué tout esprit critique et même toute autonomie. Ils lui posent alors des questions pour savoir si telle profession est licite pour une femme ou bien même si sa propre voix est licite ou non devant un homme. Des questions récurrentes que nous retrouvons sur tous les sites et forums islamistes. L’ensemble de ces questions, et les réponses apportées, rejoignent toujours la même obsession matérialisée par le sexisme du voile : la crainte de la tentation sexuelle engendrée par la mixité.
Quand certains islamistes rejettent toute forme de mixité, d’autres veulent être plus nuancés. Ils semblent, en apparence, moins radicaux. Ils veulent distinguer la mixité, qui serait autorisée, de la « promiscuité » qui serait interdite. Des prédicateurs comme Hassan Iquioussen ont déjà exprimé cette distinction. L’interdit se situe toujours là où commence leur crainte de la tentation sexuelle. Mohamed Nadhir précise alors que « la mixité en soi, tant que ce n'est pas un isolement, à savoir qu'un homme s’isole avec une femme, ce qui, là, est interdit, elle n'est pas interdite en soi. Elle va être interdite pour les conséquences qu'elle va engendrer. »
« L’isolement » signifie la présence d’un homme et d’une femme seuls dans une pièce. Cela peut être une chambre, une cuisine, un bureau, chez un particulier, à l’école ou une entreprise. Peu importe le lieu, le critère important est qu’un homme et une femme soient seuls dans une pièce. L’interdit n’est pas cet isolement en tant que tel, mais « ce qui va être engendré par cela ». C’est-à-dire « un contact, un propos, un acte illicite », à savoir de la séduction et de la sexualité. Il démontre d’ailleurs que l’isolement n’est pas le seul critère. Il prend pour exemple un déjeuner ou dîner de travail ou bien une rencontre autour d’un verre entre collègues.
Toute situation/ambiance où un homme et une femme se retrouvent seuls, ou bien même s’ils discutent de façon amicale au milieu d’autres personnes, est considérée comme dangereusement séductrice. Cela relève de l’obsession sexuelle des islamistes, excités en permanence et incapable de se contrôler en la présence d’une femme (surtout si, en plus, elle n’est pas voilée).
Cette obsession permanente de la crainte de la tentation s’inscrit dans un modèle ultra patriarcal où la femme est responsable des désordres dans la société. La voiler pour protéger l’homme de la tentation n’est donc pas suffisant. Il faut aussi lui interdire de sortir de chez elle, si cette sortie n’est pas nécessaire. Ainsi, son mari a par exemple le droit de lui interdire d’aller à la bibliothèque pour étudier, alors qu’elle pourrait le faire de chez elle. Au pire, il l’accompagne pour rester avec elle, la surveiller et la préserver de toute mixité. Autrement dit, elle bénéficie d’une police des mœurs personnelle. Pour Mohamed Nadhir, le mari « est dans son droit et on ne peut pas le blâmer. »
Le prédicateur cite alors quelques professions pour exemple, qui seraient interdites aux femmes musulmanes en raison de la crainte de la tentation sexuelle. Le métier d’hôtesse de l’air serait exercé dans « un milieu particulièrement lubrique », entre sa tenue jugée « indécente » et sa mission de vendeuse de produits jugés religieusement « illicites » (alcool, tabac).
Les professions de pilote et de policière ne trouvent pas plus grâce à ses yeux, toujours en raison de la mixité et de la tenue vestimentaire des femmes. Alors à quoi bon faire des études ? Sa réponse colle parfaitement au patriarcat. Les femmes peuvent faire des études pour leur culture personnelle et, accessoirement, être un joli trophée pour son (futur) époux : « On étudie pour s'enrichir parfois ; on étudie pour développer sa conscience ; on étudie pour beaucoup de choses, pas forcément pour avoir un métier. » Le « on » est uniquement valable pour les femmes.
Les activités de loisirs sont évidemment contrôlées. Mohamed Nadhir nous explique que le sport doit être particulièrement encadré. Les tenues bien sûr (voile et vêtement amples sont obligatoires), mais aussi les mouvements et positions qui pourraient être trop suggestifs ou montrer les formes de la femme.
Quant à la danse, elle « est autorisée tant que c’est entre femmes. S’il n’y a pas d’hommes qui peuvent les voir, elles peuvent danser entre elles sans problème. »
Si la femme ne peut pas exercer le métier et l’activité de son choix, ni même sortir de chez elle quand elle le souhaite, elle peut donc encore moins voyager seule. Le voyage entraîne une mixité quasi permanente, un cauchemar pour les islamistes. Il est alors obligatoire que la femme soit accompagnée de son mari ou d’un mahram (chaperon masculin qu’elle ne peut pas épouser, donc un membre de sa famille). Ce serait aussi pour la protéger de tout risque d’agression, grâce à la virilité de son chaperon.
L’obsession sexuelle est si profonde que tout cela n’est toujours pas suffisant. La voix féminine poserait aussi un problème de tentation sexuelle. Nombre d’islamistes la considèrent comme une forme de nudité devant être recouverte de « pudeur », donc cachée. Mohamed Nadhir croit faire preuve de tolérance lorsqu’il précise que la femme peut parler « si elle n’embellit pas sa voix ». Elle ne doit pas faire preuve de « complaisance ». C’est-à-dire « le fait de rire, de ricaner, de faire des petits sourires, des petits regards, de plaisanter, de dire « ah, t’es trop bête » ». Selon lui, ce serait une forme de séduction qui amènerait l’homme à tout imaginer, y compris le mariage et avoir des enfants avec elle…
La voix féminine poserait aussi un problème de tentation sexuelle.
L’homme serait un être faible, obsédé par le sexe. Il doit être protégé de la tentation que la femme serait par nature : « Les savants du tafsir, lorsqu’ils parlent de ce verset-là, « l’être humain a été créé faible », ils disent « c'est l'homme vis-à-vis des femmes. Il a été créé faible au point où son esprit s'en va lorsque il est à proximité d'une femme. Il divague, Il commence à perdre l'esprit. Au point il y a des pieux prédécesseurs qui disaient « je suis arrivé à un tel âge ; je suis aveugle d'un œil ; je suis vieux et j'ai encore peur de la tentation des femmes ». Parce que c'est une tentation qui est tellement forte. C'est quelque chose qui est tellement attractif qu'il suffit d'un petit rire, d'un petit sourire pour que ça y est : c'est une flèche dans le cœur et on commence à s'imaginer. Malheureusement, c'est une chose qui est tellement installée à l'intérieur de nous qu'on doit prendre les prédispositions nécessaires. Donc si la femme elle peut parler avec froideur, avec sévérité, c'est le mieux. »
Le voile est prescrit pour cela. Insuffisant en lui-même, le contrôle des sorties, la surveillance permanente des femmes y compris de leur voix sont supposés protéger l’homme de la tentation. L’homme ainsi protégé, ses pulsions sexuelles seront apaisées. La réduction de ces risques protège la femme en retour. Au prix de lui enlever toutes les libertés auxquelles les hommes ont droit.
Les offensives à l’école par des élèves fanatisées en sont le résultat. Du port du voile en entreprise au refus d’aller à la piscine si la baignade est mixte, des actions burqini aux « hijabeuses », ces femmes et jeunes filles ont été imbibées des discours de prédicateurs tels que Mohamed Nadhir, Nader Abou Anas, Hassan Iquioussen et tant d’autres.
En plus de tout cela, l’intransigeante ostentation islamiste sur les pratiques religieuses comme la prière créent naturellement des tensions dans les universités, les entreprises et la fonction publique. Face à la moindre opposition, la stratégie victimaire se met en place. Nous le constaterons dans la prochaine partie de cette série.