Un article du quotidien algérien El Watan, publié le 14 février 2018, dévoile les campagnes islamistes pour amener les étudiantes algériennes à faire le "libre choix" de porter le hijab (1). Un phénomène observé depuis plusieurs années qui prend de l'ampleur.
Cet article nous concerne. Ce qui se passe en France est lié à ce qui se passe dans d'autres pays musulmans. Les situations ne sont pas hermétiques. Des prédicateurs viennent souvent de ces pays pour promouvoir leur doctrine chez nous. De nombreux sites internet, chaînes satellitaires et ouvrages traduits en français proviennent de ces pays. A l'inverse, le militantisme islamiste européen ainsi que ses soutiens relativistes participent à la propagande des islamistes dans les pays musulmans.
Le traumatisme de la guerre civile opposant les islamistes au pouvoir militaire (1991-2002) est encore vif en Algérie. Le principal champ de bataille des djihadistes n'était pas territorial mais humain : le corps des femmes. Les islamistes algériens rêvaient de cacher les femmes sous un voile pour préserver leur libido d'obsédés sexuels, comme tous les islamistes du monde. Pendant que les premières islamistes françaises militaient à cette époque pour porter le voile, symbole du sexisme sous l'influence de prédicateurs venus pour beaucoup d'Algérie, des femmes se faisaient égorger là-bas parce qu'elles refusaient de se voiler.
Si le régime militaire algérien a gagné la guerre, les islamistes ont gagné une grande partie des âmes, au point de déborder sur les corps. Pour voiler les Algériennes, ils ont compris qu'il est plus judicieux de les faire plier par la pression sociale et religieuse afin de les amener à faire le "libre choix" du voile, plutôt que de les mettre à genoux pour les égorger. Leur prosélytisme est efficace, soutenu par le Moyen-Orient.
Ce prosélytisme, voire ce harcèlement, est aussi mené par des femmes. Les islamistes, en Algérie, en France et ailleurs, ont compris qu'il n'y a rien de mieux pour promouvoir le sexisme que de mettre des femmes en avant : Et ce sont en général des étudiantes islamistes qui mènent ces campagnes dans les universités, les écoles supérieures, les cités universitaires et même sur certaines pages Facebook, telles que ‘‘Mon voile, le secret de mon bonheur’’, une page qui a été supprimée suite aux signalements (2).
Pendant que les premières islamistes françaises militaient pour porter le voile, symbole du sexisme sous l'influence de prédicateurs venus pour beaucoup d'Algérie, des femmes se faisaient égorger là-bas parce qu'elles refusaient de se voiler.
Mona Eltahawy (journaliste, écrivaine et militante féministe égyptienne), expliquait il y a quelques années que "les femmes du monde occidental portant un voile contribuent à asservir les femmes ailleurs dans le monde pour lesquelles le port du voile est une contrainte." Ce constat est partagé par de nombreuses féministes arabophones. En effet, les femmes islamistes européennes, et les relativistes qui contribuent à la promotion de "la mode pudique" (un euphémisme pour ne pas dire la mode sexiste), enfoncent les musulmanes des pays musulmans comme en témoigne l'article d'El Watan : C’est ce que nous retrouvons à l’Ecole normale supérieure de Bouzaréah (ENS), des murs tapissés de photos de femmes occidentales converties à l’islam et portant le foulard, ainsi que des affiches comportant des sourates et hadiths valorisant le port du voile. Des agissements qui inquiètent sérieusement les responsables de l’école.
Pour paraphraser le discours des islamistes lorsqu'ils s'adressent aux femmes dans les pays musulmans : "Même les "occidentales" portent le voile et le défendent dans le pays des Droits de l'Homme et du féminisme, cela prouve que le voile est une bonne chose pour les femmes".
Rokhaya Diallo est une de ces européennes qui participent à l'oppression de ces femmes. Soutien indéfectible du sexisme islamiste depuis toujours, elle considère les intégristes comme de simples musulmans et explique que le voile ne serait qu'un "marqueur de féminité"… Ces algériennes apprécieront.
En Algérie, la pression est constante et multiple. Les islamistes ne se cantonnent évidemment pas aux campus. L'été dernier au centre d'Alger par exemple, des militantes intégristes distribuaient aux passantes non voilées des tracts pour les convaincre de se bâcher. En France, nous avons le "Hijab day" pour participer à sa banalisation. Il est impossible d'imaginer en Algérie une campagne de distribution de flyers promouvant l'inverse. Cela serait perçu comme une atteinte à la religion, un blasphème. En France, les islamistes et leurs soutiens nomment cela "islamophobie". Pourtant, la raison d'être du voile est uniquement sexiste, pas religieuse. Ce rejet et ce discrédit de toute autre interprétation religieuse (les musulmans rationalistes sont considérés comme des traîtres) est un des moyens amenant aussi au "libre choix".
Les intégristes s'adressent bien à des musulmanes. Preuve une nouvelle fois que le problème vient plus des islamistes que de l'islam. Et même en Algérie, comme en France et contrairement à l'idée reçue, l'influence vers la servitude volontaire que représente le voile vient souvent de l'extérieur, pas de l'intérieur de la famille : "Je n’ai rien contre ma religion, je suis moi-même musulmane." Face à cette pression elle a fini par céder : "Après des mois de combat, j’ai fini par me résigner. Je ne me souviens plus comment ni quand j’ai fini par porter le voile. Ma famille m’en veut de ne pas avoir su résister, mes parents ont toujours été contre le port du voile" (3).
Les réseaux sociaux et sites internet sont le moyen de propagande le plus important. Voici une des images largement diffusées au Maghreb, au Moyen-Orient et en France.
"Tu ne peux pas les empêcher, mais tu peux te protéger. Celui qui t'a créé sait mieux que quiconque ce qui est bien pour toi". C'est la traduction de la légende en arabe. La sucette représente la femme qui ne peut empêcher les mouches (les hommes) de rôder autour d'elle pour s'y coller et la butiner. La femme peut s'en protéger en gardant l'emballage de la sucette (le voile), ce qui la rendra moins attirante pour les mouches.
La ou les personnes ayant écrit ce texte s'expriment au nom de Dieu. Comme toujours avec les ultra-religieux, Dieu ne parle pas mais eux s'expriment pour lui. Ce dessin véhicule à la fois un sentiment de crainte (on doit se protéger de la bestialité des hommes) et de culpabilité (si tu n'es pas voilée, tu déplairas à Dieu et en plus il ne faudra pas te plaindre si tu as des problèmes avec les mouches). Ce dessin fait partie du prosélytisme des intégristes pour amener les musulmanes à faire le "libre choix" du voilement. Il montre encore, s'il en était besoin, que le voile n'a rien de religieux. Ils avancent sa seule raison d'être, le sexisme. Ce qu'ils nomment, dans ce que j'appelle leur rhétorique d'inversion, la "pudeur".
Les petites filles ne sont pas oubliées. Il faudrait les initier très tôt, les préparer à ce qui les attend, pour ne pas avoir besoin de les convaincre plus tard à un âge où leur esprit critique sera plus aiguisé. Là encore les réseaux sociaux jouent un rôle important.
Cette image circule sur les sites et pages Facebook d'intégristes, notamment en Algérie, qui "expliquent" la religion aux jeunes musulmanes. Ils détournent le personnage de Jasmine du dessin animé "Aladin" pour amener les filles à "choisir le voile en toute liberté".
Ce choix stratégique est expliqué dans une émission religieuse française animée par Asif Arif, un religieux apprécié par l'Observatoire de la laïcité présidé par Jean-Louis Bianco.
Asif Arif pose la question d'un des téléspectateurs à ses invités : "Comment expliquer à sa fille les bienfaits du voile ?" La réponse est de dire qu'il faut l'habituer dès son plus jeune âge aux "enseignements de l'islam" (pour les intégristes, leur point de vue est le véritable islam. D'autres musulmans ne sont pas d'accord avec cela). Le voile étant interdit à l'école, il conseille aux "petites filles de 7 ans, 8 ans, 9 ans jusqu'à 15 ans de porter le voile devant leurs amis dans des réunions informelles à l'école." Il explique que le but est de les habituer au voilement pour ne pas qu'elles se "rebellent" une fois adolescentes. Pour cela, "le travail doit commencer très tôt" (4). Asif Arif, placide, ne semble pas choqué par de tels propos. Auprès de l'Observatoire de la laïcité, et de l'association Coexister, il est un fervent défenseur du "libre choix" pour le port du voile et un opposant à la loi de 2004 sur les signes religieux à l'école...
Cette volonté d'habituer les petites filles au port du voile est mise en pratique dans divers centres "culturels" musulmans en France et ailleurs.
Exemple d'endoctrinement dès le plus jeune âge au voilement et à la cause Palestinienne par le biais de la confessionnalisation du conflit. Deux petites filles voilées figurent parmi les autres enfants. C'est un des moyens utilisés pour banaliser le voile.
Des livres pour la petite enfance ou des informations sur des activités de loisirs ont pour illustration des fillettes de 4 ans voilées parmi d’autres enfants. L’objectif est d’instiller le voile chez les enfants, en faire un “vêtement” comme un autre en habituant les fillettes à le porter pour leur faire accepter leur futur statut d’objet sexuel qu’il faudra cacher. Ainsi, elles le "choisiront" plus tard… "librement".
Cela montre que la loi de mars 2004 interdisant les signes religieux ostensibles à l'école est pleinement justifiée. Cela explique aussi la virulence des intégristes contre celle-ci. Les laïques algériens sont confrontés à la même problématique. Mais leur cadre est moins protecteur qu'en France.
L'article d'El Watan mentionne également un surnom donné aux femmes voilées : "Kinder surprise". Je l'avais entendu une ou deux fois en Tunisie, mais je ne pensais pas qu'il était si répandu. Parmi les éléments de langage des islamistes pour amener les femmes à faire le "libre choix" de porter le voile, ils expliquent qu'il serait l'écrin d'une perle ou d'un bijou. Certes, la femme étant un objet pour les islamistes, il est plus valorisant de la comparer à un bijou dont le voile lui servirait d'écrin. Cela aurait moins de succès de dire la vérité en la comparant à un morceau de viande dont le voile lui sert de bâche pour ne pas susciter la convoitise des morts de faim que seraient les hommes.
Mais pour beaucoup d'hommes, le voile est un emballage qui suscite au contraire l'intérêt. Quelle beauté se cache sous ce voile ? L'exhibition "religieuse" qu'est le voile est souvent perçue comme plus attrayante que "l'exhibition" des cheveux, du cou ou des bras. La dissimulation du corps est ressentie comme plus érotique. C'est l'effet "Kinder surprise" : on a envie de manger le chocolat autour pour découvrir quel cadeau se cache à l'intérieur.
L'article d'El Watan nous confirme, s'il en était encore besoin, que les destins des femmes entre les deux rives de la Méditerranée sont liés. Les droits et la liberté des femmes ne doivent pas se diviser selon les pays, les cultures ou les religions. Le projet totalitaire des islamistes est mondial. Voilà pourquoi le féminisme ne peut qu'être universaliste.
(1) Le hidjab malgré moi…
(2) Ibid
(3) Ibid
(4) Comment expliquer les bienfaits du voile ? l Emission 27