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Naëm Bestandji

Féminisme / Universalisme / Laïcité

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Le voile, linceul du féminisme

Par Naëm Bestandji . Publié le 15 Septembre 2019 à 10h14

Les islamistes sont obsédés par la sexualité. Le voile est censé être l'outil d'apaisement de leur libido par l'occultation des cheveux, des oreilles, du cou et du reste du corps des femmes. Cette obsession est telle qu'ils en ont fait l'axe central de leur stratégie identitaire et politique. Le voile en est le cheval de Troie.

Ainsi, depuis trente ans, la France est régulièrement secouée par des affaires de voiles dits "islamiques". La pression islamiste ne cesse de s'accroitre. Le dernier terrain visé sont les piscines municipales à travers le burqini. Comme à chaque nouvelle affaire, des associations et une partie des élites intellectuelles et politiques se rangent du côté des islamistes, convaincues qu'elles défendent de simples musulmans victimes de discrimination. Là est leur incroyable succès politique. Sans ces complaisances, l'islamisme politique ne progresserait pas aussi aisément. Comment est-ce possible ? Par l'inversion des concepts et des situations.

La réalité sexiste du voile étant indéfendable, le seul moyen de le faire accepter est de le sanctuariser en lui attribuant une dimension religieuse, inexistante dans le Coran mais largement prescrite par les islamistes. Le terrain de la laïcité permet ainsi aux islamistes de ne plus avoir l'image d'oppresseurs mais d'opprimés, celle de "musulmans persécutés" par une société "islamophobe" (anti islam) qui restreindrait la liberté religieuse. Il est plus facile de revendiquer une laïcité "ouverte" ou "inclusive" plutôt qu'un "sexisme ouvert" ou un "patriarcat inclusif". Ils réussissent ainsi à éviter le terrain réellement concerné où ils n'ont aucune chance : l'égalité des sexes.

Cette rhétorique d'inversion permet également de faire passer le sexisme "religieux" pour du féminisme lorsqu'il est porté par des femmes convaincues par des hommes. Il suffit qu'une intégriste musulmane se présente comme opprimée par la société et se déclare féministe pour que cela fasse fondre d'émotion une partie de la population. Peu importe qu'elle porte sur la tête un voile qui signifie l'exact contraire de ce qu'elle affirme, seule sa parole compte. Toute tentative d'interroger son discours sera identifiée comme une forme d'agression.

Il n'y a rien de plus efficace pour faire de l'antiféminisme que de mettre des femmes en avant. Les militantes islamistes, et leurs soutiens relativistes, sont d'ailleurs les premières à affirmer que seules les concernées peuvent s'exprimer sur les sujets qui les concernent. Cela leur apporte de la crédibilité en raison de leur sexe : tout ce qui est exprimé par une femme serait forcément féministe, en occultant le fait que leur "libre choix" a été construit par des hommes.
Revendiquer le sexisme comme une forme de féminisme n'est pas une inversion exclusive à l'intégrisme musulman. Une partie des intégristes chrétiennes, aux États-Unis par exemple, use du même mécanisme rhétorique. Elles se font appeler "féministes provie" pour faire de leur lutte contre le droit à l'IVG une action féministe. De la même manière, les intégristes musulmanes voilées déclarent que le sexisme de ce qu'elles portent serait féministe.

Tout ce qui est exprimé par une femme serait forcément féministe, en occultant le fait que leur "libre choix" du voile a été construit par des hommes.

C'est dans ce contexte que les actions burqini peuvent se comprendre. L'apartheid sexuel symbolique, et parfois concret, du voilement, la négation du corps féminin sexualisé en permanence en se conformant à la notion de "pudeur" définie par des hommes (d'où la volonté de le cacher sous un voile dont la burqa de bain est la déclinaison waterproof) sont, par définition, antiféministes. Mais puisqu'elles affirment avoir "choisi" cette (auto) discrimination, qu'elles s'opposent au "modèle occidental", à savoir que les femmes disposent réellement de leurs corps, alors cela devient un acte féministe. La rhétorique d'inversion est exploitée jusqu'au tréfonds pour récupérer et retourner à leur avantage ce contre quoi elles s'opposent : elles déclarent lutter pour disposer de leurs corps. Par ce "féminisme", elles perpétuent la longue lignée des femmes qui militent pour le maintien de leur propre oppression.

Ainsi, derrière ces militantes pro-burqini se cache la volonté de recouvrir les corps des femmes qui s'étaient libérées du joug patriarcal. A l'inverse des siècles passés, ces actes sont décriés par la société d'aujourd’hui, ce qui leur permet de faire passer leur ultra conservatisme d'un autre âge pour un acte de rébellion féministe.

Selon moi, le féminisme n'est donc pas qu'une question de sexe mais surtout d'état d'esprit qui oppose deux conceptions du monde. Il y a, d'un côté, la volonté de se libérer du diktat culturel, traditionnel et religieux pour aller vers toujours plus d'émancipation et d'égalité des sexes. Les Droits Humains seraient ainsi les mêmes pour toutes et tous. De l'autre, il y a la volonté différentialiste de "respecter" des traditions et une vision ancestrale du corps féminin. Cette volonté se drape d'une apparence féministe par ce qui est son linceul : le voile. Des femmes et des hommes se trouvent des deux côtés.

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